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Roméo et Juliette de Sasha Waltz : épisode 1 (et unique)

Lundi 7 mai 2012. Roméo et Juliettede Sasha Waltz, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Aurélie Dupont (Juliette), Hervé Moreau (Roméo), Nicolas Paul (Père Laurence), Stéphanie D’Oustrac, Yann Beuron et Nicolas Cavallier.

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Roméo et Juliette
, ce n’est pas un mythe qui manque d’illustration. La chorégraphe allemande Sasha Waltz s’y est elle-aussi essayée, sur le poème chanté de Berlioz, pour le Ballet de l’Opéra de Paris en 2007. L’œuvre est reprise en ce moment à Bastille, pour plus ou moins de passion.

Car de la fougue amoureuse, il en manquait un peu lors de la première. Les interprètes ne sont pas en cause, loin de là, il s’agirait plutôt de la chorégraphie. Pendant les 1h45 de spectacle, j’ai en effet eu l’impression que les pas étaient déconnectés de la musique. Mes oreilles percevaient de grands élans romantiques, passionnés et inventifs, mes yeux voyaient une chorégraphie minimaliste, assez sèche, et plutôt répétitive. Deux choses opposées qui ne pouvaient pas s’assembler. Les meilleurs moments restaient ainsi un solo de Roméo dansé dans le silence, phénomène assez paradoxal quand on choisit une si belle musique.

Pourtant, de belles images restent après la soirée. La scénographie est, il faut le dire, très efficace et esthétique, sans tomber dans quelque chose de froid. Sur scène, deux grands carrés blancs se superposent. Celui du dessus bouge durant le spectacle, devenant tour à tour scène de bal, balcon ou montagne insurmontable. La lumière joue aussi un rôle admirable, sachant en un rien de temps créer des espaces et changer d’ambiance. Le tombeau, où l’on recouvre Juliette de pierre, est aussi une image frappante.

Opéra national de Paris
Sasha Waltz
a également utilisé un parti-pris intéressant. Elle n’a pas cherché à suivre la chronologie précise de la pièce, mais à reprendre quelques scènes célèbres, mélangées à des passages plus abstraits. On reconnaît ainsi la scène du bal, ces demoiselles en tutus et tout le monde plus ou moins pompettes (Juliette comprise, décidément débauchée dans cette version), la scène du balcon, le mariage ou la mort. D’autres, moins chronologiques, n’en sont pas moins parlantes, comme le solo de Roméo essayant de gravir une montage, et toujours ramené vers le bas.

Opéra national de Paris
Mais la chorégraphie fait pêcher l’ensemble. A chaque fois, les pas semblent s’essouffler au bout de quelques minutes. Ainsi la scène de la guerre, qui ouvre la pièce, attise la curiosité : les lumières, les costumes, l’agressivité des danseurs et danseuses, rendent parfaitement l’atmosphère de haine. Mais passé l’instant de surprise, la lassitude prend déjà le pas, avec l’impression de voir finalement toujours la même chose.

Dommage, dommage, car les interprètes sont magnifiques. Pour le chant, Stéphanie D’Oustrac, Yann Beuron, et surtout Nicolas Cavallier, incroyable de présence en Frère Laurence terminant l’œuvre par un long solo poignant. Les danseurs n’étaient pas en reste non plus. Hervé Moreau a la silhouette du parfait romantique, très investi dans son personnage, formait un si beau duo avec Aurélie Dupont, toujours aussi lumineuse. Il est d’autant plus frustrant de ne pas accrocher plus que ça à leur long pas de deux, tant ils semblent complices sur scène.

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Si pour ma part la soirée a été longue, les applaudissements ont été nourris, et les avis partagés entre twitteurs et twitteuses. Hervé Moreau a été particulièrement salué. J’espère qu’il s’agira pour lui d’un vrai retour, et que l’on pourra le voir un peu plus souvent dansant avec Aurélie Dupont. Hug chaleureux et émus entre ces deux artistes aux saluts.

Roméo et Juliette de Sasha Waltz, jusqu’au 20 mai à l’Opéra Bastille.

Commentaires (5)

  • Jill

    🙁 j’étais tellement déçue, moi qui adore la danse…seul le pas de deux m’a ému. J’ai presque détesté la choreographie, malgré le talent des danseurs… peut-être suis-je vieux jeu, mais vive Prokofiev et la version de Nureyev!!!

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  • elendae

    Je serais moins sévère que toi. J’ai globalement passé une bonne soirée, j’ai bien aimé la scénographie, les costumes, certains passages chorégraphiques, et l’histoire m’a semblé très lisible.
    Bon, par contre, je n’ai pas compris grand chose aux intentions chorégraphiques, globalement. C’est toujours le problème quand je vais voir un spectacle dont le style ne m’est pas du tout familier, et qui est sensé être un peu “pointu”…j’ai l’impression de regarder un film d’auteur en tchèque non sous-titré, et des fois ça m’agace. Du coup pour savoir si c’est moi qui manque de clés ou si c’est le chorégraphe qui plane un peu trop haut…
    Pour ce ballet, je ne crois pas que ça soit un chef d’oeuvre, mais ça mériterait peut-être un 2ème visionnage (je me tâte pour aller au cinéma le 15).
    Au niveau des interprètes, certes, je n’ai pas été déçue par Hervé Moreau 😉 , je lui ai trouvé de magnifiques qualités de danse et d’engagement, mais je n’ai pas non plus retrouvé tout le sens que semblait y mettre “Juan” lors de la répétition publique.

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  • Sissi

    J’ai assisté hier soir à Roméo et Juliette et j’ai passé une bonne soirée. J’ai beaucoup aimé le décor, les costumes (surtout ces magnifiques tutus !!!) et l’investissement des danseurs et des chanteurs. J’ai trouvé Aurélie Dupont et Hervé Moreau très complices et très heureux de danser ensemble. J’ai particulièrement apprécié le solo sans musique d’Hervé Moreau. Ce ballet est à voir au moins une fois pour découvrir ce style. Malheureusement je ne peux pas aller voir la deuxième distribution.

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  • @Sissi: Ah non, ce n’est pas une question d’être vieux jeu 😉 Mais pour ma part, j’ai beaucoup apprécié la musique.

    @ Elendae : J’ai tendance à penser que s’il faut lire une encyclopédie pour comprendre une oeuvre, c’est mal parti 🙂 Mais malgré ma certaine déception, je serais bien aussi aller le revoir une fois, il se passe beaucoup de choses. 

    @ Sissi : le solo de Hervé Moreau dans le silence reste, je crois, mon passage préféré.

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  • Je partage à la fois certaines de tes critiques Amélie et le sentiment d’Elendae sur le côté pointu de l’oeuvre. Ce qui ne m’a pas empêchée d’apprécier énormément les pas de deux!!

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