TOP

Rencontre avec Marie Chouinard, invitée à la Biennale de danse du Val-de-Marne

Avec trois pièces dont la première en France de sa dernière création Le Jardin des délices et une conférence dansée, la chorégraphe québécoise Marie Chouinard est un peu l’invitée d’honneur de la 19e Biennale de danse du Val-de-Marne qui se déroule jusqu’au 1er avril. Le printemps de cette chorégraphe s’annonce dense : elle crée aussi une pièce pour les Ballets de Monte-Carlo, présentée du 27 au 30 avril. Nommée directrice de la danse à la Biennale de Venise de 2017 à 2020, elle proposera son premier programme destiné aux chorégraphes.

Programmée en ouverture de la Biennale du Val-de-Marne, votre compagnie dansera quatre dates plus une conférence dansée dans différents lieux du Val-de-Marne. Comment abordez-vous cette manifestation ?

C’est toujours un plaisir d’être invités à présenter plusieurs pièces sur plusieurs jours, de pouvoir s’installer quelque part. C’est toujours un privilège de pouvoir danser devant des publics différents, de pratiquer son métier, d’offrir ce que nous avons à offrir. La programmation mêle ma dernière création, Le Jardin des délices et des pièces plus anciennes comme Le Sacre du printemps et Prélude à l’après-midi d’un faune.

 

Comment est venue l’idée de travailler sur l’œuvre du peintre Jérôme Bosch ?

À l’occasion du 500e anniversaire de sa mort, la Jheronimus Bosch Foundation m’a conviée à créer une pièce autour de son œuvre. L’idée m’a séduite d’emblée. J’ai choisi d’orienter mon travail autour du triptyque Le Jardin des délices. J’ai découvert cette toile à l’adolescence. Les trois tableaux qui la composent proposent des univers très différents. Je n’ai eu qu’à créer une mise en scène en trois actes. C’est comme si le peintre m’avait proposé une structure. Les trois volets m’ont inspirée de la même manière. Je suis allée chercher l’humain. Je n’ai pas cherché à récréer ses personnages. Je m’en suis inspiré pour des positions de corps, des gestes. J’ai une gratitude pour Bosch, un homme d’une très grande intelligence, d’une très grande compassion. J’aime son amour pour l’humanité, son humour. Je me suis découvert une sorte d’amitié pour lui à travers les siècles ! Dans le dernier tableau l’Enfer, il s’est représenté avec un petit sourire regardant les monde et c’est comme continuait de nous regarder.

 

Le Sacre du printemps, qui tourne beaucoup, est aussi donné lors de cette Biennale de danse du Val-de-Marne. Comment expliquez-vous que certaines créations traversent le temps sans perdre de leur force ?

Ma compagnie a plusieurs pièces à son répertoire qui tournent depuis longtemps. Le Sacre du printemps remonte à 1994. Elle n’a pas changé depuis sa création. C’est la même œuvre, dansée par d’autres interprètes. Cela tient sans doute à la force de la partition musicale, bien sûr et de la partition chorégraphique, aux danseurs de la compagnie. Je crée en dehors des modes. Ma source a toujours été la pulsion vitale du corps. C’est ce qui fait sans doute que les pièces traversent les époques.

D’aucun.e.s auraient pu redouter de se frotter à la matière de ce tableau ?

Moi, je n’ai pas peur. Je suis du côté de l’enthousiasme, de l’aventure, de la curiosité, de l’aspect ludique des choses. Cela n’empêche pas que je touche parfois des zones très noires, mais j’approche toujours la création avec la joie.

 

Vous demandez beaucoup à vos danseur.se.s. Comment qualifieriez-vous l’implication que votre travail nécessite ?

Un investissement total de tout leur être. Nous travaillons beaucoup l’interprétation. C’est par le travail, l’écoute, le silence que nous parvenons à atteindre des états différents.

 

Parlez-nous de cette conférence dansée. Qu’est-ce qui fait la singularité de cette proposition ?

J’ai monté quelque chose avec quatre danseur.se.s de ma compagnie en studio. C’est l’occasion pour le public de mieux connaître les interprètes, de se confronter à eux différemment. J’ai choisi de partir de leurs souvenirs des moments charnières de leur vie, qui se réactualisent sous nos yeux, reprenant présence et espace.

 

Vous venez de terminer aussi une pièce pour les ballets de Monte-Carlo que vous connaissez déjà pour leur avoir transmis votre pièce emblématique bODY_rEMIX. Comment abordez-vous cette nouvelle création ?

Je suis très heureuse du travail accompli avec 16 danseur.se.s. Lors de la première journée de travail, en novembre, on m’a laissé la liberté de choisir parmi les 49 artistes de la compagnie ceux et celles avec lesquels je souhaitais travailler. J’ai choisi des danseur.se.s qui pouvaient répondre à ce que je demande. La pièce tournera autour de mes sources d’inspiration : le corps dans l’espace, dans le temps, dans l’écoute de l’autre.

De 2017 à 2020, vous assumez les fonctions de directrice de la danse à la biennale de Venise. C’est excitant comme proposition ?

Bien sûr !  J’ai créé un nouveau programme pour les chorégraphes. De jeunes chorégraphes seront sélectionnés et accueillis à Venise pour préparer des création originales. J’aborde cette mission avec le cœur et l’intelligence. C’est ce qui m’a toujours guidée.

 

Votre première pièce remonte à 1978. Où puisez-vous la source de votre inspiration ? Comment vous régénérez-vous ?

Quarante de créations et la source n’est pas tarie. Au contraire ! J’ai plus de force de travail, d’énergie. Mon aptitude à être dans l’action est plus grande. Ce qui me prépare le mieux à une nouvelle pièce ce sont le silence, la solitude, le vide. Etre seule dans un studio demeure une source inépuisable de création. Laisser tout retomber, au fond et laisser ressurgir l’élan créatif.

 

Le Jardin des délices le 2 mars au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Prélude à l’après-midi d’un faune et Le Sacre du printemps le 4 mars au Théâtre Paul Éluard de Bezons et le 10 mars au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, Conférence dansée n°2 le 7 mars à la Briqueterie de Vitry-sur-Seine.

 

Poster un commentaire