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[Expo] Danser l’image. Le Ballet national de Marseille – Centre National du Costume de scène

Le Centre national du costume de scène de Moulins consacre sa nouvelle exposition au Ballet national de Marseille, fondé en 1972 par Roland Petit et dirigé aujourd’hui par le collectif (LA) HORDE. Cette compagnie occupe une place singulière et importante dans le panorama du ballet en France. La compagnie marseillaise fut un centre d’innovations sous la direction de Roland Petit, qui fut en particulier l’un des tout premiers à faire appel à des créateurs de mode pour les costumes de ses spectacles. Aujourd’hui, (LA) HORDE, dans un registre très différent, déplace ce centre de gravité de cette exigence visuelle en amalgamant d’autres types de support tels que la vidéo ou des installations éphémères. Mathieu Buard, le commissaire de Danser l’image. Le Ballet national de Marseille, s’est plongé dans cette histoire et les objets qui la composent pour concevoir une exposition qui retrace les grandes heures du Ballet de Marseille, en évitant l’écueil d’une approche trop muséale. L’ensemble propose un parcours dynamique, sublimé par la belle scénographie de Julien Peissel. Une exposition passionnante qui, à son insu, montre l’histoire tourmentée du Ballet national de Marseille. 

Danser l’image. Le Ballet national de Marseille – Centre National du Costume de scène – Costume de Luisa Spinatelli pour Dominique Khalfouni, extrait de Ma Pavlova de Roland Petit (1986).

Le Ballet de Marseille a une courte histoire. Il fut fondé il y a 50 ans, ce qui au regard de de cet art est peu. Mais il tient pour autant une place déterminante et rayonne bien au-delà des frontières hexagonales. On le doit à son premier directeur Roland Petit, génie du ballet néo-classique français à la tête d’un répertoire fort de 175 chorégraphies, dont certaines sont toujours au programme des grandes compagnies internationales. Personnalité versatile, capable tout aussi bien de régler un ballet à l’Opéra de Paris que de créer une comédie musicale sur Broadway à New York, Roland Petit a régné en maître absolu sur le Ballet de Marseille jusqu’à son départ en 1998. Débute alors une trop longue période d’incertitudes et de difficultés qui menacent l’avenir même de la compagnie. Désapprouvant le choix de l’Étoile de l’Opéra de Paris Marie-Claude Pietragalla pour lui succéder, Roland Petit part en emportant tout son répertoire. La greffe entre la troupe et sa nouvelle directrice n’a ensuite jamais pris. Le chorégraphe belge Frédéric Flamand  la remplace en 2004 pour tenter d’apaiser les conflits et de créer une atmosphère de travail sereine. Puis c’est le duo Emio Greco et Pieter C.Scholten qui prennent les rênes de la compagnie.

Cette période fragmentée a laissé la compagnie sans boussole. Née par la volonté d’un directeur-chorégraphe qui porte haut le rayonnement du ballet classique, la troupe a vu sa mission et son identité diluées dans les tergiversations des tutelles nationales et municipales. À ce titre, la nomination du trio (LA) HORDE redonne une cohérence à la troupe. On peut certes regretter l’abandon définitif de l’art du ballet classique à Marseille dans un pays où cette discipline se réduit comme peau de chagrin. Mais à tout le moins, (LA) HORDE redonne au Ballet de Marseille une énergie, une direction et une ambition qu’on ne lui connaissait plus en attirant de surcroît un nouveau public. Mais on comprend la complexité de construire une exposition qui rendrait compte de cette histoire faite de constantes ruptures.

Danser l’image. Le Ballet national de Marseille – Centre National du Costume de scène – Costume de Gianni Versace pour Eric Vu-An, extrait de Java de Roland Petit (1988)

Miraculeusement, Mathieu Buard y parvient en déplaçant quelque peu la focale, évitant ainsi deux écueils que seraient une volonté rétrospective ou une démarche chronologique. Il y substitue un point de vue dynamique sur l’histoire du Ballet de Marseille et sur le fond des costumes qui constituent un patrimoine remarquable. Pour leur redonner vie, il a imaginé un parcours qui plonge le public dans une fantasmagorie dans laquelle il chemine. L’on va ainsi du pressing des costumes à des vitrines en forme de reconstitutions imaginaires, mêlant plusieurs personnages échappés des ballets dansés par la compagnie depuis 50 ans. Les spécialistes y repèrent tel costume célèbre de Notre-Dame de Paris ou encore le justaucorps de Carmen créée par Zizi Jeanmaire, l’épouse de Roland Petit. On peut fort bien déambuler  en se laissant happer par le seul attrait de la composition savante de ces sublimes costumes. Mais dans chaque salle, un plan fort bienvenu indique toutes les informations nécessaires pour restituer l’origine des costumes et nommer leurs créateurs et créatrices.

À travers ce parcours, on constate l’immense apport de Roland Petit aux costumes de ballets. Il fut un précurseur, faisant appel à des grands noms de la mode, et même parfois à les repérer avant qu’ils ne  soient des stars de la Haute couture. Il fit aussi appel à des peintres pour dessiner des costumes. Yves Saint Laurent, Gianni Versace, Erté, Luisa Spinatelli, Franca Squarciapino, Max Ernst, Antoni Clavé, Keith Haring… La liste des collaborations qu’il suscita ferait office de carnet mondain des arts de la mode et de la peinture de la seconde moitié du XXe siècle.

Danser l’image. Le Ballet national de Marseille – Centre National du Costume de scène – Costume d’Antoni Clavé pour Carmen de Roland Petit (1972)

Comment exister après un tel monstre sacré ? L’exposition ne répond pas à cette équation qui ne saurait se résoudre. Roland Petit laisse un patrimoine considérable, construit tout au long d’une carrière fertile. Si l’on était tenté d’oublier son importance alors qu’approche le centenaire de sa naissance, Danser l’image nous rappelle à bon escient son regard novateur : non seulement comme chorégraphe mais aussi dans le processus créatif de ses pièces. Il ouvre ses portes aux créateurs, plasticiens, gens de la mode ce qui paraît aujourd’hui tout naturel mais qui était iconoclaste à son époque.

Danser l’image lui rend un bel hommage même si paradoxalement, alors que les costumes de ses productions occupent l’essentiel des salles, son nom n’apparaît pas en haut de l’affiche. On lui a préféré celui de (LA) HORDE qui a activement participé à la conception de l’exposition, notamment dans la relecture de ces costumes pour leur offrir une nouvelle vie artistique. Tout cela est joyeux, coloré, truffé de petits bijoux qui replongent les anciens spectateurs et spectatrices dans leurs souvenirs et ouvrent à tous un champ créatif réjouissant. Une fois de plus, le Centre national du costume de scène et sa directrice Delphine Pinasa font mouche !

Danser l’image. Le Ballet national de Marseille – Centre National du Costume de scène – Costumes de Malika Slimani et Paul-Arthur Jean-Marie pour The Master’s Tools de (LA)HORDE (2020)

Danser l’image.Le Ballet National de Marseille, direction (LA) HORDE – Exposition à voir du 3 décembre 2022 au 30 avril 2023 au Centre National du Costume de Scène de Moulins.

 



Commentaires (2)

  • Rahn

    Quelle tristesse de lire que Mr Roland Petit a
    créé le Ballet de Marseille
    Le Ballet de Marseille a été créé en 1959
    Par Joseph Lazzini qu’il a dirigé jusqu’en 1968.
    À bon entendeur
    Salut

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    • Guy-Paul

      Joseph Lazzini était le directeur et chorégraphe du ballet de l’opéra de Marseille, pas du ballet de Marseille. Les 2 compagnies ont “cohabité” à la création de la nouvelle compagnie malgré les bâtons que Roland Petit avait placés sur le chemin de la compagnie de l’opéra de Marseille.

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