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Les sorties Livres danse de l’été 2021

Quelques jolies découvertes dans cette livraison estivale à glisser dans vos valises. Un roman virevoltant qui lève le voile sur les amours entre la danseuse étoile des Ballets Russes Lydia Lopkova et le célèbre économiste Maynard Keynes, un magnifique roman graphique sur l’histoire d’Alicia Alonso, la réédition d’un essai qui étudie les rapports entre danse et érotisme, et un ouvrage qui à travers quatre pièces des chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux se penche sur leurs représentations du “féminin”.

 

Un oiseau de feu de Susan Sellers

Paru le 13 mai 2021 au Mercure de France.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Sous un tonnerre d’applaudissement, Lydia quitte la scène, chargée de bouquets, dont l’un uniquement d’orchidées, fleur de prédilection de Diaghilev. Il n’a inscrit qu’un mot sur la carte épinglée à la gerbe : Bravissima ! Elle lève les yeux vers sa loge et le salue, avec Serge Lifar, son partenaire dans cette entreprise triomphale de L’Oiseau de feu. Et elle aperçoit Maynard qui applaudit avec tant de frénésie que ses mains en paraissent floues… Maynard Keynes, son mari, le célèbre économiste, dont les gouvernements britannique, américain et même soviétique s’arrache les conseils, et qui, à quarante ans passés, est tombé amoureux fou de la danseuse étoile des Ballets Russes, lui qui n’avait connu jusque-là que des liaisons homosexuelles. Et elle, la belle Lydia Lopkova, qui à dix ans dansait Casse-Noisette devant le tsar Nicolas II, devenue une star au fil d’une carrière professionnelle et amoureuse mouvementée. Leur liaison improbable, puis leur mariage, inattendu, à Londres en 1925, stupéfia et émut l’Angleterre, en particulier leurs amis du fameux Groupe de Bloomsbury, dont Virginia Woolf, qui commença par s’y opposer… Voici leur histoire.

L’autrice – Susan Sellers enseigne la littérature anglaise à l’université St Andrews, en Écosse. Également romancière à succès, elle est l’autrice de Vanessa et Virginia, traduit en dix-sept langues, inspiré de la relation parfois tumultueuse entre Virginia Woolf et sa sœur Vanessa Bell.

Notre avis – Ce que l’on attend n’advient jamais; c’est toujours l’inattendu qui survient.” Cette phrase de John Maynard Keynes sied à merveille à l’histoire d’amour que ce dernier, ouvertement homosexuel, a vécu avec la danseuse Lydia Lopkova. Une histoire d’amour improbable tant les deux amoureux diffèrent. Dans l’Angleterre intellectuelle et guindée des années 1920-1930, la personnalité, et les manières, de la danseuse russe détonnent voire agacent, notamment au sein du Bloomsbury Group (Virginia Woolf l’étrille régulièrement) que fréquente l’économiste. Mais Lydia Lopkova est une femme et une artiste libre qui ne se laisse pas enfermer dans la caricature. Roman foisonnant de personnages, Un oiseau de feu rend hommage à l’étoile des Ballets russes et c’est justice ! S’il existe des biographies de l’artiste (notamment une, écrite par le neveu de Keynes), aucune n’a été traduite en français. Muse de Diaghilev, partenaire de Nijinski, amie de Stravinsky et de Picasso qui l’a peinte à maintes reprises, la danseuse méritait qu’un beau roman lève une partie du voile sur sa vie incroyable.

 

Alicia Prima ballerina assoluta de Eileen Hofer et Mayalen Goust

Paru le 14 avril 2021 chez Rue de Sèvres.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Dans les rues de La Havane, entre 1959 et 2011, les vies se croisent et se recroisent. Aujourd’hui celle d’Amanda, jeune ballerine en devenir. Hier, celle de Manuela, mère célibataire, qui n’aura fait qu’effleurer son rêve de danseuse classique et enfin celle d’Alicia Alonso, dont on suit l’ascension vers la gloire jusqu’à devenir prima ballerina assoluta au parcours exceptionnel. Dans un Cuba où règnent la débrouille et l’entraide, tout autant que la dénonciation et le marché noir, l’histoire de la démocratisation de la danse classique rime singulièrement avec l’avènement du régime révolutionnaire. Pour Amanda, la compétition est rude pour être parmi les meilleures tandis que pour Alicia, les choix ne sont plus seulement artistiques mais politiques, lorsqu’on voudra faire d’elle un instrument de l’idéologie castriste.

Les autrices – D’origines turco-libanaises par sa mère et suisse par son père, Eileen Hofer fait des études à la Faculté des lettres de l’Université de Genève, puis obtient un diplôme postgrade en histoire du cinéma en 2001. Sa carte de presse en poche en 2006, elle voyage dans le monde comme journaliste, tout en menant en parallèle ses activités de cinéaste. Autodidacte, elle réalise en 2008, son premier court-métrage Racines. Présenté dans plus de 120 festivals, il glane de nombreux prix au passage. Forte de cette expérience, elle poursuit avec cinq courts-métrages et deux longs C’était un géant aux yeux bruns, présenté en première mondiale au festival de Rotterdam, et Horizontes, sorti en 2015 et tourné à Cuba autour du personnage d’Alicia Alonso, légende du ballet cubain. Ce film est salué par la critique et fait le tour des festivals avant de sortir en salles. Eileen Hofer écrit actuellement deux autres projets de bande dessinée. Quand elle n’est pas dans un avion, un train, ou sur les mers, elle vit en Suisse.

Née à La Rochelle en 1976, Mayalen Goust est diplômée de l’École d’arts appliqués de Poitiers et a travaillé dans une agence de publicité. Si elle est surtout connue pour ses illustrations d’albums aux éditions du Père Castor, son univers unique est facilement identifiable dans toutes ses œuvres. Depuis 2011, elle s’est lancée dans l’adaptation BD des Colombes du Roi-Soleil, série à succès de romans historiques pour la jeunesse. Elle vit aujourd’hui à Rennes.

Notre avis – Pour ce livre, Eileen Hofer reprend le sujet de son documentaire Horizontes et propose une biographie d’Alicia Alonso, décédée le 17 octobre 2019, avec un regard original sur la célèbre danseuse cubaine au destin incroyable. Elle livre une vision de Cuba d’hier et aujourd’hui, évoque la révolution castriste et les rapports entre les artistes et le pouvoir. La mise en illustrations de Mayalen Goust est tout en délicatesse et sied parfaitement à l’histoire. Une histoire qui court sur plusieurs époques, entre 1959 et 2011. Trois destins de femmes sont racontés en parallèle : celui d’Amanda, une jeune ballerine qui rêve grand ; celui de Manuela, une mère célibataire qui a mis de côté ses aspirations à devenir une danseuse classique; et, bien sûr celui de l’immense Alicia Alonso qui, en dépit de son handicap, est devenue non seulement l’égérie du régime castriste, mais s’est imposée comme l’une des plus grandes danseuses du XXe siècle. Les deux autrices tissent des liens entre les trois personnages, pour mieux mettre en avant l’amour de la danse qui les anime.

 

Danse et érotisme de Philippe Verrièle

Paru le 1er avril 2021 aux éditions La Musardine.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Les rapports entre danse et érotisme semblent manifestes. La danse à la réputation d’être un art sensuel, mais où sont les oeuvres érotiques ? Il y a des corps, il y a des sexes, mais finalement peu de créations qui relèvent de l’érotisme. À partir de ce paradoxe, l’auteur propose de revisiter l’histoire de la danse. De Salomé à Anna Teresa de Keersmaeker, du tango au butô, du mythe de la ballerine à celui du « danseur pédé », il s’agit de défendre un érotisme chorégraphique dont certaines oeuvres contemporaines annoncent peut-être la venue. Ce livre, initialement paru en 2006, fait référence dans le domaine de la danse : écrit par un spécialiste du domaine, il s’agit du seul ouvrage théorique à aborder cette question. Quinze ans plus tard, à l’aune de l’évolution de la discipline, de MeToo, des créations les plus récentes, il était nécessaire d’en proposer une version revue et actualisée.

L’auteur – Philippe Verrièle rejoint en 1989 l’équipe des Saisons de la danse, et en devient rédacteur en chef en 1994, faisant de ce magazine une référence pour ses informations et sa liberté de ton. Il est aujourd’hui critique et directeur de collection pour les éditions Riveneuve. Il a oublié de nombreux ouvrages, notamment les Légendes la danse au XXe siècle, Les chefs d’œuvre de la danse, Où va la danse ? et la série d’ouvrages Regarder la danse (Ed. Scala).

Notre avis – Dans la joliment nommée collection l’attrape-corps, les éditions La Musardine publient un ouvrage érudit et plantureux qui revisite l’histoire de la danse sous le prisme de l’érotisme. Et de poser d’emblée un paradoxe : “Alors que la muse de la danse possède de jolies prédispositions au plaisir charnel, elle ne semble pas avoir inspiré les créateurs et le corpus des œuvres érotiques qui relèvent de son obédience reste extrêmement pauvre.” Qu’à cela ne tienne : l’auteur n’est pas homme à renoncer et le voilà lancé dans une analyse historique et sociologique à entrées multiples où se côtoient les notions de sexualité, prostitution, nudité et pornographie. Moult œuvres et références chorégraphiques émaillent la démonstration qui nous interroge, au final, sur notre position de spectateur.trice. Que venons-nous chercher en allant voir de la danse ? Que projetons-nous malgré nous sur les corps féminins et masculins qui dansent ? Qu’espérons-nous dans les quelques minutes qui précèdent la plongée dans le noir de la salle ?

 

La part des femmes – Fattoumi-Lamoureux de Anne Pellus

Paru le 5 février 2021 aux Nouvelles éditions Place.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – La danse, un art « féminin » ? Tant s’en faut. À l’étude, ce champ de l’art apparaît encore largement dominé par les hommes. Dans cet univers, cependant, quelques exceptions mettent à mal ces usages et ces pratiques d’assujettissement. Analysant avec finesse et pertinence quatre chorégraphies des ‘Fatlam’ centrées sur les représentations du « féminin », Anne Pellus dévoile comment, dans le creux des corps dansants, chaque oeuvre écoute les mouvements de l’art et du monde. Comment aussi, certaines figures de l’altérité hantent un imaginaire occidental phallocratique où s’immiscent des histoires de femmes en lutte. Dans chacune de ces propositions chorégraphiques, la danse apparaît comme une matrice d’émancipation possible, comme un moyen de remettre en jeu les données du réel pour reconfigurer le monde d’une manière plus juste. Le sensible : une arme pour éprouver les corps et les imaginaires ? Qui se plaindrait qu’en la matière, les femmes se taillent la part du lion ?

L’autrice – Agrégée de Lettres modernes et docteure en Arts du spectacle, Anne Pellus est aujourd’hui Maîtresse de Conférences en Danse à l’Université de Toulouse Jean Jaurès et membre du laboratoire LLA-CREATIS. Nourrie par une expérience pratique de la danse et du théâtre en tant qu’interprète, elle s’intéresse aux dispositifs d’hybridation expérimentés ces dernières années dans la danse contemporaine et à leur possible portée politique. Outre son intérêt pour le travail de la compagnie Fattoumi-Lamoureux, elle a porté ses recherches sur l’univers des danseuses, danseurs et chorégraphes Alain Buffard, Patricia Ferrara, Maguy Marin, Ingeborg Liptay et Hooman Sharifi. Elle est membre de l’Association des Chercheurs en Danse (aCD) depuis 2013.

Notre avis – En 2020, les deux chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont fêté les trente ans de leur compagnie dont plus de quinze ans passés à la tête d’un centre chorégraphique national. Ouvrage érudit qui séduit par la qualité de ses analyses, La part des femmes met un coup de projecteur sur quatre pièces emblématiques de la compagnie : Manta, Lost in burqa, Masculines et Bnett wasla crées entre 2009 et 2018. Et met en avant l’engagement des deux chorégraphes et la portée politique de leur travail. Prises séparément puis connectées aux trois autres, ces pièces racontent le monde dans lequel nous évoluons, éclairent sur les relations entre danse et politique, danse et féminismes. Les textes denses et solidement référencés sont illustrés par les magnifiques photos de Laurent Philippe, qui suit la carrière des deux chorégraphes depuis leurs débuts.

 




 

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