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[Série OCS] L’Opéra de Cécile Ducrocq et Benjamin Adam

Une série TV sur la danse crédible et sans un amas de clichés, c’est possible ? L’Opéra de Cécile Ducrocq et Benjamin Adam, première saison disponible depuis le 7 septembre sur OCS, apporte enfin une réponse positive. Dans ces huit épisodes, pas de meurtre, de verre dans les chaussons ou de danseuse classique sclérosée sauvée par la liberté du hip hop. L’on plonge plutôt au cœur du Palais Garnier et du Ballet de l’Opéra de Paris d’aujourd’hui, avec ses conflits sociaux, ses luttes de générations, ces artistes passionnés ou son éternelle difficulté à lier modernité et répertoire. Au centre de l’intrigue, deux femmes puissantes : L’Étoile Zoé qui se bat pour rester sur le devant de la scène, et la jeune surnuméraire Flora qui en apprend les codes. Malgré un scénario un peu chargé sur la fin, l’on regarde avec plaisir cette plongée dans les coulisses du monde de la danse, où le ballet, loin d’être un simple prétexte aux intrigues, est au cœur de toutes les images.

Série L’Opéra – Ariane Labed (Zoé Monin)

Disons-le d’emblée : je ne suis pas totalement objective pour parler de la série L’Opéra, ayant eu un regard sur le scénario lors de sa première mouture il y a quelques années. J’attendais donc avec d’autant plus d’impatience de découvrir le résultat. Et après avoir binge-watcher les huit épisodes de la première saison, ma conclusion est sans appel. Si je ne sais pas ce que va en penser un public purement néophyte, les Balletomanes, par contre, vous devriez adorer. Car plutôt que de choisir les intrigues attendues de ce genre de série, L’Opéra prend comme personnage principal l’institution. Le Ballet de l’Opéra de Paris donc, dans ce qu’il est aujourd’hui : une institution séculaire qui a la volonté de préserver un patrimoine inestimable tout en restant ancré dans la réalité sociologique du XXIe siècle, aux prises avec les restrictions économiques, les guerres de couloirs ministériels, les mécènes, les conflits de génération. C’est donc avec délice que l’on plonge non seulement dans les coulisses du ballet – les concours, les spectacles, le travail des corps poussé à bout -, la pure passion de la danse, mais aussi de tout ce qui fait le sel et les vagues de la compagnie aujourd’hui. L’on parle ainsi du statut des Étoiles, des grévistes, de ce qui doit être préservé ou évoluer, ou de la place d’une danseuse noire dans la troupe. Une intrigue qui a pris place au Ballet de l’Opéra de Paris, mais qui pourrait se dérouler dans n’importe quelle grande institution culturelle européenne, face aux mêmes questionnements.

Au cœur de cette institution, l’on suit le parcours de deux femmes fortes. Il y a d’un côté Zoé, Danseuse Étoile de 35 ans sur le déclin. L’on devine que quelque chose a brisé sa vie. Alors qu’elle n’a plus dansé depuis 5 ans, la nouvelle direction veut la mettre à la porte. Mais Zoé veut se battre, pour retrouver son niveau, sa place en scène et dans sa grande famille de l’Opéra. De l’autre, il y a Flora, 19 ans, tout juste engagée en tant que surnuméraire. Elle ne vient pas du sérail et doit apprendre tous les codes pour s’intégrer. Et Flora est noire. Elle a été recrutée, elle est là comme n’importe quelle remplaçante, elle a ses chances de danser dans des pièces contemporaines. Mais quand il s’agit de faire un cygne blanc, les choses bloquent. Le sujet est on ne peut plus sensible et d’actualité – le tournage de la saison 1 a eu lieu il y a 18 mois, avant la commande du fameux rapport sur la diversité – mais l’équipe scénaristique a réussi à le traiter avec une certaine justesse.

Série L’Opéra – Raphaël Personnaz (Sébastien Cheneau) et Sarah Le Picard (Tiphaine)

Impeccable en Directeur de la Danse moderne et soucieux de ses danseurs et danseuses, Raphaël Personnaz fait penser au début à Benjamin Millepied. Mais la comparaison s’arrête vite : Sébastien connaît les codes de la maison, il a les mains dans l’administratif, l’on est dans autre chose. Ce n’est pas le cas de son assistante Tiphaine, irrésistible Sarah Le Picard, qui nous rappelle le documentaire Relève (“Mais il est où Benjamin ?“). Idem pour Marius, Premier danseur chouchou du public mais qui doit ronger son frein au faux air de François Alu. Et puis il y a Louise, la Danseuse Étoile parfaite aux multiples contrats, l’Étoile Jonas qui part à la retraite, les frères et sœurs Valentin et Aurore issue d’une longue famille de danseurs, ces figures du corps de ballet ou de la technique qui font toute la grande famille d’une compagnie. Le public, par contre, n’est que peu présent. Ce qui compte, c’est l’institution, ses rapports de classe, de pouvoir et d’âge.

Et la crédibilité de la danse dans tout ça ? C’est là la grande réussite de la série : elle est pratiquement toujours là. Dans chaque épisode, la danse est au cœur, comme un personnage à part entière : par un cours, une répétition, un ballet en scène, une variation. Les figurant.e.s sont tous danseurs et danseuses pros (certaines d’ailleurs sont surnuméraires à l’Opéra) et l’on plonge sans difficulté dans l’ambiance d’une compagnie au travail. Idem pour le Palais Garnier, avec quelques plans judicieux de l’entrée, même si la majorité a été tournée en décors (oui, le studio Lifar, ce n’est pas ça dans la vraie vie, mais enfin on y croit). Les dialogues sont aussi truffés de références à un.e chorégraphe, une compagnie, une correction technique, toutes ces petites choses qui ajoutent de la véracité à l’histoire. Enfin, le casting impeccable – la plupart sont d’anciens danseurs et danseuses ou ont pratiqué à haut niveau – permet d’y croire. Mention spéciale à Ariane Labed, qui se plonge dans le rôle de Zoé corps et âme, marquant la physicalité de la ballerine. S’il n’y a pas la grande technique – ce que les passionné.e.s de danse remarqueront forcément – il y a l’attitude, la démarche, la présence du corps. Et on lui pardonnera ainsi les imperfections de son Odette comme on a pardonné à Natalie Portman.

Série L’Opéra – Suzy Bemba (Flora Soumaré)

La petite déception de ce point de vue vient tout de même de Suzy Bemba, qui interprète Flora. L’actrice est solaire et l’on s’attache à son personnage de danseuse volontaire découvrant un monde nouveau. Mais difficile – en tout cas pour le public d’habitués de la danse – de croire à la ballerine dans sa gestuelle de ballerine, d’autant plus quand le scénario insiste sur la “qualité Opéra de Paris” qu’elle doit acquérir. L’on regrette aussi le scénario un peu touffu des derniers épisodes, avec l’arrivée un peu incongrue et sous-exploitée du Concours de promotion (un tel drama qui mérite bien une saison à lui tout seul). Petite frustration pour les personnages de Marius et d’Aurore, joliment esquissés au début, puis que l’on perd un peu. Ils devraient a priori prendre plus de place lors de la saison 2 en tournage, qui portera sur le Prix de Varna ou le Concours de promotion. Quant à la saison 3, elle est en écriture. On a déjà hâte !

L’Opéra – Série écrite par par Cécile Ducrocq (Showrunner) et Benjamin Adam, réalisée par Stéphane Demoustier, Laïla Marrakchi, Inti Calfat et Dirk Verheye. Saison 1, huit épisodes. Diffusion dès le 7 septembre sur OCS Max et en intégralité à la demande sur OCS.

 



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