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Roméo et Juliette : épisode 3

Vendredi 8 avril 2011. Roméo et Juliette de Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Agnès Letestu (Juliette), Florian Magnenet (Roméo), Stéphane Bullion (Tybalt), Emmanuel Thibault (Mercutio). 

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Après la distribution Pujol/Ganio et la Ciaravola/Paquette, place à mon troisième épisode de Roméo et Juliette. Qui était en fait le premier, mais comme il s’agissait de la pré-générale, je voulais voir le spectacle dans les véritables conditions avant de me lancer. 

Une pré-générale, donc une répétition, donc une soirée à prendre avec du recul. Je précise car tous les artistes ne m’ont pas convaincue, Florian Magnenet en tête. Mais à la vue d’autres comptes-rendus, il fut apparemment plutôt bien lors des représentations. 

Cette soirée, ce fut d’abord un choc. Roméo et Juliette, je ne l’avais pas vu depuis très, très, très longtemps. Et j’avais oublié la force de ce ballet, le sens incroyable de la dramaturgie et de la mise en scène de Noureev, la magnifique musique. Quel véritable plaisir de redécouvrir ce chef d’oeuvre ! 

Agnès Letestu était Juliette. Dès sa première pointe sur scène, elle dément un adage qui perdure chez pas mal de balletomanes, qui veut que pour danser Juliette, il faut être une jeune et petite danseuse. Agnès Letestu a 40 ans, elle est grande. Mais elle est pourtant, indéniablement, Juliette du début à la fin. J’ai totalement cru à son personnage et à son évolution, de la jeune fille primesautière à la femme qui s’éveille, de ses hésitations à son chagrin irréparable.

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La danseuse n’a pas choisi la veine dramatique, comme a pu le faire Laetitia Pujol. Elle est restée très naturelle, sans en faire trop. Et je dois dire être beaucoup plus réceptive à cette simplicité qu’au choix de la tragédie. C’est pour l’instant la seule Juliette qui, pour moi, a véritablement fait évoluer son personnage, et qui a su rester crédible dans les deux extrémités du rôle (la jeune fille presque enfantine à la femme déchirée). 

Florian Magnenet était très loin d’être à la hauteur de sa partenaire. Physiquement, il a totalement la tête de l’emploi : un jeune homme fringuant, à l’allure élégante et à la mèche au vent. Mais est-ce l’appréhension, la crainte de la faille technique ? Le danseur était beaucoup plus concentré sur l’idée de bien fermer ses cinquièmes que d’interpréter son personnage. Ses positions étaient très propres, rien à dire là-dessus, mais quelle danse scolaire, et disons-le quel ennui. 

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Forcément, il ne fallait pas attendre grand chose de leurs pas de deux. Florian Magnenet s’est révélé techniquement un bon partenaire, attentif à sa danseuse, et plutôt sûr dans les portés. Mais l’alchimie nécessaire à ce ballet n’était définitivement pas présente, et encore une fois, je me suis surprise à penser que ces deux artistes étaient mieux tout-e seul-e qu’ensemble. Seul le pas de deux du premier acte, définitivement plein de poésie, a eu un peu d’intérêt. Quel dommage, tout de même, de ne pas avoir donné à une si émouvante Juliette un Roméo à sa hauteur. 

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Stéphane Bullion en Tybalt et Emmanuel Thibault en Mercutio se sont montrés extrêmement convaincants. Le début du premier acte était déjà très bien réglé, mais tout prenait véritablement une dimension dramatique grâce à l’apparition de Stéphane Bullion. Je suis bluffée par l’aura qu’il prend depuis son titre, ce n’est définitivement plus le même danseur. J’ai bien aimé la relation qu’il réussit à instaurer avec Juliette, entre tendresse et domination. Il a beaucoup dansé avec Agnès Letestu, et cela se sent, il y a entre eux une véritable complicité.    

Emmanuel Thibault est un Mercutio de rêve. Il a à la fois la fougue et les sauts de Mathias Heymann et la facilité à se plonger dans un rôle qu’il danse déjà depuis plusieurs années. Si le premier acte est dominé par Tybalt (quelle danse des Chevaliers !), le deuxième est mené par Mercutio. Sa lente agonie, ce fou joyeux qui ne veut pas voir son sang s’écouler, me serre le coeur à chaque fois. Emmanuel Thibault y a mis de la grâce et une certaine poésie, difficile de ne pas, comme lui, être touché en plein coeur.

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Yann Saïz a eu du mal à se mettre en avant dans Benvolio, et je ne l’ai véritablement remarqué que lorsqu’il tend le couteau à Roméo. Idem pour Yannick Bittencourt en Pâris, très timide au début, mais qui s’est plutôt bien sorti de sa partie technique au troisième acte. Eve Grinsztajn était une très jolie Rosaline, plus hautaine que mutine, à la danse délicate. 

Le troisième acte a eu ses longueurs. Un pas de deux qui n’en finit plus, une histoire qu’on aimerait bien voir se dénouer. Heureusement, il y avait Juliette, et Agnès Letestu qui dominait son sujet de bout en bout. La scène de l’hésitation reste l’un des plus beaux moments de la soirée, tout comme sa mort, jouée de façon plus sobre que ses consoeurs, mais très émouvante. 

Au final, la soirée fut belle. Agnès Letestu en était la reine, incontestablement, avec Stéphane Bullion. Mais un goût trop prononcé d’inégalités a bloqué mon enthousiasme à la barrière du “Très bien”. 

© Photos 1 et 5 : Fomalhaut. Photos 2, 3 et 4 : Julien Benhamou / Opéra National de Paris.

Commentaires (4)

  • J’ai vu cette distribution le 16. Comme tout le monde j’ai été impressionné par E. Thibault ! J’ai bien aimé A. Letestu dont le jeu était plus en retenue par rapport à L. Pujol.

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  • Eh bien moi contrairement à toi je n’ai pas été convaincue par Agnès Letestu. J’y allais pourtant l’esprit ouvert après les bons échos de la pré-générale, mais malgré ses qualités j’ai vraiment été gênée par son physique (je sais, c’est bas), et je n’ai pas non plus cru à son jeu (c’est de ta faute aussi, à l’appeler “reine” tout le temps, j’ai passé la soirée à l’imaginer avec ses courtisanes et son jeune amant).
    Quant à Florian Magnenet, je trouve heureux qu’il ait pu faire ses débuts dans ce rôle, dans lequel il n’a pas démérité malgré quelques faiblesses en effet dans l’interprétation : très bien en jeune homme joyeux et amoureux, un peu moins dans la tragédie. (Pour ce qui est d’être à la hauteur, il s’y est peut-être montré plus que tu ne le penses.)

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  • Comme quoi il peut exister beaucoup de différences entre une répétition et les représentations.

    Moi aussi j’ai adoré Agnès Letestu. Elle est magnifique, en particulier dans le 3e acte. Mais j’ai également, beaucoup aimé Florian Magnenet que j’ai trouvé très juste. Et pourtant après les echos que j’avais eu de la pré générale je ne partais pas avec un a priori hyper positif!

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  • @ Tous : merci de vos avis ! Les commentaires restent partagés sur cette distributions. 

    @ Pink lady et Cams : C’était vraiment pas bon à la pré-générale, mais bon, d’accord, j’accorde le bénéfice du doute à Magnenet.

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