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The King and I au Théâtre du Châtelet

Après Carousel la saison dernière, le Théâtre du Châtelet continue de faire découvrir le fabuleux répertoire de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II. De ce duo prolifique de comédies musicales, l’on ne retient souvent que La Mélodie du bonheur. Ils ont pourtant un incroyable répertoire, rois de Broadway pendant les années 1940-1950. The King and I, créé en 1951, est ainsi un de leurs petits régals. Pour le faire (re)découvrir au public français, le Châtelet a choisi sa recette efficace : une mise en scène classique mais splendide, une troupe à la hauteur et de talentueux musiciens pour mener la partition. Rappelant que la comédie musicale est un art à part entière que l’on ne sait plus bien faire en France, les artistes d’aujourd’hui, malgré toute leur envie, sont encore loin du niveau de Broadway.

The King and I

The King and I

The King and I se déroule au XIX siècle. Anna Leonowens débarque de l’Angleterre avec son fils au royaume du Siam (la future Thaïlande) pour devenir l’institutrice des nombreux enfants du roi Mongkut. Ce dernier, sentant l’époque changer, voudrait moderniser son pays tout en restant empêtrer dans ses contradictions coloniales. Au milieu se greffe une histoire d’amour entre Tuptim, nouvelle esclave du roi amoureux du jeune Lun Tha. Pas d’histoire rocambolesque, pas de dénouement précipité. Juste un temps qui suit son cours et deux personnes qui apprennent à se connaître, séparées par deux mondes opposés.

Le livret de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II ne se presse pas. La trame est courte, le musical dure pourtant trois heures. Les chansons évoquent le quotidien et les cours d’anglais, le délicieux parfum du Siam et le monde en changement. La partition se révèle d’une grande richesse, qui fait que l’on se laisse bercer par le rythme, cette façon de prendre son temps pour s’imprégner du cadre et du pays. La Marche des enfants siamois, où Anna découvre ses (nombreux) nouveaux élèves, est ainsi un petit régal. Et l’oreille se surprend à reconnaître des chansons, sans savoir qu’elles venaient de là : Shall We Dance ?, Something WonderfulI Have Dreamed

The King and I

The King and I

Surprenante aussi, la certaine modernité qui se dégage de ce musical. Quand Carousel apparaissait clairement comme moraliste (une femme battue par son mari finit par lui pardonner, ce n’était pas de sa faute), The King and I se pose en oeuvre féministe et anticolonialiste. Nous sommes au XIXe siècle. Anna Leonowens revendique pourtant d’être une femme indépendante, aussi bien dans sa tête que financièrement, et insiste auprès du roi pour vivre à l’extérieur du palais (un délicieux running gag qui court tout au long du spectacle). Le harem du roi est montré par notre regard d’Européen-ne, qui ne peut que choquer le public sur la façon dont les femmes sont esclaves. La cour du roi Mongkut est aussi volontairement montrée comme poussiéreuse et rétrograde, dû aussi à l’emprise anglaise (peut-être pas très juste historiquement, mais montrée comme tel en scène), indignante à plus d’un titre.

Les choses ne sont pourtant pas noires ou blanches dans The King and I. Le roi Mongkut n’est pas stupide. Bouffon sans hésiter, ridicule aussi. Mais il se rend compte que le monde bouge et il ne veut pas rater le coche, tout en gardant ses privilèges. Ses prises à ses nombreuses contradictions le rendent d’abord drôle, puis très attachant, et sa mort qui conclut le musical émeut plus que je ne l’aurais cru. À ce jeu, Lambert Wilson est bluffant, rendant toutes les aspérités du personnage. Le rôle de la star est attribué à Susan Graham, qui s’en accommode avec un charme irrésistible et un mordant imparable. Mais c’est bien toute la troupe qui est au diapason, jusqu’aux choeurs d’enfants véritables pros de la scène.

The King and I

The King and I

Quant à la danse, le nom de Jerome Robbins apparait sur l’affiche. Les amateur-rice-s de claquettes et de déhanchements à la West Side Story seront pourtant déçues. Il était de tradition d’insérer un mini-ballet dans ces musicals, ici au second acte. Spectacle dans le spectacle, c’est, pour The King and I, The Small House of Uncle Thomas, donné pour des diplomates en visite au Siam. Le roi, voulant se détacher de son image de tyran, veut en effet montrer la culture de son pays. Il s’agit donc d’évocations de contes asiatiques, ou plutôt la vision qu’un Occidental peut en avoir, avec ce qu’il y a de charmant et de suranné.

The King and I

The King and I

 

The King and I de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II au Théâtre du Châtelet. Avec Lambert Wilson (The King), Susan Graham (Anna Leonowens), Je Ni Kim (Tuptim), Damian Thantrey (Lun Tha) et Lisa Milne (Lady Thiang), Choeurs du Châtelet et Choeur d’enfants du Châtelet. Répétition générale, mercredi 11 juin 2014. 

Commentaires (3)

  • comma ça donne envie!Si seulement ce genre de spectacles pouvaient être joué en province…
    Je suis d’accord avec toi quand tu dis que nous sommes loin du niveau de Broadway..
    Super article 🙂

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  • J’ai vu un reportage sur “The King and I” ce matin et j’avais très envie d’aller voir ce spectacle, mais je viens de découvrir qu’il n’est programmé que jusqu’au 29 juin 2014. Quel dommage !

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