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Soirée Amoveo/Répliques/Genius à l’ODP ou une vraie soirée de danse contemporaine

Chorégraphie désarticulée, écran vidéo en fond de scène, costume minimaliste, décor conceptuel, pénombre en guise de lumière et musique de Ligeti. Tous les clichés que l’on peut se faire sur la danse contemporaine sont réunis lors de la soirée Amoveo/Répliques/Genius donnée en ce moment au Palais Garnier, par le ballet de l’Opéra de Paris.

Mais laissons tout de même tomber nos préjugés, oublions les résumés philosophique sur les programmes et les discours à rallonge des chorégraphes dans la presse, et lançons-nous joyeusement dans le monde parfois déroutant mais pourtant chargé en émotion : la danse contemporaine.

Premier ballet : Amoveo de Benjamin Millepied, le nouveau chorégraphe star que tout le monde s’arrache. J’ai eu un peu la même impression qu’il y a deux ans, quand j’ai découvert pour la première fois une œuvre de Millepied : je passe un bon moment sans être totalement transportée. J’aime en tout cas beaucoup ce style de danse, très déliée, très libérée, inspirée de la danse américaine. Voila ici un groupe de huit danseur(se)s qui se croisent et se recroisent dans des lignes tranchantes de couleurs. Et au milieu, un couple. Nicolas Le Riche et et Clairemarie Osta. Si je suis le site de l’Opéra, Benjamin Millepied veut montrer “les métamorphoses d’une histoire d’amour“. Pour ma part, j’y ai surtout vu l’attraction sexuelle d’un couple en total osmose. Les deux passages du pas de deux étaient pour moi clairement au dessus du reste, et faisaient pour beaucoup dans l’intérêt d’Amoveo. Il y avait une autorité partagée entre les deux interprètes et une vraie complicité qui a masqué les quelques faiblesses d’Osta dans les portés. J’aurais aimé revoir ça avec un autre couple, mais hasard du calendrier, je ne pourrais pas. Un moment intéressant en tout cas, mais il manquait un je-ne-sais-quoi dans les passages de groupe pour que j’y adhère totalement.


Deuxième ballet : Répliques de Nicolas Paul. Danseur du ballet, Nicolas Paul est chorégraphe depuis peu, et Répliques est l’une de ses toutes premières créations. Objectivement parlant, Répliques est construit, très réfléchit, et parfois impressionnant de maturité pour un presque débutant en la matière. Subjectivement parlant, je me suis ennuyée à mourir du début à la fin. Voila tout ce que je n’aime pas dans la danse contemporaine : quelque chose de tellement intellectualisée que l’émotion n’arrive jamais à percer. Il est vrai que, pour des ballets modernes (comme pour la musique), il faut parfois une petite préparation en amont pour vraiment profiter du spectacle. Mais je déteste l’idée d’étudier une œuvre dans les moindres détails pour arriver à saisir une étincelle. Toujours subjectivement parlant, la musique de Ligeti ne m’a pas vraiment aidée à apprécier le tout. Voila tout le paradoxe de la spectatrice : reconnaître qu’une œuvre n’est pas vide, bien au contraire, mais ne pas aimer. Sur les huit danseur(se)s, pas un ne sortait du lot. Je crois que c’était voulu par Nicolas Paul, qui recherchait, je pense, une certaine homogénéité entre ses interprètes. Cela ne me gêne pas si c’est compensé par des ensembles enlevés, ce qui n’était pas vraiment le cas. Là encore, j’aurais été curieuse de voir si cela m’aurait fait le même effet avec Isabelle Ciaravola.


Troisième et dernier ballet de cette soirée : Genus de Wayne McGregor. Si le premier voulait explorer un couple amoureux et le deuxième l’espace, ce troisième chorégraphe se penche plus particulièrement sur le corps humain et ses limites. Et avec les qualités physiques des danseur(se)s de l’Opéra de Paris, il est plutôt bien servi. Voila ici mon ballet préféré de la soirée, et ses 44 minutes sont passées décidément bien plus rapidement que les 23 de Répliques. La danse est très sèche, à la limite de la cassure. Ce n’est pas forcément ce que j’apprécie, mais là, j’ai beaucoup aimé. La force des interprètes n’y est sûrement pas pour rien. Audric Bezard arrive sur scène, et il ne lui suffit que de quelques gestes pour que j’entre de fait dans l’univers étrange de Wayne McGregor. Contrairement à Amoveo, j’ai ici beaucoup plus apprécié les passages de groupe que les duos, même si beaucoup de personnalités ressortent. Marie-Agnès Gillot m’avait tellement époustouflée dans le film La Danse que je devais peut-être être forcément un peu déçue. Néanmoins, elle est totalement faite pour ce ballet, et multiplie les prouesses sans tomber dans l’exercice de style. Et avec toujours cette emprise de la scène qui est sa marque de fabrique. Mais les deux artistes qui pour moi étaient clairement au dessus des autres restaient, et avec surprise, Mathias Heymann et Dorothée Gilbert. Ces deux danseur(se)s pourtant très classiques maîtrisaient totalement la chorégraphie et le style, avec une autorité froide incroyable qui allait parfaitement au ballet. La demoiselle surtout m’a laissé sans voix. A l’inverse, Agnès Letestu et Myriam Ould-Braham étaient plus en retrait. Non pas qu’elles manquaient d’investissement, mais elles faisaient trop pures ballerines classiques perdues dans le monde ardu du contemporain. J’avais même l’impression que Myriam s’abîmait plus qu’autre chose dans cette chorégraphie. Tout le monde ne peut pas tout danser. Et les artistes qui, comme Nicolas Le Riche, se glissent aussi facilement dans Giselle que dans Millepied, ne sont pas si courants.


Pour ceux à qui ce résumé aurait donné des envies de découverte, la soirée Amoveo/Répliques/Genius est donnée jusqu’à la semaine prochaine. Et oui, il reste encore plein de places. Et non, je ne suis pas sponsorisée en cachette par l’ODP.

Sinon, en passant, rien à voir, la finale de l’Open de Bercy était géniale, malgré la défaite de Monfils. Et tout aussi rien à voir, j’ai un taf !

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