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Livre – Pina de Walter Vogel

Cela fait bien longtemps que les superbes portraits stylisés de Walter Vogel, laissant découvrir une jeune Pina Bausch posant amusée et complice, font le tour du monde et de la toile. Longtemps également que la première édition allemande de Pina, publiée en 2000, est épuisée – le Tanztheater Wuppertal se voyant sans cesse réclamer de nouveaux exemplaires.

L’attente nourrissant le désir, c’est avec gourmandise que tout-e admirateur- rice de Pina Bausch peut désormais acquérir cette nouvelle édition du livre de Pina de Walter Vogel, revue et augmentée, parue en juin dernier aux éditions L’Arche.

Pina

Pina de Walter Vogel

Walter Vogel, aujourd’hui photographe reconnu et auteur, rencontre Pina Bausch alors que tous deux étudient à l’école Folkwang. Il est très vite fasciné par cette jeune fille solitaire et réservée “qui attendait de se retrouver sur scène pour déployer sa virtuosité de danseuse et toute sa beauté“.

La première partie du livre (de 1965 à 1969) retrace ainsi la naissance de leur amitié et leurs années de jeunesse. Le photographe y fait partager son intimité avec la future chorégraphe. Outre les portraits si connus, on découvre avec émotion de très belles photos d’une Pina jeune danseuse, sur scène ou discutant en terrasse avec Kurt Joos. Celui-ci fut son professeur et admirait en elle “le plus grand talent qui m’ait jamais été donné de voir“. À travers de nombreuses anecdotes sur le quotidien qu’il partage avec Pina Bausch, Walter Vogel brosse, par petites touches, le portrait d’une jeune fille modeste, introvertie, “peu exigeante si ce n’est pour son art“, qu’il regarde avec admiration et timidité.

Mais leur amitié est bientôt mise à mal par deux carrières naissantes puis par l’immense notoriété de la chorégraphe, entièrement accaparée par son travail. Si leur lien ne se rompra jamais réellement, leurs rencontres deviennent bien plus rares et leurs tête-à-tête quasiment inexistants.

Dans les deux parties suivantes (de 1977 à 1982 puis de 1997 à 2000), ce n’est donc plus d’intimité qu’il s’agit mais de chorégraphie. Car outre les liens d’amitié qui l’unissent à Pina Bausch, Walter Vogel est un grand admirateur et un fin connaisseur de son œuvre. Il accompagne ses clichés de descriptions des chorégraphies, d’analyses d’une grande justesse. À travers ses souvenirs de répétitions et ses échanges avec les membres de la compagnie, il montre également Pina Bausch au travail. D’abord en jeune directrice de ballet peu sûre de son succès mais travailleuse acharnée, inépuisable et jouissant d’une autorité naturelle sur ses danseurs. Puis comme une femme devenue plus gaie et détendue avec les années, mais presque inaccessible tant son succès immense fait qu’elle est toujours entourée, demandée.

 Pina de Walter Vogel

Pina de Walter Vogel

Les clichés de Pina Bausch sont ainsi peu nombreux dans cette partie du livre. On la découvre quelquefois entourée de ses danseurs, mais l’essentiel des photographies montrent des plateaux de répétition. Bien qu’intéressantes parce que dessinant un portrait en images de son œuvre – et parfois très belles comme celles du photogénique Nelken – elles restent moins surprenantes, moins émouvantes.

Dans la préface Salomon Bausch, le fils de Pina, écrit que les photos de Walter Vogelcontribueront à ce que, outre le souvenir de Pina Bausch en tant qu’artiste, il restera aussi celui de la personne qu’elle était“. C’est sans doute ce que réussit ce beau livre, à la mise en page élégante et épurée. Un grand soin est apporté à l’impression des photographies toujours en noir et blanc, parfois en pleine page, parfaitement mises en valeur. Malheureusement, malgré tout son intérêt, le texte laisse parfois à désirer. Il arrive que Walter Vogel se perde dans des anecdotes qui n’ont que peu d’importance voire d’intérêt, décrivant avec force détails les lieux qu’ils ont fréquentés ou ce qu’ils ont mangé. Ou encore dans des flash-back mal maitrisés où il perd son lectorat avec lui. Certaines formules, lorsque par exemple il présente Pina Bausch comme quelqu’un qui “défie encore et toujours les recommandations de l’industrie cosmétique pour la femme de la quarantaine“, paraissent assez maladroites.

Dommage, d’autant que le livre se termine sur une très jolie lettre à Pina Bausch, toute de nostalgie de tendresse et d’admiration, où le photographe déclare si joliment “Tu parviens à puiser dans ton corps quelque chose de si rare et d’incomparable… Quelle tristesse que tu ne sois pas restée danseuse ! Quelle tristesse si tu étais restée danseuse !“. Une nostalgie qui saisit aussi le-la lecteur-rice en fermant le livre, même s’il est certain que l’on reviendra vite le feuilleter à nouveau, pour admirer ces clichés et retrouver un peu de Pina.

 Pina de Walter Vogel

Pina de Walter Vogel

 

Pina de Walter Vogel – Éditions L’Arche – 32 €

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