TOP

Rencontre avec Allister Madin pour son départ au Royal New Zealand Ballet : “Je pars pour élargir mes horizons”

Danseur depuis 13 ans à l’Opéra de Paris, Sujet depuis 2011, Allister Madin prend le large en janvier prochain et s’envole pour le Royal New Zealand Ballet, où il aura le statut de Principal. Il profite comme d’autres danseurs et danseuses avant lui de la possibilité de prendre un ou deux ans de congé de l’institution parisienne. Pour DALP, il revient sur sa décision de partir, son choix pour cette compagnie du bout du monde, ce qu’il va danser et découvrir et ses envies d’artiste.

Allister Madin

Quand est venue la décision de partir ?

Elle est arrivée il y a un peu plus d’un an. J’étais censé danser Drumming Live d’Anne Teresa de Keersmaeker. Et puis à la dernière minute, je me suis retrouvé remplaçant et j’étais le seul dans ce cas de toute la distribution. C’était frustrant, j’avais l’impression de revenir à mes années de surnuméraire. J’ai donc demandé à changer de production et d’être sur le corps de ballet de La Sylphide de Pierre Lacotte qui était donnée en même temps, pour continuer à danser. Anne Teresa de Keersmaeker était d’accord pour me laisser partir, mais je n’ai pas pu intégrer La Sylphide. Je me suis donc retrouvé sans rien. Mais cela m’a ouvert des portes. J’ai fait des galas ailleurs, notamment en Italie avec Elsa Godard. Et j’ai dansé Le lac des cygnes au Japon avec deux Principals du New National Ballet of Japan. C’était en juillet 2017 et ça a changé ma vie.

 

C’est-à-dire ?

J’ai réalisé combien je m’épanouissais à partager mon style français avec des danseurs et danseuses d’une autre culture. Je voulais partager avec des gens qui n’avaient pas la même vision de la danse que moi, que l’on puisse s’enrichir mutuellement. La maîtresse de ballet de cette production, qui avait été Principal au Ballet de Berlin, m’a glissé : “Bien sûr que tu es un soliste. Ne perds pas de temps, va voir ailleurs“. Cela a changé quelque chose en moi.

Je voulais partager avec des gens qui n’avaient pas la même vision de la danse que moi, que l’on puisse s’enrichir mutuellement.

Vers quelle compagnie vous êtes-vous tourné ?

J’ai commencé à candidater, à regarder ce qui se passait en Europe. Je trouve ça très enrichissant de voir d’autres compagnies. Je suis allé à Oslo voir une amie. J’ai pris un cours au Ballet de Norvège. Un contrat de soliste était possible et finalement ça ne s’est pas fait. Malgré la déception, cela m’a fait du bien de voir que quelqu’un qui ne me connaissait pas puisse poser un regard sur moi et juger que je pouvais être Principal. J’avais besoin de ce regard neuf, c’est aussi pour ça que je ne suis pas allé vers des compagnies dirigées par des gens qui me connaissaient, comme au Ballet de l’Opéra de Vienne.

J’ai candidaté dans d’autres compagnies, j’étais motivé. Souvent il n’y avait pas de contrat d’homme, ou je ne correspondais pas à ce que la troupe recherchait, où mon âge n’allait plus. J’ai 32 ans et dans certaines compagnies, passé 30 ans, on ne nous regarde plus vraiment. J’ai essayé aux États-Unis mais je n’avais pas envie d’aller là où un autre de l’Opéra de Paris était déjà passé, je ne voulais pas de comparaison. Puis il y a eu une possibilité au Ballet de Finlande à Helsinki. J’étais très intéressé par leur répertoire mais il n’y avait pas de danseuse à ma taille. Je fais 1,80m mais j’avais l’air d’un champignon à côté des danseurs là-bas, ce sont tous des Hugo Marchand ! La directrice de cette troupe m’a toutefois conseillé de postuler en Australie.

 

C’est là que le Royal New Zealand Ballet est arrivé ? 

J’ai eu des pistes en même temps au West Australian Ballet et au Royal New Zealand Ballet (RNZB). Quand le premier a su que j’étais en congé sabbatique, et donc que je pouvais repartir au bout d’un ou deux ans, il a un peu reculé. Le RNZB n’était au début pas clair sur ce qu’il cherchait. Avant de traverser le monde pour passer une audition, il fallait que je sache pour quel type de contrat je le faisais. Finalement, la direction m’a indiqué qu’il s’agissait de postes de solistes et de Principals, ce qui m’a décidé à prendre mon billet. Et on m’avait parlé de cette compagnie et de sa directrice Patricia Barker qui est une légende aux États-Unis. On m’a dit qu’elle faisait un bon travail de direction. Je pense que le Royal New Zealand Ballet, c’est au final ce qui me correspondait le mieux.

Allister Madin

Quelle a été votre première impression en arrivant au RNZB pour l’audition ?

J’étais en congé d’été, je me suis donc remis en forme très vite. Je suis arrivé mercredi en Nouvelle-Zélande, j’ai passé l’audition jeudi et vendredi, et j’ai repris l’avion le samedi. C’était intense ! Mais je me suis tout de suite senti bien, j’ai eu le même sentiment en arrivant à Oslo ou Helsinki, ce qui m’a rassuré. J’ai aimé la passion des danseurs et danseuses, voir les filles souriantes dans le corps de ballet, que tout le monde ait envie, qu’il y a des physiques différents, une richesse des différentes cultures qui se croisent, ces bagages qui ne sont pas les mêmes que les miens. Et j’aime aussi cette relation à la nature que l’on a en Nouvelle-Zélande.

 

Comment s’est passée l’audition ?

J’ai pris un cours avec la compagnie donné par la directrice Patricia Barker, avec une technique très Balanchine. Elle est venue me voir à la fin du cours, me disant d’aller voir les répétitions, de parler aux gens, de me faire un avis sur la compagnie. J’ai passé la journée à regarder ce qui se passait en studio avec beaucoup d’intérêt. En voyant le niveau élevé des solistes, je ne pensais pas avoir un contrat de Principal. Le soir, j’ai dîné avec Patricia Barker. Elle m’a demandé ce que j’en avais pensé, dans le bien comme dans le moins bien. Je pense que ma réponse lui a plu. Elle m’a proposé un poste de Principal, m’a donné les noms de ses autres recrutements, avec qui j’allais danser. Elle m’a dit de réfléchir… Mais c’était tout réfléchi. Elle me proposait ce que je recherchais. La Nouvelle-Zélande, c’est une aventure, je ne pensais pas être capable de partir aussi loin. Mais en y réfléchissant mieux, j’avais besoin d’un gros changement. Cette proposition était une suite logique après tout ce que j’avais fait. Le lendemain, je n’avais plus la pression de l’audition. Une autre maîtresse de ballet donnait le cours et c’était dur, le niveau était très élevé. À la fin du cours, j’ai eu un autre rendez-vous plus formel, la directrice m’a donné presque tout mon planning jusqu’en décembre 2019.

Même si je n’ai pas l’impression d’être l’archétype du danseur français, j’ai vu en dansant à l’étranger qu’il y avait quelque chose de différent en moi.

Comment vous a perçu votre nouvelle directrice ?

Elle m’a demandé ce que je dansais à Paris. Je lui ai dit que j’avais souvent les rôles de méchant, de demi-caractère, qu’on ne me considérait pas forcément comme un prince. Cela l’a étonnée car elle me voyait plus comme un Siegfried. Les critères ne sont pas les mêmes à Paris ou ailleurs ! Même si je n’ai pas l’impression d’être l’archétype du danseur français, j’ai vu en dansant à l’étranger qu’il y avait quelque chose de différent en moi. Patricia Barker m’a aussi parlé de mon grade. Je suis Sujet à l’Opéra de Paris, un poste enviable. Mais à l’Opéra, quand on est Sujet, nous devons faire nos preuves au même titre qu’un jeune Quadrille, il n’y a pas d’acquis par rapport à ce qui a déjà été fait dans le passé. Patricia Barker m’a dit que je faisais mes preuves par le simple fait d’entrer le matin dans un studio. Passé un certain âge, on a juste envie d’avoir ce à quoi on a droit, que les choses se fassent naturellement.

 

Qu’allez-vous danser au RNZB ?

Il y a une soirée mixte de quatre chorégraphes pour débuter la saison, il faudra que j’auditionne en arrivant. Puis un programme Black & White, un ballet néo-classique autour du Lac des cygnes. Il y a un programme avec Sérénade de George Balanchine et Artifact Suite de William Forsythe, enfin une création du chorégraphe résident sur Hansel & Gretel. C’est rassurant de connaître certaines choses tout comme de découvrir un répertoire qui correspond au goût du public de là-bas. Ils ont aussi un programme Tutus on tour, sur le format du gala.

Allister Madin

C’est donc une programmation plutôt néo-classique ?

Oui, et c’est peut-être le petit bémol. Je n’aurais pas les grands rôles classiques au début. Patricia Barker aimerait faire venir des choses, Cendrillon par exemple, mais je ne sais pas à quel point. J’espère par contre faire des guests dans la région. Le West Australian ballet, qui est revenu vers moi après coup, programme Giselle et La Bayadère la saison prochaine, deux ballets que je rêve de danser. Ils ne sont pas loin et Patricia Barker m’a déjà dit qu’elle me laisserait la liberté de danser ailleurs. Pour elle, c’est important que ses danseurs et danseuses rayonnent, qu’ils soient vus ailleurs, c’est une façon de promouvoir la compagnie.

 

Comment fonctionne le RNZB ?

Marie Varlet, une française de la compagnie, m’a parlé de la troupe, qui compte entre 36 et 42 artistes. La direction précédente a été difficile et Patricia Barker est arrivée en juin 2017 dans un climat tendu. Mais elle veut vraiment faire bouger les choses. Elle souhaite hiérarchiser la compagnie, qui ne l’est pas vraiment aujourd’hui, en instaurant les statuts de Soliste et Principal. Elle a une vision très claire de ce qu’elle veut faire de la troupe et où elle veut l’emmener. C’est rassurant de voir quelqu’un qui a de la suite dans les idées. Elle sait ce qu’elle veut comme programmation pour les deux prochaines saisons. Ils ont aussi un bon rapport à la santé, avec des réunions sur la programmation pour voir ce qui est trop ou pas assez, comment cela peut avoir un impact sur les distributions. Tout est pris en considération. Même si rien n’est parfait, le RNZB essaye de faire au mieux et de faire évoluer la conception d’une direction de compagnie. Et je trouve ça intéressant.

 

Comment se déroule une saison là-bas ?

La saison va de janvier à décembre et nous commençons à nous produire en scène début mars. Il y a souvent un Casse-Noisette en décembre, mais en 2019, ce sera Hansel & Gretel. Ils font aussi des tournées dans toute la Nouvelle-Zélande, ils bougent beaucoup. Chaque programme est dansé une vingtaine de fois, ce qui fait donc pas mal de représentations.

 

Et votre première impression de Wellington ?

J’y suis allé en septembre, donc en pleine hiver. Il pleuvait, il faisait gris… et c’était très venteux. Le parapluie, ça ne marche pas là-bas ! J’ai passé beaucoup de temps dans la compagnie, je n’ai pas vraiment pu visiter. De tout ce que j’en lis, la ville est très agréable. J’ai beaucoup aimé le centre-ville qui m’a fait penser à San Diego. Ce qui a étonné Patricia Barker, qui trouve que c’est une ville très européenne. Et la nature est proche, les paysages ont l’air incroyables. Mon contrat débute le 14 janvier, j’arriverai sur place le 6.

En Nouvelle-Zélande, j’aurais le droit d’être comme je veux, de ne pas me conformer à un code.

Comment se passe votre fin de saison à l’Opéra de Paris ?

Il y a plein de choses à préparer : résilier le bail de l’appartement, l’assurance, changer de forfait téléphonique. Je suis aussi témoin de mariage. Je me sens très occupé. Ce qui a été compliqué a été la période de transition, quand je savais que je partais mais que je ne pouvais pas en parler. Je savais que ma vie allait changer mais rien ne changeait concrètement. Quand je l’ai annoncé, c’est devenue concret pour les autres et j’ai dû faire face au jugement. Tout le monde a un regard et une opinion et je n’avais parfois pas envie de ça : c’est ma vie, mon expérience. Je suis allé voir Éléonore Guérineau à Zurich, j’ai aimé la voir épanouie dans un autre environnement, plus ouverte en studio. En Nouvelle-Zélande, j’aurais le droit d’être comme je veux, de ne pas me conformer à un code. Je suis très conscient des bons côtés de l’Opéra, cette tradition, cet édifice sublime, mais aussi la sécurité de l’emploi, la retraite… Mais est-ce que cela suffit à rester quand on ne s’épanouit pas ? Ce sont des choix de vie.

 

Comment vous préparez-vous à partir au bout du monde ?

J’ai réduit 32 ans de vie en deux bagages de 30 kilos ! Et j’emmène une commande de 60 chaussons Repetto, une marque qui n’est pas vendue en Nouvelle-Zélande, mais je n’utilise que leurs chaussons. Ça prend de la place dans la valise (rires) ! Je pense que je partirais plus d’un an, que je renouvellerais mon congé. Je veux vivre l’expérience pleinement. Mais je ne peux pas savoir tant que je n’y suis pas. J’ai du mal à quantifier le manque de ma vie parisienne. Il y a Internet maintenant pour se parler. Comme j’ai pas mal d’amis à l’étranger, je sais que l’on peut garder contact. Mes grands-parents sont réfugiés d’Espagne, ils ont quitté plein de choses. L’être humain est très adaptable. Tout va être neuf, je vais rencontrer de nouvelles personnes et ça va être excitant. Et certains proches ont déjà prévu de venir me voir en avril, où j’aurais dix jours de pause.

Allister Madin

Vous avez fait partie de la CEA qui a été plutôt maltraitée suite à l’affaire du sondage. Cela a joué dans votre décision de partir ?

Je ne pars pas à cause de ce qui s’est passé. Il s’agit d’une décision artistique et personnelle, antérieure et amorcée avant la CEA. Chaque départ est différent. Moi, je pars pour élargir mes horizons. Mais ce qui s’est passé ne m’a pas donné de regrets.

 

Quel regard portez-vous sur cette affaire du sondage ?

Avec la CEA, nous voulions juste faire avancer les choses et nous n’avons pas pu porter ce projet jusqu’au bout. Nous sommes dans une grande maison, il y a forcément des problèmes. La question n’est pas de savoir s’il y en a ou pas, mais qu’est-ce qu’on en fait. Une fois que l’on a mis le doigt dessus, on peut avancer. Certain.e.s danseur.e.s m’ont poussé à me présenter pour faire partie de la CEA parce que je n’ai pas peur de dire les choses à la direction. On nous (ndlr : les membres de la CEA) a demandé de les aider, on nous a fait confiance. Mais finalement, quand les choses se sont durcies et compliquées, un certain nombre de danseur.se.s ne nous ont pas soutenus. On se construit avec cette Maison depuis tout petit, cela peut être un discours de protection que je peux comprendre, mais ça a été dur à vivre, surtout quand j’ai senti que mon honnêteté était mise à mal. On me prêtait des intentions qui n’étaient pas les miennes. Je me suis senti très seul. Et j’ai trouvé ça très choquant la façon dont les gens pouvaient se parler. C’est parfois impossible de faire entendre raison et c’est celui qui aboie le plus fort qui l’emporte.

 

Au-delà de la crise, le sondage révélait des problèmes dans la gestion de la compagnie…

Ce qui ressortait beaucoup du sondage était que la politique artistique n’était pas claire. Aurélie Dupont nous a expliqué son projet pour les deux ans à venir. Cette saison, c’est plutôt contemporain, ce sera très classique l’année prochaine. On ne sait ainsi pas à quoi s’en tenir et c’est dur pour le corps. Personnellement, je ne sais pas quel choix vient de la Direction de la danse, de la direction de l’Opéra, du ministère de la Culture… Ce que je vois, c’est que ce n’est pas clair. Je pense qu’il y a un manque de dialogue mais j’ai l’impression que c’est le cas dans pas mal de domaines en France. Comment les choses vont changer et dans combien de temps ? Je n’ai pas le temps d’attendre.

 

Vous, quel regard portez-vous sur la programmation, même si l’on sait qu’une saison ne peut ravir tout le monde ?

La maison de l’Opéra, telle que moi je la rêvais, ce pour quoi je me suis battu, n’est plus celle d’aujourd’hui. En tout cas, personnellement, je n’ai pas envie de me battre pour cette saison et pour ce qui est programmé. Avant, il y avait une programmation classique avec l’alternance de contemporain de façon plus équilibrée. L’avantage des grands ballets classiques, qu’on les aime ou pas, c’est qu’ils proposent plein de petits rôles, des opportunités, même quand on est Quadrille. Cela stimule la compagnie. Peu de chorégraphes contemporains font vraiment appel au groupe, à part Crystal Pite. Comme il y a moins de choses à danser, les Sujets, qui ont souvent le droit à de petits challenges, se retrouvent à faire du corps de ballet et c’est un peu moins porteur. Mais c’était déjà le cas avant Aurélie Dupont. Il y aura plus de classiques la saison prochaine mais la direction a été claire : sur les ballets classiques seront programmées les Étoiles et les jeunes qu’elle a envie de pousser. Si nous, les trentenaires, voulons nous éclater, il faut aller vers le contemporain, ce que j’ai fait, mais l’on n’est pas forcément choisi non plus.

Tout est là à l’Opéra de Paris pour que ça marche

 

 

Vous avez connu trois directions justement. Comment regardez-vous ces différentes évolutions ?

J’ai beaucoup de respect pour Brigitte Lefèvre, j’ai eu de belles opportunités sous sa direction. Puis Benjamin Millepied est arrivé. Il y avait besoin d’un nouveau souffle et il y a eu un vrai changement avec lui. Dans le rapport à la direction aussi, à la hiérarchie, cela a brisé un peu les choses et c’était sain. Avec Aurélie Dupont, nous sommes revenus à un entre-deux pas très clair. Même dans les distributions. Avec Brigitte Lefèvre, il y avait une certaine logique. Selon son grade, son classement au dernier Concours de promotion, son ancienneté, on savait ce sur quoi on pouvait être titulaire. On pouvait aimer ou pas ce système, mais les choses étaient claires. Là, cela ne l’est pas. La hiérarchie est respectée, parfois non, ceux et celles qui sont bien distribuées ne sont pas forcément promues au Concours, ce qui n’est pas normal. Parfois la hiérarchie prend le dessus, parfois le/la chorégraphe, ou l’ancienneté… Ce n’est pas simple et ce n’est pas clair pour nous, pour moi en tout cas ça ne l’est pas.

 

Qu’est-ce qui devrait changer selon vous pour que les choses aillent dans le bon sens ?

Il faudrait déjà définir ce que c’est que d’aller dans “le bon sens”. Tout dépend de ce que l’on attend de cette Maison. Il y a plein de gens qui sont très contents de cette programmation. Tout dépend de sa sensibilité et je suis mal placé pour juger dans l’absolu. Pour moi, la danse classique est mise à mal en France. C’est un patrimoine à conserver et c’est aussi le rôle de l’Opéra de Paris. Le style français est toujours là, il y a plein de talents mais il faut savoir les diriger. Il faut avoir une idée précise de ce que l’on veut faire. Tout est là pour que ça marche, vraiment. Il ne manque pas grand-chose et cela pourrait fonctionner avec Aurélie Dupont. 

Allister Madin

Quels ont été vos grands moments à l’Opéra de Paris ?

Cela a démarré dès l’École de Danse. J’ai travaillé Les Deux Pigeons avec Christiane Vaussard, c’était une femme extraordinaire et ça m’a passionné ! J’ai aussi créé Scaramouche de José Martinez. Une fois surnuméraire, j’étais sur le Coq de La Fille mal gardée de Frederick Ashton. Le répétiteur m’a vu en cours et deux heures après, j’étais remplaçant sur Alain. Les répétitions se sont bien passées et j’ai pu danser le rôle deux fois, avec Svetlana Lunkina en Étoile invitée. Ça a été un grand moment. J’ai beaucoup dansé Alain, à différents stades de ma carrière, je l’ai aimé à chaque fois pour différentes raisons. Benjamin Millepied m’avait aussi choisi alors que j’étais surnuméraire pour Amoveo. Il avait fait une audition, nous étions 40 artistes, il ne connaissait pas mon grade.

Mercutio dans Roméo et Juliette a également été très fort artistiquement, surtout lorsque je l’ai repris pour une deuxième série, mieux préparé. J’ai adoré danser du William Forsythe même si j’en ai peu fait, j’ai eu de belles créations avec Wayne McGregor, j’ai un super souvenir du Chef des gitans dans Don Quichotte. J’ai aussi eu la satisfaction de danser l’Idole dorée et l’Oiseau bleu. Quand j’étais enfant, j’attendais ces morceaux de bravoure avec Éric Quilleré ou Wilfried Romoli, je pouvais aller voir La Belle au bois dormant rien que pour l’Oiseau bleu deBenjamin Pech. C’était l’âge d’or de l’Opéra, ce pour quoi je me suis accroché. Quand j’ai essayé ce costume de l’Oiseau, j’ai réalisé que j’accomplissais un rêve, que je dansais quelque chose que je voulais enfant. Et je me suis dit que les rôles étaient maintenant inversés : peut-être qu’un gamin allait rêver de l’Oiseau bleu en me voyant le danser. Un très gros déclic fut enfin de danser Zaël dans La Source, un gros challenge. J’avais 25 ans, je venais de passer Sujet et je me suis senti super bien. J’ai cru que ma carrière allait vraiment décoller, puis pas vraiment. Cela a été dur de rebondir sans avoir une progression constante. Mais j’ai fait pas mal de choses, même sans avoir le titre d’Étoile.

Au-delà de la Maison, j’ai réalisé que, enfant, mon rêve n’était pas forcément l’Opéra de Paris, mais de danser, sur plein de scènes. Finalement, je reviens à ce que je voulais.

 

Comment voyez-vous votre carrière pour la suite ? 

En France, ma vie était prévue jusqu’à mes 42 ans. Ça ne m’a pas rendu malheureux, mais ça ne m’a pas épanoui plus que ça. Alors je ne projette plus. Chacun a plein de cordes à son arc. Pour ma part, je peux aussi donner des cours, j’aime beaucoup l’enseignement et coacher des gens. Je fais confiance à la vie et je vais voir ce qui arrive. 

 

Que vous souhaiter pour 2019 ?

De belles surprises, de vie et de danse !




 

Commentaires (3)

  • Motet

    On lui souhaite bonne chance

    Répondre
  • Léa

    Wahou, super interview. Qui donne un peu d’espoir pour la saison prochaine, et beaucoup moins pour le classique. Il va nous manquer, il va manquer à la danse française, mais j’espère qu’à plus long terme il reviendra pour faire vivre, autrement, ce répertoire classique auquel il est attaché (enfin un !!! Ca fait tellement plaisir), comme nous.

    Répondre
  • Elisabeth

    Terrible constat pour la danse classique en France.

    Répondre

Poster un commentaire