TOP

Roméo et Juliette : cinquième et dernier épisode

Samedi 30 avril 2011. Roméo et Juliette de Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Myriam Ould-Braham (Juliette), Christophe Duquenne (Roméo), Yann Saïz (Tybalt), Marc Moreau (Mercutio). 

ould-braham-duquenne-r_j-saluts.JPG

Quel plaisir de terminer cette série de Roméo et Juliette par cette distribution. Surtout par cette Juliette d’ailleurs. Ce n’est pas un secret, je suis une inconditionnelle de Myriam Ould-Braham, et j’assume ma totale subjectivité à son égard. 

Mais encore une fois, elle m’a totalement emportée. Dès le premier regard, elle incarne une Juliette idéale, telle en tout cas que je me l’imagine : frêle jeune fille (elle faisait véritablement adolescente sur scène), si petite au milieu des chevaliers, avant de prendre de l’ampleur et de dominer la scène. Une interprétation différente des autres, comme à son habitude. Sa danse est toujours aussi gracieuse, aussi musicale, son haut du corps aussi travaillé, son bas de jambe aussi précis. C’est tout simplement un régal, à chacun de ses pas. Je ne me lasse ni de voir ça, ni de l’écrire.

Myriam Ould-Braham a choisi le parti-pris de la douceur. La jeune fille n’est peut-être pas la plus espiègle de ses amies, et l’amour lui fait un peu peur. Surtout lorsqu’il prend les traits de Pâris/Julien Meyzindi, au regard quelque peu vicieux. Juliette ne maîtrise pas son destin. C’est un pion dans l’histoire de sa famille, mise de force dans la ronde des chevaliers, sous le regard inquisiteur de son cousin Tybalt/Yann Saïz. Elle ne pense pas à se rebeller, à suivre une autre voie. La rencontre avec Roméo ne la pousse même pas à sortir des sentiers battus. C’est un bref éblouissement, une fébrilité, mais aussi la peur de se laisser emporter par ce sentiment si fort qu’elle n’imaginait même pas exister. Ainsi, si son pas de deux avec Roméo est très tendre, très jeune, il reste pudique. Un peu trop, peut-être.

myriam-ould-braham-juliette.jpg

Il faut finalement un double meurtre pour que Juliette prenne son destin en main. Ce qu’elle fait en se saisissant du couteau à la fin du second acte. Maintenant, c’est elle qui décide, tant pis pour les dommages collatéraux. 

La silhouette est toujours aussi frêle au troisième acte, mais l’esprit ne l’est plus du tout. Face à ses parents tout d’abord. Son père a beau la sangler dans sa robe de marier, mettre son corps en prison, sa tête vagabonde déjà vers son Roméo. Etre l’héroïne d’une tragédie n’est pourtant pas facile. Juliette hésite, le couteau, le poison. Myriam Ould-Braham ne tire pas sur la corde de la tragédie. Elle va chercher dans le vrai, elle joue, elle est Juliette. Ferme, mais toujours empreinte d’une certaine douceur, comme au début. Sa mort est inéluctable, presque naturelle, il n’y a pas à se poser de question au moment de se saisir du couteau. 

Le jeu, tout en retenu, est absolument émouvant. Du cinquième rang en tout cas, la question de savoir si le trentième rang a ressenti la même chose se pose. Peut-être un tout petit peu de tragédie dans le troisième acte, ou de lyrisme dans les pas de deux, n’auraient pas entaché sa prestation. Myriam Ould-Braham s’est tout de même imposée comme un magnifique Juliette, avec déjà une vision du rôle mûrie, alors qu’il s’agissait pour elle d’une première. Il est d’autant plus cruel qu’elle n’ai pas eu droit à d’autres représentations. Surtout que, au delà de l’interprétation, certaines scène de groupe comme le pas de trois du troisième acte n’auraient pas souffert de quelques répétitions supplémentaires. 

Christophe-Duquenne-Yann-Saiz-r_j.jpg

Christophe Duquenne a fait ce que l’on attendait de lui dans Roméo. Des sauts au ras des pâquerettes et un sourire ultra-bright indéboulonnable, mais de l’engagement, un partenariat harmonieux avec sa Juliette. Et en définitive, une prestation tout ce qu’il y a de plus honnête. Tout comme les seconds rôles. Aucun n’a marqué d’une pierre blanche son personnage, mais chacun y a mis beaucoup de coeur et de conviction. Yann Saïz était un Tybalt très impétueux, dur avec Juliette, et aveuglé par sa haine. Marc Moreau a fait une prise de rôle intéressante en Mercutio, avec une technique brillante, mais une pantomime peut-être un peu trop forcée, qui m’a empêché de le trouver vraiment drôle. 

Un petit bilan

Laetitia Pujol/Mathieu Ganio, Isabelle Ciaravola/Karl Paquette, Agnès Letestu/Florian Magnenet, Dorothée Gilbert/Josua Hoffalt, et samedi Myriam Ould-Braham/Christophe Duquenne… Ces cinq distributions, très différentes, m’ont laissé globalement la même impression. Ce Roméo et Juliette est un chef d’oeuvre, grâce au génial mélange de la magnifique partition et de la mise en scène ultra-efficace. Mais à chaque fois, j’en suis ressortie avec l’idée que c’est l’oeuvre qui a dominé les interprètes, et non l’inverse. Que si les soirées ont toutes été très belles, c’est grâce à la musique et la scénographie qui venaient repêcher un moment de faiblesse. 

romeo-et-juliette.jpg

Tous les couples ont eu néanmoins de très beaux moments. Mais aucun n’a su aligner l’équation parfaite durant l’intégralité des 2h20 du spectacle : une Juliette crédible du début à la fin, un Roméo complexe, une très bonne technique pour les deux protagoniste, un couple en osmose et des seconds rôles forts. Une petite pointe de déception est donc présente, et la sensation que, malgré ces cinq très belles soirées (et j’insiste, ce fut de beaux spectacles), ce ballet ne nous a pas montré toute l’étendue de ses possibilités lors de sa version 2011. 

Difficile en tout cas de faire un Top 5. Pour les Juliette, Myriam Ould-Braham et Agnès Letestu remportent ma préférence, ayant réussi à me convaincre dans tous les actes, avec la jeunesse pour la première, l’expérience pour la seconde. Mathieu Ganio a dominé les Roméo sans discussion, sans que j’aille non plus crier au génie absolu, et Josua Hofflat s’y est bien révélé. 

Il n’y a en fait qu’un danseur qui a véritablement réussi à imposer sa vision sur le ballet. Stéphane Bullion a dansé un grand et complexe Tybalt, marquant ce rôle de sa personnalité pour encore de nombreuses années.  

stephane-bullion-tybalt.jpg

© Photo 1 : Danses avec la plume / Photo 3 : Syltren / Photo 4 : Christian Leiber / Photo 5 : Agathe Poupeney.

Commentaires (7)

  • lianeK

    Ould Braham était Juliette , avec un Travail hors comparaison à l’Opéra ( tout le monde la sait)
Ballerine qui danse ( etpas danseuse qui enchaine des pas ) , qui danse avec le haut du corps , avec des pieds et des bras, loin de toutes ces grimaces, loin de cette vraie – fausse tragédie que d’autres vont chercher

    Les bas de jambes de Lestesu et de Pujol sont également remarquables mais de là à en faire Juliette ! Ciavarolla très légere est d’entrée d e jeu bcp trop dans le drame , et dans la force alors qu’elle est si fine

    Gilbert reste dans sa caricature , fort aidée de Hoffalt

    Ould Braham  était Juliette comme Ganio était Roméo , en dehors du monde,une Danse comme un Diamant .

    Hoffalt en a fait quelque chose de plus contemporain , avec une belle maitrise technique et plutôt musical
Magnenet était un peu crispé mais il progressera !!

    Répondre
  • @lianeK: Merci pour ton avis ! On se retrouve sur Ould-Braham, mais je reste moins sévère que toi sur Ciaravola, son troisièmes acte était très beau (le plus beau ?). 

    Répondre
  • Bernard

    Je crois que j’étais aussi heureux qu’elle à la fin du ballet , moi j’attendais que le rideau se relève pour que Myriam Ould Braham devienne une étoile … Bon un jour mais faudra etre là ! pas facile .
    Après ce ballet je crois que je vais etre avec elle encore une bonne semaine …
    J’ai trouvé qu’ils formaient un beau couple et je nai pas était déçu par la prestations de Myriam , celles des seconds roles non plus .
    Moi , j’ai senti qu’elle était bien dans le personnage et son large sourire au final en disait long sur sa prestation … bon ok j’avoue , je suis amoureux 😉

    Je connaisait pas ce ballet mais j’ai découvert que l’on pouvait apprècier autre chose que les grands ensembles du corps de ballet dans le Lac des cygnes ou Casse-noisette …

    Une chose me “turlupine” depuis ce week end , je n’ai jamais entendu la voix de Myriam Ould Braham , j’ai de nombreuses vidéos mais pas l’ombre d’une interview ou autre ?
    Avez vous une réponse à cette question ? merci 🙂

    Répondre
  • Bernard

    Juste pour rajouté …
    J’ai vu Dorothée Gilbert dans Casse-noisette à l’Opéra Bastille en 2009 et ensuite j’ai vu le meme Casse-Noisette de 2005 avec Myriam Ould Braham que j’avais enregistré … alors là je suis tombé un peu sur le c.l , car pour autant j’avais apprécié Dorothée Gilbert mais je ne pouvais que constaté que Casse noisette avec Myriam Ould Braham était d’une autre facture et sous mes yeux de néophyte , son aisance , sa fraicheur lors de ce ballet est à tombé par terre …
    Bon j’arrete 😉

    Répondre
  • @Bernard: Dans mes bras 😆

    Dorothée Gilbert et Myriam Ould-Braham sont des danseuses très différentes. La première est moins musicale et bonne actrice, mais a une danse plus brillante, plus énergique. 

    Une interview vidéo de Myriam ? Pas à ma connaissance, c’est une danseuse discrète, et la direction ne la pousse pas en avant lors des promos. Sur papier, le magazine Danse de décembre a publié une itw d’elle, il y en a une aussi sur AltaMusica http://www.altamusica.com/entretiens/document.php?action=MoreDocument&DocRef=4099&DossierRef=3703

    Répondre
  • Bernard

    Non Amélie 😉 , restons correct , Myriam va pas etre contente 😆
    Merci pour le petit lien …
    A t’elle jouée finalement Casse-noisette en 2009 ? C’est juste pour savoir si je dois me taper la tete contre les murs …. 😉

    Répondre
  • @Bernard: Désolé… Mais elle l’a dansé en 2009 ;), et pas mal de fois. 

    Répondre

Poster une réponse Annuler la réponse