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Célestin Boutin : “Le plus important au Prix de Lausanne, ce n’est pas la finale”

Après Johanna Raynaud, place au récit du Prix de Lausanne 2012 de Célestin Boutin. Plus que la finale, le jeune candidat de 16 ans cherchait surtout l’expérience de la scène, et voir comment travaillaient d’autres danseurs.

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Quelques jours après la fin du Prix de Lausanne, dans quel état d’esprit es-tu ?

Super bien ! C’était un peu dur de quitter tout ce monde, tous les gens qu’on a rencontré là-bas, tout d‘un coup… Mais c’était vraiment une belle expérience, et j’ai été très bien accueilli par mon école quand je suis rentré !

Comment es-tu devenu élève à  l’Ecole de Danse de Cannes Rosella Hightower ?

Je viens du Nord-Pas-de-Calais. Petit, j’ai fait une petit école amateur où je prenais un cour par semaine. Puis je suis allé prendre des cours à Paris. Mais c’était compliqué. Tous les samedis, je devais faire deux heures de voiture aller puis retour pour y aller. J’ai donc décidé de partir pour l’école de Cannes.

Ce n’est pas trop dur de partir à l’autre bout de la France si jeune ?

Au début, je suis parti à l’âge de 13-14 ans, c’était un peu dur. J’étais vraiment très proche de mes parents, et je ne retourne chez moi que lors des vacances scolaires. Ça m’a fait un petit choc ! Je m’y suis habitué après, on se parle souvent au téléphone, et il y a quand même les vacances.

L’Ecole Rosella Hightower présent régulièrement des candidat-e-s à Cannes. Il s’agit de la volonté des élèves ou du choix des professeurs ?

Un peu des deux. Pour ma part, c’est ma directrice Paola Cantalupo qui est venue me voir. Elle m’a demandé si ça m’intéressait de tenter le Prix de Lausanne. Ça a été une grande surprise. Moi ? Lausanne ?

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Tu n’y avais jamais pensé ?

Je n’avais jamais vraiment pensé à me présenter, ça ne m’était pas venu à l’esprit. J’ai fait quelques concours quand j’étais très jeune, je ne me rappelais plus du tout de l’ambiance, de la scène…

La compétition, c’est quelque chose qui te booste ?

J’aime bien la compétition, mais la bonne compétition, pas celle où on va critiquer les gens. Quand je n’ai pas vu mon nom au tableau des finalistes, j’étais un peu déçu, mais j’étais surtout très content pour les autres. Je suis allé féliciter tout le monde, c’était vraiment super pour eux.

Tout le monde est dans le même état d’esprit à Lausanne ? 

Ça je ne sais pas, bonne question ! (il rit).

Quel était ton objectif en partant pour Lausanne ?

Le plus important, ce n’est pas vraiment la finale. Ce n’était pas spécialement mon but, un petit peu bien sûr, mais ce n’était pas la chose la plus importante. Ce qui m’importait le plus, c’était de danser devant du monde. Après, avoir un prix ou pas… C’était surtout pour voir ce qui se passait autre part, pour explorer.

Comment as-tu choisi ta variation classique, l’extrait de La Fille mal gardée ?

Mon professeur James Urbain m’a dit de choisir la variation que je préférais. Il ne voulait pas m’imposer une chorégraphie, il voulait que je me sente bien dedans. J’ai regardé les variations sur Youtube, j’en ai parlé, puis on s‘est mis d’accord sur La Fille mal gardée. Napoli aussi était pas mal, mais j’avais envie d’un truc avec un petit peu de tout. Il y a des chorégraphies où c’est un peu toujours la même chose.

Qu’est-ce qui t’a plu dans cette variation ? 

C’est très festif, la musique porte bien, c’est assez drôle comme ballet.

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Et pour la variation contemporaine, Outsight ?

C’était celle qui me correspondait le plus. Je ne voulais pas de quelque chose de trop facile, je n’aime pas la facilité. C’était un peu un défi. J’en ai vu des un petit peu plus faciles, mais j’avais vraiment envie de faire cette chorégraphie, c’est celle-là qui me plaisait. Ma professeure Stéphane Fléchet m’a beaucoup aidé.

Il y a avait beaucoup d’acrobaties au niveau des équilibres, il fallait bien connaître son centre. Ce genre de travail était assez intéressant. On travaillait beaucoup au niveau des cercles… La chorégraphe avait fait quelque chose en lien avec  la rotation des planètes, elle voulait ce genre de travail.

Comment t’es-tu préparé au Prix de Lausanne ?

J’avais une répétition tous les jours avec mes professeurs, ½ heure, 45 minutes, parfois une heure pour chaque variation.

Tu es parti avec beaucoup de pression ?

Je suis quelqu’un d’assez stressé. Alors je me suis dit : “Célestin, il faut que tu le prennes bien. De toute façon, que tu gagnes ou que tu perdes, cela sera la même chose”. C’est juste une phase. Ce concours est une opportunité que tout le monde n’a pas. J’y suis allé très décontracté, je ne voulais pas avoir de souci au niveau du stress.

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Quels ont été tes premières impressions le premier jour du Prix de Lausanne ?

Déjà, on arrivait en Suisse, il faisait super froid, ça change de Cannes ! (rires). On est rentré par l’entrée des artistes, on est passé par plein d’escaliers, des petits couloirs…Puis on nous a proposé d’aller dans la salle qui était en pente pour répéter. J’y  suis rentré… et là j’ai vu pleins de monde, qui dansaient, qui faisaient des pirouettes… J’avais le sourire !! Mais c’est super cet endroit !!

Le niveau ne t’a pas fait peur ?

Tout le monde a ses qualités et ses défauts. Même si je voyais des garçons faire 30 pirouettes, je savais ce que j’avais à faire. Pour moi, j’avais complètement ma place, et eux aussi.

Comment était l’ambiance entre les candidat-e-s ? Des amitiés ont le temps de se créer ?

Il y a eu des amitiés. C’était un peu compliqué, je ne parle pas très bien anglais, mais on est arrivé à se comprendre. On se reparle sur Facebook maintenant. On sait bien que plus tard, on se retrouvera quelque part. On ne sait pas quand mais on se reverra, c’est sûr.

Johanna Raynaud nous a raconté que votre école lui avait demandé de “prendre soin de toi”, parce que tu étais le plus jeune…

(Il rit) Johanna était super avec moi. On a bien rigolé aussi ! Ce n’était pas forcément que du travail tout le temps. Je n’ai pas eu la chance de connaitre tout le monde, mais ceux que j’ai pu rencontrer étaient super sympa.

Comment se sont passés les cours devant le jury ?

Beaucoup de monde étaient stressés pendant le cours. Pour ma part, je me suis imaginé que c’était un cours normal, qu’il n’y avait pas le jury. Ils savaient nous mettre en confiance.

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Et le coaching avec Patrick Armand ?

Le coaching était très court. Tout allait à peu près, c’est surtout la pente qui était dure. Je n’avais jamais travaillé dessus. Plus précisément, Patrick Armand m’a donné quelques conseils au niveau des bras, que je mettais trop en arrière.

Tu as l’habitude de la scène ?

Pas vraiment. J’y vais une fois par an depuis trois ans, jamais tout seule. C’est la première fois que je danse en tant que soliste. Le studio et la scène, ce n’est pas du tout la même chose. La scène, devant nous, c’est noir. On ne peut pas prendre de point, c’est dur pour les pirouettes.

Comment se sont passées les demi-finales ?

Il y avait un peu de stress pour la variation classique. On joue notre place pour la finale ! Quand j’étais sur scène, je me suis senti bien, mais j’ai senti que je pouvais faire mieux. J’aurais pu donner encore plus.

La variation contemporaine s’est bien passée, même si j’ai raté quelques moments. J’étais assez fier de moi. Je n’avais aucune idée des résultats. Je m’étais dit qu’il ne fallait pas que je me mette dans la tête que j’allais gagner, que j’avais mes chances, mais il n’y avait que 20 places pour 69 personnes.

Il n’y a pas eu de déception au moment des résultats ?

La déception a été tout de suite oubliée. Moi même quand j’ai regardé le tableau, j’ai dit : “Bon, ça ne fait rien”. Ce serait mentir de dire que je n’étais pas déçu. Mais ce n’est qu’un concours, je ne joue pas complètement ma carrière de danseur.

Qu’est-ce qui t’a manqué pour parvenir à la finale ?

Je ne sais pas très bien… José Martinez m’a dit que je voulais trop bien faire. C’est un peu compliqué, je n’ai pas encore assimilé toutes ses remarques. Dans le jury, ils m’ont dit des choses très différentes. Que j’étais trop expressif, qu’il fallait que je reste comme je suis… Je ne savais plus trop quoi penser. C’est encore difficile de faire le tri dans tout ça.

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Le matin de la finale a eu lieu le Networking Forum, avec de nombreux directeurs et directrices d’écoles et de compagnies. Tu as eu des propositions ?

J’ai eu quelques propositions, de la Palucca Schule de Dresde et de la Swedish Ballet School. Je ne sais pas du tout si je vais y aller. Je crois que j’aimerais bien continuer encore une année dans mon école, que je peux encore y acquérir des choses. Et après, aller voir ailleurs. Partir d’une école comme Cannes, il faut y réfléchir à deux fois. Mais pour l‘instant, rien n’est sûr.

Que t’aura apporté le Prix de Lausanne ?

J’ai appris à gérer mon stress. J’ai aussi beaucoup regardé les autres, comment ils tournaient, sautaient, atterrissaient. On apprend beaucoup des autres en regardant. J’aurai même préféré que cela dure plus longtemps.

L’expérience du Prix de Lausanne t’a-t-il donné envie de faire d’autres concours ?

Ce concours m’a beaucoup plus, pourquoi ne pas tenter de le refaire l’année prochaine… Mais je n’ai pas vraiment envie d’en faire plein. J’aime bien passer sur scène, mais pour moi, un concours est plus pour montrer que pour faire ressentir.

Quels conseil donnerais-tu à ceux et celles qui voudraient tenter le Prix de Lausanne ?

D’y aller serein, de donner tout ce qu’on a tous les jours. Et de prendre un maximum.

Commentaires (3)

  • petitvoile

    Ca fait toujours plaisir d’entendre causer des danseurs !

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  • Merci pour cet entretien. C’est toujours intéressant de découvrir tous ces jeunes talents.

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  • clara

    Bravo tu as très bien dansé à lausanne j’ai regardé tous les jours, félicitations tu as beaucoup de chance de réussir dans la danse. Bon courage pour la suite. =D>

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