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Soirée Lifar/Ratmansky : épisode 2

Mercredi 28 septembre 2011. Soirée Lifar/Ratmansky par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Phèdre, avec Agnès Letestu (Phèdre), Stéphane Bullion (Thésée), Sabrina Mallem (Oenone), Josua Hoffalt (Hippolyte) et Mathilde Froustey (Aricie). Psyché, avec Dorothée Gilbert (Psyché), Mathieu Ganio (Eros) et Alice Renavand (Vénus).

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Un deuxième épisode aussi étrange que le premier pour cette soirée Lifar/Ratmansky, et avec des avis aussi contrastés. Pour ma part, la soirée m’a confortée dans mes positions : Phèdre est un ballet à découvrir, à défaut pour certain-e-s de l’apprécier, et Psyché est d’un conformisme limite pénible.

Phèdre est cette fois-ci découverte de tout haut. Surprise, avec la distance, les costumes apparaissent moins choquants, tandis que les formes géométriques du corps de ballet sont révélées. Inspiration : Phèdre, c’est un ballet à voir d’en haut. Les loges sont désertées, profitez-en.

Claude Bessy l’a dit tout comme Marie-Agnès Gillot : pour danser Phèdre, il faut de fortes personnalités, c’est un ballet à personnages. Le casting de ce deuxième épisode était très différent du premier, et l’impression a été radicalement différente.

Agnès Letestu est au début un peu inquiétante pour la suite du spectacle, tant son jeu est normal. Sa reine est parfaite de pouvoir, elle est triste, elle est jalouse, elle aime. Comme une personne absolument lambda. Sauf que l’étoile évolue au milieu de décors et de costumes tout sauf banals, qui appellent à quelques chose d’accentué. Et là, son jeu tout en pudeur semblait étrangement décalé avec le monde qui l’entourait.

Mais Reine Agnès n’a pas ce surnom pour rien. A partir du moment où Hippolyte la rejette, tout bascule, et la fameuse tragédie grecque prend la place de la simple histoire. Plus que la pensée incestueuse, ce rejet est ce qui révèle la folie enfouie de Phèdre. C’est de là d’où viennent les envie de meurtre, de suicide, et tous les drames de l’histoire. La différence entre les deux parties du ballet, et encore plus le moment précis où la folie meurtrière de Phèdre s’empare d’elle, est saisissante.

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Si la première distribution tenait surtout au duo Phèdre/Hippolyte, c’est cette fois-ci le couple Phèdre/Thésée qui tient le les rênes. Stéphane Bullion est surprenant dans ce rôle. D’abord, parce que ce costume, qui semble importable à n’importe qui, lui va presque bien. Son allure athlétique, un peu trapue, supporte  d’une certaine façon l’armure blanche de carton-pâte, et même la perruque. Ensuite, comme il n’est plus aux prises avec une technique trop difficile, sa personnalité artistique peut prendre le pas.

Et puis deuxième vérité de la soirée, quand Agnès Letestu et Stéphane Bullion sont sur une même scène, il se passe forcément quelque chose. En grands costumes XIXe siècle ou en académiques improbables, leur couple est toujours criant de vérité. Face à Phèdre, Stéphane Bullion joue un Thésée à peu près normal, s’entend comme il peut l’être avec son passé (fils d’un Dieu, marié à la demi-sœur du Minotaure à tendance incestueuse). Sa douleur est réelle, sa jalousie et son amour non feints. Même les héros ont une âme, et sont soumis aux sentiments humains. Conclusion : sur un même rôle, ma préférence a délaissé Nicolas Le Riche pour Stéphane Bullion. Voila, c’est dit, c’est écrit, et je n’en reviens toujours pas.

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Le reste du casting, et c’est dommage, est un peu trop appliqué pour vraiment séduire. Sabrina Mallem joue une Oenone convaincante, sculpturale, à l’allure presque trop princesse. La différence de vision avec Alice Renavand n’est toutefois pas assez accentuée, et si la danseuse s’en sort bien, elle a du mal à imposer son empreinte. A sa décharge, Sabrina Mallem a peu l’occasion durant les dernières saisons de construire un véritable personnage en solo, tandis qu’Alice Renavand est une habituée des rôles de premières danseuses depuis plusieurs années.

Josua Hoffalt est un Hippolyte plutôt séduisant aux premiers abords, un jeune fougueux bondissant heureux de ses amis et de la vie. Mais dès que le drame apparait, le jeune danseur semble avoir un peu plus de mal à trouver sa place, un peu écrasé par la présence d’Agnès Letestu. Déception, son pas de deux avec Mathilde Froustey s’est révélé très scolaire. Cette dernière était charmante en académique rose, mais elle n’avait pas cette extrême musicalité de Princesse Myriam, ni cette attention aux plus infimes détails.

Difficile au final de dire quelle distribution emporte mon adhésion, tant le rendu fut différent. Phèdre reste en tout cas une découverte très intéressante.

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Pour Psyché, ce fut l’inverse : une bonne impression au début, et un decrescendo interminable à la moitié du ballet.

Etais-je dans un mood positif ? Mais ces êtres si mignons et si graciles du début, dans cette pénombre et cette si jolie musique, m’ont fait douter de ma mauvaise première impression. C’est tout de même si plaisant et charmant tout ça…

Comme attendu, Mathieu Ganio est l’image parfaite du Dieu Eros. Un beau sourire par-là, une belle technique élégante, quelques effets de mèches par-ci, un jeu plutôt convainquant et une plastique sans défaut… Rien à dire et rien à reprocher. Dorothée Gilbert apparait aussi comme une créature des plus adorables, poussant des petits cris de ravissement muets devant chaque homme-animal et femme-fleur. Voilà pour la parfaite ambiance conte féérique.  

Alors quand est-ce que tout cela a commencé à déraper ? Par la variation de Psyché. Dorothée Gilbert est fulgurante de technique, mais il manque cette si riche musicalité d’Aurélie Dupont. Et sans cette qualité, la certaine pauvreté de la chorégraphie apparaît de plus en plus criante.

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Très vite, Dorothée Gilbert montre qu’elle n’aura que deux expressions dans ce ballet : la joie émerveillée-grand sourire d’une part, la frayeur-yeux écarquillés d’autre part. Point barre. L’étoile a également confondu le second degré avec le sur-jeu. De si mignonne, elle passe donc d’énervante, puis d’exaspérante, pour finir la tête dans les mains de désespoir face au tableau final écœurant de dégoulantitude (je suis comme MAG et sa physicalité, j’aime bien inventer des mots) (En fait, il parait que ça existe, mais je ne suis pas sûre qu’il soit correctement utilisé) (Bref).

Après le grand pas de deux, Psyché ne fut qu’une suite de regards incessants vers ma montre. C’est long, c’est vide, c’est creux, et le public est en extase. Je me sens incomprise au milieu de l’amphi en total état de ravissement. Heureusement, Fab retrouvée à la sortie semble plutôt de mon avis (ça y est, après notre désaccord sur In Paris, nous somme enfin reconnectées, la saison peut donc véritablement commencer). 

Au final, malgré leur départ en pôle-position, le couple Gilbert/Ganio s’est retrouvé le moins convainquant pour moi dans ce ballet. Si l’on doit parler de partenariat et de complémentarité, le duo Osta/Pech arrive en tête.Mais Aurélie Dupont reste inégalable dans le rôle-titre.

Commentaires (8)

  • Fab

    Bougrement d’accord avec tout ce que tu dis, même! C’est, en tout cas, un début de saison intéressant mais je ne suis pas fâchée de passer à autre chose!

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  • jigara

    C’est vrai que Ganio était vraiment bien dans ce personnage.J’ai plutot bien aimé Dorothée Gilbert, même si Aurélie Dupont était meilleure selon moi.
    J’espère pouvoir voir la distrib Pech/Osta.

    J’ai une question concernant les réservations ce lundi : les démonstrations de l’école de danse sont elles coupées en deux (première partie 10h30, deuxième partie 14h30) ou bien est-ce deux fois la même chose (une fois à 10h30 et une deuxième à 14h30). J’ai relu vos billets sur les précédentes démonstrations et j’ai plutôt compris la première hypothèse 😉
    Merci d’avance !

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  • je n’ai jamais été fan de ratmanski et j’ai du mal à comprendre son succès pour être honnête.
    J’aurai bien aimé voir Phèdre mais cette Spychée m’a convaincue de réserver mes venues à l’ODP pour d’autres programmes. je vois à te lire que je n’ai pas eu tort.

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  • Audrey

    La prochaine fois que j’achète une place, je le fais dans les premières dates, car ça devient particulièrement frustrant 🙂 Cela dit je crois que je verrai Clairemarie Osta et Benjamin Pech, je suis bien contente donc je patiente 🙂
    Jigara : amusante question, car j’ai posé exactement la même à Amélie hier 🙂

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  • @Jigara & Audrey : Ce sont bien deux proprammes différents. L’année dernière, les élèves les plus jeunes passaient le matin, les plus grands l’après-midi. Si on veut voir toutes les classes, il faut réserver toute sa journée…

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  • jigara

    Merci beaucoup Joël ! 😀
    Désolée si la question avait déjà été posée

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  • Nina

    Chorégraphie empoussiérée pour l’un, nullissime pour l’autre, pauvres danseurs à qui revient de devoir essayer de sauver la mise d’une ringardise imbuvable…

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  • @ Fab : Idem, vivement La Source. 

    @Jigara : Clairemarie Osta est pour moi excellente dans le rôle de Psyché, c’est une danseuse très particulière, et ce personnage lui va très bien. Pas de souci pour la question, elle avait été posée en privé 🙂
    @Alice : Moi aussi j’ai un peu de mal à comprendre cet engouement pour Ratmansky. Voilà le troisième ballet de lui que je découvre, et toujours pas de vrai coup de coeur. 
    @Audrey : Allez, c’est bientôt ton tour 😉
    @Nina : Quand je disais que ce programme ne mettait personne d’accord… On ne peut pas en tout cas reprocher à cette soirée de laisser indifférent-e. 
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