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Les sorties livres de l’hiver 2023

Les femmes sont à l’honneur de cette sélection des derniers ouvrages parus depuis quelques mois. Toutes les facettes de la grande Marie Taglioni dans un travail de recherche pointu, un portrait palpitant d’Isadora Duncan, les plus beaux ballets décryptés dans un album pour la jeunesse, un livre pour sensibiliser les jeunes pratiquant.e.s à la danse dans ses multiples formes et esthétiques. Et aussi un retour sur le coup de cœur de DALP de ces derniers mois, l’autobiographie intime et bouleversante de Marie-Agnès Gillot.

 

Marie Taglioni. Étoile du ballet romantique de Chloé d’Arcy

Paru le 11 janvier 2023 aux Presses Universitaires de Bordeaux.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – “Mlle Taglioni, ce n’était pas une danseuse, c’était la danse même ; elle ne courait pas le risque de l’oubli, mais du trop-plein de mémoire”, constate avec admiration Théophile Gautier (La Presse, 3 juin 1844). Marie Taglioni (1804-1884) était en effet une véritable star. Son nom est associé à un rôle, La Sylphide (1832), à l’avènement de la technique des pointes, et à l’ère du ballet romantique. Cette étude retrace son parcours européen en analysant les mythes qui s’élaborent autour de sa personne, de l’enfant prodige au modèle indépassable. Elle s’intéresse aussi à Marie Taglioni “à la ville” et à son statut de femme mondaine, aux représentations iconographiques et littéraires qui circulent à son sujet, ainsi qu’au public – même aux fans – qui contribuent à en faire une célébrité. Enfin, cette recherche se penche sur la dimension pratique d’une telle carrière et sur les différents acteurs qui y contribuent : derrière la gracieuse Sylphide se cache une véritable femme d’affaires qui suit scrupuleusement ses représentations, négocie des contrats avantageux et qui sait mobiliser le réseau nécessaire à son succès. Cet ouvrage est un apport original pour l’histoire de la danse et des femmes artistes en ce qu’il met en évidence la pluralité des visages de la ballerine, tant sur scène que hors scène.

L’autrice – Doctorante à l’EPHE-PSL (laboratoire SAPRAT) en histoire des spectacles, Chloé d’Arcy a obtenu une mention spéciale du prix Mnémosyne 2018 pour ses recherches consacrées à Marie Taglioni (IEP de Paris). Elle est aussi professeure de danse contemporaine diplômée d’État.

Notre avis – Quel coup de cœur que cet ouvrage dont l’érudition n’a d’égal que l’amour de la danse qui s’en dégage ! Quand on évoque le nom de Marie Taglioni, on pense bien sûr à La Sylphide qu’elle fut la première à incarner. On pense aussi aux pointes, au tutu, elle qui apparut pour la première fois dans ce qui ressemblait à l’époque à une longue robe blanche et vaporeuse. Mais Chloé d’Arcy va au-delà de ce que la postérité a retenu. Elle évoque surtout le destin d’une femme que son “physique ne semblait pas prédestiner à un grand succès” selon l’historien Auguste Ehrhard, qui écrivait aussi : “C’est cette personne, à tel point déshéritée de la nature qui devint la danseuse le plus adulée de son époque.” La même dont l’écrivain Théophile Gautier disait : “Elle a des ronds de jambes et des ondulations de bras qui valent de longs poèmes.” L’autrice retrace le parcours de l’illustre ballerine, les ballets qu’elle a dansés, les tournées qu’elle a effectuées dans toute l’Europe. Là où l’ouvrage se révèle passionnant c’est lorsqu’il montre comment sa célébrité s’est construite, comment elle est devenue une “star” à laquelle on vouait un véritable culte alors même que ce terme pourrait sembler complètement anachronique, les liens qu’elle entretenait avec son public. Une réflexion d’autant plus fascinante quand on la juxtapose avec ce qui se passe aujourd’hui sur les réseaux sociaux et la balletomanie. À n’en pas douter, Marie (et le clan Taglioni) aurait adoré Instagram !

Marie Taglioni. Étoile du ballet romantique de Chloé d’Arcy

Contes des plus grands ballets d’Astrid Valence

Paru le 6 janvier 2023 chez La Martinière Jeunesse.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Siegfried parviendra-t-il à sauver Odette des griffes du sorcier qui l’a changée en cygne ? Clara et le Casse-Noisette vont-ils vaincre l’armée des souris ? Yvan a-t-il bien fait de libérer l’Oiseau de Feu ? Que recherchent Don Quichotte et son fidèle Sancho Panza sur les routes d’Espagne ? Mais aussi les mondes chatoyants de Coppélia et de La Bayadère, les grandes figures de Giselle et de Cendrillon, les amours tragiques de Roméo et Juliette
Chaque conte est suivi d’un petit pas de côté : « Derrière le rideau » dévoile les coulisses de ces ballets mythiques, on y croise Shakespeare et Tchaïkovski, on assiste à l’invention du tutu et des pointes, on pénètre dans les plus grands théâtres…

L’autrice – Enfant, Astrid Valence rêvait d’un livre sur la danse vaste et profond, où on plongerait comme un pêcheur de perles pour y puiser des histoires merveilleuses pleines d’aventures, de gravité, de fantaisie, de joie, un livre où la légende s’entrelacerait d’airs de musique, d’histoire et de littérature. Devenue grande, après des années à apprendre à danser, à écrire et à peindre, après un premier livre sorti en 2020 (La Brouette, sur des textes d’Edmond Rostand, Éditions Téqui), elle met enfin au monde le livre de contes dont elle rêvait dans son enfance, et soulève pour chaque jeune lecteur le rideau rouge et or des ballets.

Notre avis – Préfacé par Dorothée Gilbert, ce beau livre compile l’histoire de quatorze ballets, de Coppélia à La Dame aux camélias. Joliment racontés, tout aussi joliment illustrés, ces ballets apparaissent dans toute la richesse de leurs arguments. Il permettra comme l’écrit la Danseuse Étoile d'”éveiller la curiosité des enfants” à l’univers de la danse. “La danse n’est pas un temple impénétrable, c’est une porte ouverte sur un monde merveilleux qui ne demande qu’à être partagé.” Cet album rend accessibles tous ces voyages. Chaque histoire est suivie d’une page intitulée “Derrière le rideau” fourmillant d’infos et d’anecdotes très instructives.

Contes des plus grands ballets d’Astrid Valence

Isadora d’Amelia Gray

Paru le 8 septembre 2022 chez Éditions de l’Ogre.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Isadora Duncan est au sommet de sa carrière, quand, en 1913, ses deux enfants meurent à Paris dans un accident de voiture. Incapable de danser, et à la limite de la folie, elle entame alors un voyage en Méditerranée en quête d’une manière de se réinventer en tant que femme et en tant qu’artiste. Avec ce roman biographique, féministe et psychologique d’une rare finesse, Amelia Gray dresse le portrait magistral de l’une des plus grandes artistes du XXe siècle. C’est flamboyant, c’est créatif, c’est cruel, terriblement ambitieux aussi, comme si l’écriture d’Amelia Gray collait parfaitement au rythme et aux mouvements de la danse d’Isadora.

L’autrice – Amelia Gray est scénariste, notamment de Mr Robot et de Maniac, et autrice de fiction, dont Cinquante façons de manger son amant (trad. de Nathalie Bru, Ogre, 2020) et Menaces (trad. de Théophile Sersiron, Ogre, 2019). Ses textes fictionnels et ses essais ont notamment été publiés par The White ReviewThe New YorkerThe New York TimesThe Wall Street JournalTin House, et VICE. Elle a été finaliste du PEN/Faulkner Award for Fiction pour son premier roman Menaces. Elle vit à Los Angeles.

Notre avis – Non, cet ouvrage n’est pas une nouvelle biographie de la grande danseuse Isadora Duncan ou plutôt si, mais sous la forme d’un roman fascinant à la beauté étrange. Il débute en avril 1913. Le mois de la mort dramatique de ses deux enfants Deirdre et Patrick. Comment survivre à ce deuil ? Comment continuer de danser avec cette douleur chevillée au corps ? C’est ce qu’explore ce livre qui oscille entre monologue intérieur, conversation et points de vue des différents autres protagonistes de la vie de l’artiste, sa sœur Elizabeth notamment. Il n’en retrace pas tous les épisodes. Mais il plonge dans l’histoire de ce chagrin insubmersible et ce qui en découle. Il parle du corps féminin, de liberté, de maternité, de danse évidemment… “Elle croit que ses souffrances seront récompensées par la gloire, que la joie et la douleur trouveront un équilibre sur la balance de sa vie, mais elle se trompe. Le bonheur ne se gagne pas. Nous tombons dessus tels des ivrognes, avant de retrouver notre contenance et de poursuivre notre chemin en titubant, à la recherche du monde entier comme on danse.” L’écriture palpitante d’Amelia Gray s’accorde parfaitement à la personnalité fantasque et inspirée de cette artiste inclassable. Comme s’il était dit qu’elles devaient se rencontrer.

Isadora d’Amelia Gray

Ma danse, tout un art de Laurence et Sylviane Pagès

Paru le 6 septembre 2022 aux Éditions du CN D.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Si tu pratiques déjà la danse ou que tu rêves de t’y mettre, si tu sens que danser, ce n’est pas juste une pratique physique ou sportive, si tu souhaites créer avec le mouvement, ce livre est fait pour toi ! Danser, c’est jouer, travailler, sentir intensément, expérimenter, penser, imaginer, être avec les autres… Danser, c’est tout un art ! Au fil de ces pages… tu pourras : expérimenter des propositions de danse, écouter des danseuses et danseurs te raconter leurs expériences, observer des danses situées dans des époques et des styles différents, découvrir la fabrique du geste et faire de ta danse tout un art !

Les autrices – Laurence Pagès est chorégraphe et écrit des livres sur la danse, Danser avec les albums jeunesse, et Danser avec les œuvres du musée (coautrice avec Pascale Tardif, éditions Canopé). Dans son travail de chorégraphe, elle s’intéresse aux liens entre danse et littérature ou poésie. Elle invente aussi des dispositifs de sensibilisation ou de médiation à la danse, dans son travail de chorégraphe comme dans d’autres contextes (et notamment avec le CND). Elle est formatrice pour différentes structures (Universités, Conservatoires, formation initiale et continue des enseignants, écoles d’art…). Sylviane Pagès est chercheuse en danse à l’université Paris 8, dans le champ de l’histoire de la danse et en particulier celle de la danse contemporaine et du butô. Elle a publié Le butô en France, malentendus et fascination (CND, 2015) et co-dirigé avec Isabelle Launay, Mémoires et histoire en danse (L’Harmattan, 2009) et avec Isabelle Launay, Mélanie Papin et Guillaume Sintès, Danser en 68, perspectives internationales (Deuxième époque, 2018). En dehors de son activité universitaire, elle a à cœur de diffuser les savoirs de la recherche en danse, en donnant des conférences auprès d’un public non initié.

Notre avis – Déconstruire les clichés autour de la danse par des questions qui interrogent une pratique artistique, voici un des projets de ce livre qui s’adresse aux enfants à partir de 10 ans. Il explicite des expressions souvent entendues, mais qui restent peut-être obscures pour les apprenti.e.s danseuses et danseurs comme “danser grand” ou “danser avec son dos” . C’est aussi un livre dont la lecture se prolonge par la mise en mouvement. Par la rubrique récurrente “À toi d’expérimenter”, il invite à danser seul.e ou à deux. Ma danse, tout un art ! est un outil précieux pour les jeunes afin de leur faire prendre conscience que la pratique de la danse doit s’accompagner d’une ouverture à la culture artistique et chorégraphique. Cet ouvrage doté d’une riche iconographie donne des repères, ouvre des portes, nourrit la curiosité. Un cadeau érudit et accessible qui sera aussi très utile aux professeur.e.s de danse.

Ma danse, tout un art de Laurence et Sylviane Pagès

Sortir du cadre de Marie-Agnès Gillot

Paru le 29 septembre 2022 chez Gründ.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Marie-Agnès Gillot a marqué l’histoire de la danse du début du XXIe siècle par la perfection de son art et son tempérament hors du commun. Dans cet ouvrage émaillé de photos et de dessins inédits, tirés de sa collection personnelle, Marie-Agnès Gillot se livre. Sa vie de danseuse, ses joies, ses peines, ses déceptions, ses rencontres, ses coups de cœur, ses coups de blues… Un portrait touchant et intimiste, qui révèle le talent et la force de caractère uniques d’une danseuse d’exception.

L’autrice – Née en 1975 à Caen, Marie-Agnès Gillot démarre la danse classique dès l’âge de 5 ans. Elle est rapidement repérée par sa professeure de danse Chantal Ruault, qui la pousse à passer le concours de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Elle le réussit du premier coup, à 9 ans. Marie-Agnès Gillot poursuivra son parcours exemplaire et brillant : émancipée à 15 ans pour son admission dans le Corps de ballet, promue quadrille en 1991, coryphée en 1992, sujet en 1994 et première danseuse en 1999 ; elle accèdera à la consécration, étoile, le 18 mars 2004, sur le ballet contemporain de Carolyn Carlson, Signes.

Notre avis – Trois actes et une centaine de courts chapitres pour se raconter. Premier acte : l’enfance et l’École de Danse. Deuxième acte : la vie dans le corps de ballet jusqu’à la nomination. Troisième acte : L’Étoile, sa carrière, sa retraite, la suite. “Désormais, je jouerai ma vie à la barre”. Tout se mélange au fil des chapitres. Les bons comme les mauvais souvenirs, les professeures de danse merveilleuses comme les sadiques, le rapport au corps, les rencontres mémorables comme les traitrises, les créations géniales comme celles qui laissent un goût amer, le corset, les progrès, les partenaires de rêve comme les pénibles. Les modèles aussi : Patrick Dupond en bonne place, Pietra, Ghislaine Thesmar. Les amies bien sûr : Isabelle Ciaravola ou Laetitia Pujol, un rapport compliqué à Aurélie Dupont. Et glissés entre deux moments de danse, des instants intimes : la famille, les deuils, un premier amour, un viol, un mariage, un enfant chéri. Marie-Agnès Gillot se dévoile comme elle est, dans ses forces et ses failles. Absolument passionnée, travailleuse acharnée, danseuse née. Egocentrique aussi, agaçante parfois. Mais totalement sincère et d’une franchise absolue qui fait du bien dans ce monde de la danse parfois un peu trop polissé. Ce livre lui ressemble, et c’est en ça qu’il est réussi. Sortir du cadre se prend comme un beau livre. Et il se dévore du début à la fin. L’un des plus beaux livres sur la danse que l’Étoile pouvait écrire. A.B

Sortir du cadre de Marie-Agnès Gillot

Et aussi…

À l’origine. La femme derrière le tableau de Cécile Cerf

Paru le 20 septembre 2022 aux Éditions Atlande.

Ce qu’en dit la 4e de couverture – Scandalisé par L’Origine du monde, œuvre taboue de Gustave Courbet que son riche commanditaire ottoman dissimule dans sa salle de bain mais montre à tous ses invités, l’écrivain Maxime Du Camp se lance à la recherche de la vérité sur la femme qui a accepté de poser pour cet inconvenant et inconcevable “portrait”. Qui était-elle ? Pourquoi avoir posé avec tant d’impudeur ? Par ignorance ? Par appât du gain ? Ou alors … par conviction ? Ce roman historique de Cécile Cerf est une véritable enquête : le narrateur interroge une mosaïque de personnages dont les récits composent un véritable jeu de piste. A la clef : les secrets du modèle de Courbet et la raison d’être du tableau. C’est aussi un ensemble de portraits imbriqués les uns dans les autres : celui d’une femme, qui prend forme chapitre après chapitre, mais aussi celui de l’Opéra, de ses danseuses, et enfin du Paris de la fin du XIXe siècle.

L’autrice – Ancienne élève de l’ENS Fontenay-Saint-Cloud, agrégée de Lettres modernes et docteur en littérature française, Cécile Cerf s’intéresse aux destinées des femmes, en particulier des danseuses, au XXe siècle.

Notre avis – En 2018, l’universitaire Claude Schopp sort un ouvrage dans lequel il affirme avoir identifié le modèle de l’Origine du monde. Il s’agit de Constance Quéniaux qui a été danseuse à l’Opéra de Paris. Maîtresse de Courbet et Khalil Bey, commanditaire du tableau, elle est entrée à 14 ans à l’Opéra de Paris. On sait peu de choses de cette jeune fille guidée par sa mère au début, devenue courtisane avant de finir philanthrope passionnée. Il n’existe aucune trace des séances de poses où Constance dévoila son intimité. À son tour, Cécile Cerf mène l’enquête sur ce qui resta un secret pendant presque 150 ans.  Elle se choisir comme guide Maxime du Camp, photographe, et écrivain. Elle restitue l’univers des filles galantes gravitant dans le foyer de la Danse en quête des riches abonnés. On croise les figures de cette époque de Théophile Gautier à Charcot en passant par la courtisane Cora Pearl et l’actrice Pauline Dameron et on se délecte de cet étonnant jeu de pistes qui parle de danse, de quête d’émancipation et de politique.

 




 

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