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Soirée Mats Ek : épisode 1

Mercredi 20 avril 2011. Soirée Mats Ek par le Ballet de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. 

La Maison de Bernarda
, avec José Martinez (Bernarda), Marie-Agnès Gillot (la servante), Ludmila Pagliero (la soeur aînée), Clairemarie Osta (la bossue), Charlotte Ranson (la jeune soeur). 

Une sorte de…, 
avec Nicolas Le Riche et Nolwenn Daniel (premier couple), Miteki Kudo et Benjamin Pech (deuxième couple).

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Il s’en est passé des choses lors de la première de cette soirée Mats Ek. Beaucoup d’émotions, souvent contradictoires, et deux pièces qui ne laissent pas indifférent-e. 
La première, La Maison de Bernarda, est un pur chef-d’oeuvre, mais je comprends qu’elle puisse mettre mal à l’aise, et provoquer un total phénomène de rejet. Cette pièce mélange deux choses qui, normalement, sont priées de ne pas se lier : la religion et le sexe. 
Bernarda habite en Espagne, dans les années 30. Elle vient de perdre son mari, et comme le veut la tradition, elle doit en porter le deuil pendant huit ans. Porter le deuil, à ce moment là, c’est ne plus sortir de chez soi, ne plus avoir de contact avec les autres. Elle, ses cinq filles et sa servante, vont donc s’enfermer, avec toutes les frustrations que cela va entraîner, et surtout la frustration sexuelle.
Bernarda est sous l’emprise de la religion, pas question de ne pas se plier à ce deuil. D’un regard, elle emprisonne sous son autorité toute la maisonnée. Il faut continuer à vivre, même coupé-e de tout, et faire comme si tout était normal. Ses frustrations, elle va les transformer en plein pouvoir sur les autres. Maîtresse des bonnes moeurs, elle a néanmoins des faiblesses, qu’elle laisse parfois entrevoir. En sentant furtivement le foulard laissé par un homme, ou durant un étrange solo avec le petit Jésus, qui lui permet d’exprimer ses désirs sexuels loin du regards de ses filles. 

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José Martinez est prenant dans ce rôle. D’un regard, dès son premier pas sur scène, il place tout le monde (danseuses et public) sous son autorité. Il règne en maître, avec une dureté infinie dans le regard, et une danse absolument légère et élégante. Le mélange des deux donne une interprétation totalement fascinante, et même touchante malgré ce personnage sclérosé. 
Le reste de la maisonnée réagit différemment face à Bernarda. La servante (fantastique Marie-Agnès Gillot) ne compte pas oublier sa vie de femme, et poursuit avec beaucoup d’entrain un technicien. Mais devant le regard de la mère, elle s’affaisse comme les autres, et obéit, terrorisée. Les deux jumelles (impeccables Aurélia Bellet et Amélie Lamoureux) sont sous le joug sans oser se rebeller. La soeur bossue (Clairemarie Osta, fascinante) est assez étrange. Elle est non seulement soumise, mais aussi le souffre-douleur de ses soeurs, il faut bien quelqu’un pour se défouler. Son solo faussement nue (un académique chair) m’a laissé perplexe. 

La jeune soeur (Charlotte Ranson, incroyable) est la figure de la rébellion. Elle aussi prie sous l’injonction de sa mère en hurlant à la mort, mais elle ne veut pas sacrifier sa vie. Malgré les coups qui seront inévitables, elle jette son habit noir pour une robe de couleur et un solo de joie de vivre. Elle veut aimer aussi, et tombe amoureuse du seul homme qu’elle peut voir : le fiancé de sa soeur aînée (Ludmila Pagliero, qui a peut-être le moins su donner de relief à son personnage). L’Homme, c’est Stéphane Bullion, qui veut surtout profiter de la situation : la dot, qui semble important, et la jeune soeur, la seule apparemment à vouloir goûter au plaisir.
 
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Leur pas de deux est l’un des plus beaux moments du ballet. Le décor froid et hostile fait place à du rouge profond. La frustration fait place à l’abandon. Même s’ils ne sont finalement pas si raccords que ça, elle follement amoureuse, lui dédaigneux, la symbiose se fait. 
Mais la jeune soeur tombe enceinte, elle se pend. Bernarda fait comme d’habitude : masquer, cacher, faire comme si tout était normal. Le corps va sous le tapis, il faut vite l’oublier. Mais pour les autres, c’en est trop. Il a fallut une morte pour qu’enfin, elles trouvent le courage de se rebeller, de prendre modèle sur leur jeune soeur défunte, et de planter là Bernarda. Elle est désormais seule, sans plus personne à mettre sous son emprise…
 
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On ressort de cette heure un peu sonné-e. Comme je l’ai dit plus haut, il s’en est passé des choses. 
Après l’entracte, place à tout autre chose, Une sorte de… Une chorégraphie aussi étrange que son titre, qui est aussi étrange que son introduction : “Il est question de femmes, et d’un homme qui se réveille en femme“. Ne cherchez pas de ligne conductrice, une histoire ou un quelconque propos. Une sorte de…, c’est juste le grand délire du chorégraphe, qui l’a d’ailleurs appelé comme ça parce qu’il ne trouvait pas de titre.
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Tout commence avec Nicolas Le Riche. Cheveux ras, il a pris 10 ans, j’ai même eu du mal à le reconnaître. Il est habillé d’un manteau de femme, et danse avec Nolwenn Daniel, avant de l’enfermer dans une malle. Après, et bien, c’est n’importe quoi. Il y a des danseurs, des danseurs, des gens qui s’amusent à disparaître derrière un mur, à éclater des ballons, à passer le balai, à sauter partout, à se chercher, à s’arroser avec un pistole à eau, à se suivre. Et puis il y a un autre pas de deux, Miteki Kudo solaire et Benjamin Pech, auquel j’ai toujours du mal à accrocher. 
Tiens, revoilà Nicolas Le Riche, habillé en homme cette fois-ci. Il se souvient tout d’un coup qu’il a enfermé quelqu’un dans une valise, vite, libération. Autre claquage de ballons, autre danse, ça devient fatiguant pour le danseur, qui s’allonge et se met à ronfler en guise de conclusion.
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Un ballet très, très, très bizarre. Je me suis demandée au début si j’aimais bien, et puis j’ai décidé que oui, et de profiter du fait de voir les artistes d’aussi près. La fosse d’orchestre est couverte, ils-elles en profitent pour se rapprocher encore plus du public. C’est un grand nimportnawouak, mais c’est totalement réjouissant, surtout après l’ambiance lourde du précédent ballet. 
Je ne sais pas si Une sorte de… s’apprécie autant s’il n’y a pas La Maison de Bernarda juste avant. Mais dans cette configuration, c’est en tout cas une sorte de soulagement, histoire de ne pas sortir trop terrorisé-e de cette soirée. 
© Photos :  Agathe Poupeney

Commentaires (2)

  • Libellule

    Comment dire?
    Des ballets drôles et cyniques et prenants, des danseurs pour lesquels il n’y a pas grand chose à dire (j’ai globalement les mêmes coups de coeur et réserves que toi, si ce n’est que pour Benjamin Pech je vais dire les choses franchement: j’ai détesté! crispé au début, trop nonchalant ensuite… je n’ai pas compris!)…. Je ne regrette absolument pas mon investissement dans ma place de ce soir!
    Il y avait beaucoup de mes danseurs préférés, là-dedans =)

    J’espère seulement que mon sommeil ne sera pas trop agité cette nuit, parce que malgré tout, ça interpelle, tout ça !

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  • @Libellule: J’espère que tu as tout de même réussi à dormir 😉 C’est très subjectif, mais j’ai toujours beaucoup de mal à adhérer à Benjamin Pech. Il y a une froideur en lui qui coupe tout. 

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