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Soirée Hommage à Roland Petit, épisode 1

EDIT : Roland Petit est mort le 10 juillet 2011, à l’âge de 87 ans.

Enfin, épisode 1, je ne suis pas encore sûre d’y retourner une deuxième fois, au vu de mon emploi du temps qui craint et de mon Pass’ Opéra qui n’est toujours pas arrivé. Mais je crois les doigts.

Vendredi soir, c’est donc avec un vrai plaisir que j’ai fait ma rentrée danse en tant que spectatrice. Ce n’est pas seulement le fait de revoir un ballet après deux mois sans voir une pointe, c’est aussi de revenir à Garnier. Longer le long bâtiment, monter le grand escalier, grimper à l’amphi, flâner dans le foyer sous ses dorures dont décidément je ne me lasse pas. Ce sont des petits plaisirs qui n’ont pas de prix.

La rentrée était encore mieux, puisque cette soirée était précédée du Grand Défilé. Selon un danseur, il parait que c’était “le pire Grand Défilé depuis plusieurs années“. Genre une ligne partie trop tôt, tout le monde décalés, un gros bordel. Pour ma part, je n’ai strictement rien remarqué, et a vite conclue que le Défilé, c’était peut-être toujours pareil, mais c’est toujours aussi émouvant. Je suis peut-être à coup sûr très bon public, mais je n’étais pas loin d’avoir ma petite larme à l’œil à l’arrivée des petites, plein d’aplomb, et lors de la pause finale.

Le public a été très chaleureux, applaudissant presque à toutes les lignes, surtout celles contenant certain(e)s premier(ère)s danseur(se)s. Idem pour les Etoiles, avec peut-être des applaudissements un peu plus nourris pour Isabelle Ciaravola, Delphine Moussin (dont ça devait être le dernier Défilé), Karl Paquette (les fans étaient au rendez-vous), Mathias Heymann (qui nous a fait une descente de scène comme un bon jeune fougueux bondissant) et Nicolas Le Riche (mais suis-je vraiment objective quand je parle de lui ?).

Ce Défilé, c’était un peu pour le public une façon de dire bonjour à la compagnie, et pour la compagnie, de nous souhaiter la bienvenue, encore une saison de plus, dans leur maison.

La soirée s’est ouverte, à ma surprise, par le pas de deux “La regarder dormir”, issu du ballet Proust ou les intermittences du cœur. Je croyais qu’il était réservé à la soirée AROP.
Je ne suis pas spécialement fan de Benjamin Pech. J’ai trouvé sa prestation très froide, malgré les louables effort d’Eleonora Abbagnato (quel plaisir de la revoir !). Le duo a toutefois connu un sursaut d’intensité, lors de la marche de la danseuse retenue par Pech aux chevilles. Cela a continué jusqu’à sa diagonale de piétinés sur pointe en reculant, avant de retomber dans une non-émotion convenue.

Passons donc aux choses sérieuses.

Les trois ballets suivants sont tous finalement construits sur le même modèle : l’amour, c’est dangereux, et ça mène obligatoirement à la mort. Même les noms des personnages sont parfois les mêmes. Mais chaque œuvre a une ambiance particulière, si bien que l’on a l’impression qu’on nous raconte une nouvelle histoire à chaque fois.

Entre le café comme décor, l’accordéon, les photos de Paris en noir et blanc et la musique de Kosma, Le Rendez-Vous pourrait vite devenir insupportable par alignements de clichés touristiques. Il évite l’écueil, pour nous raconter une histoire, certes triste, mais pleine de poésie. Un Jeune homme erre dans les rues de Paris. Pour déjouer le destin, il s’invente un rendez-vous avec la plus belle fille du monde, qui finira, comme prédit, par le tuer. Le tout accompagné d’un bossu fantastique (Hugo Vigliotti, à suivre de très près), et d’un couple d’enfants qui s’aiment dont la danse serre le cœur.

Encore une fois, Nicolas Le Riche a montré ce qu’était un artiste : quelqu’un de complètement habité, dont chaque geste est porté par une poésie. Le tout doublé d’une danse tout en fluidité qui nous emporte à chaque pas. Isabelle Ciaravola, ses longues jambes et son regard de braise ont été parfaites dans le rôle féminin, énigmatique et cruelle. On a du mal à imaginer qu’ils dansaient ensemble pour la première fois, tant leur couple semblait bien s’accorder. Jolie couple pour une jolie histoire dans une jolie atmosphère, que demander de plus ? Chapeau bas aussi au chanteur (qui est danseur en fait), je fredonne les chansons depuis que je me suis levée.

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Le Loup, c’est autre chose. Place à des décors et costumes chatoyants, qui rappellent l’esthétisme des ballets russes. En gros, un jeune homme plutôt volage lâche sa future mariée pour une bohémienne. Cette dernière fait croire à la promise qu’elle a changé son fiancé en loup. La mariée part avec le loup, et, tel la belle et la bête, apprend à trouver l’humain qui se cache derrière le loup. Tant est si bien que, quand elle découvre la supercherie, elle préfère rester avec la bête poilue, et mourir avec lui.

Qu’on se le dire, la star de cette distribution, c’est Amandine Albisson dans la Bohémienne. Fraîche, piquante, technicienne sans faille, elle illumine la scène.
Quant à Emilie Cosette, la mariée, on se demande tout simplement ce qu’elle fait là (le sait-elle elle-même d’ailleurs ?). Oh, tiens, mon fiancé flirte avec une bohémienne. Ah, mais c’est un loup que j’ai à mon bras, comme c’est étrange. Ouh, les gens veulent le tuer, ça doit faire mal. Et si je mourrais avec lui, tiens ? Bref, je n’y ai pas cru une seconde.
Stéphane Bullion
semblait plus investi, surtout vers la fin, mais il n’était pas vraiment terrifiant. J’ai aussi le souvenir d’un Patrick Dupond qui marquait beaucoup plus le haut de corps, surtout les bras. Il y a des progrès à faire. Les deux ensemble, en tout cas, ça ne collait pas du tout, et leur pas de deux m’a semblé bien long. D’autant plus que le corps de ballet était très investi dans l’histoire.

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Le Jeune Homme et la Mort, enfin. Le chef-d’œuvre. D’abord, je pense qu’il faut éviter toute comparaison avec ce qui est incomparable, genre la version de Le Riche gravée définitivement sur ma rétine. Ensuite, la chorégraphie est tellement belle, la musique est tellement belle, et les deux sont tellement bien imbriqués ensemble que le tout doit pouvoir porter n’importe quel interprète moyen.

Et Jérémie Bélingard a été tout, sauf un interprète moyen. Complètement investi, il a brûlé la scène de la présence, de sa fougue et de sa sexytude absolue. Certes, c’était moins poétique que chez Le Riche (ne comparons pas j’ai dit), mais peut-être plus animal. C’était en tout cas un très beau moment de danse, et l’ovation qu’il a reçue du public était totalement méritée.

Forcément, à côté de cette impétuosité, Alice Renavand a eu un peu de mal à exister. Elle a fait une belle entrée, mais son venin n’avait pas toujours la même intensité. Sa danse était précise, sèche comme il le fallait, mais le tout restait tout de même un peu trop lisse à mon goût. Le duo s’est ici plutôt transformé en solo accompagné par la Mort. Sauf pour le final, qui marche à tous les coups. Moment de pur génie.

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Pour finir la soirée, Roland Petit est venu, entouré des interprètes, recevoir de longues minutes d’applaudissement de la part du public. Un moment d’autant plus émouvant que c’est peut-être la dernière fois qu’on peut le voir sur cette scène.

© Photos 1 et 3 : Anne Deniau-Opéra national de Paris/2 : Rêves impromptus

Commentaires (4)

  • flo

    oh que j’aurais aimé y être !!!
    sinon rien à voir mais ça fait quelques temps que je me pose la question : connais tu des danseurs de l’opéra ?

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  • Non, je n’en connais aucun personnellement, même si je suis “””amie””” avec quelques uns sur Facebook.

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  • Cams

    Moi j’étais à la soirée AROP mais j’ai un peu les mêmes impressions que toi!

    Je n’ai pas du tout accroché au pas de deux de la prisonnière… Pourtant j’aime la chorégraphie, la musique… mais (comme tu le dis) Benjamin Pech était très froid et en plus, le soir où j’y étais, très juste techniquement… au bout d’un moment ça gène!

    Je partage ton avis sur le Rendez-Vous et ses interprètes. Pour le Loup, je pense que Stéphane Bullion aurait mérité une autre partenaire parce que j’ai bien aimé son interprétation qui était touchante.
    Et enfin, le jeune homme et la mort, je pense que ça fonctionne à tous les coups! Jérémie Bélingard était desfois to much dans l’interprétation mais c’est tellement bien dansé, impressionnant, que ça passe tout seul et qu’on en redemande!! Malheureusement, je ne reverrai pas Nicolas LeRiche. 🙁 Mais je découvrirai Stéphane Bullion, ça peut être intéressant!

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  • Je vais essayer d’y retourner pour voir Stéphane Bullion dans Le Jeune Homme et le Mort, ça peut être différent des autres, mais je reste curieuse !

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