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Cinq questions à Giorgio Mancini, pour sa création Tristan und Isolde avec Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Danseur chez Maurice Béjart ou au Ballet du Grand Théâtre de Genève, directeur de cette même troupe puis de la compagnie MaggioDanza à Florence jusqu’en 2007, Giorgio Mancini est désormais chorégraphe. Sa  prochaine création, Tristan und Isolde, sera dansée par Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio, les Étoiles du Ballet de l’Opéra de Paris. Rencontre à quelques jours des premières représentations, qui auront lieu les 28, 30 décembre et 4 janvier à l’Opéra de Florence en Italie.

Tristan und Isolde - Dorothée Gilbert et Mathieu-Ganio

Tristan und Isolde – Dorothée Gilbert et Mathieu-Ganio

 

Vous créez ce duo Tristan und Isolde pour les 150 ans de ce même opéra de Wagner. D’où vous vient cette passion pour ce compositeur ?

Tristan und Isolde est mon opéra préféré, même si je suis italien (rires). J’ai toujours beaucoup écouté Wagner, dès mon enfance. Mon père était un grand amateur de ce compositeur, de musique classique en général. Le dimanche matin, je me réveillais avec La Walkyrie, Parsifal… Puis, en tant que danseur, j’ai beaucoup travaillé avec Maurice Béjart qui était aussi un grand admirateur de Wagner. Il a beaucoup utilisé cette musique dans ses chorégraphies. Dionysos est l’un de ses premiers ballets que j’ai dansés, Le Ring fut l’un des derniers.

Je suis ensuite parti au Grand Théâtre de Genève, où j’ai vu tous les grands opéras de Wagner. C’est là que, petit à petit, je me suis rendu compte que j’adorais cette musique. Quant à Tristan und Isolde, en l’écoutant et le réécoutant, il est devenu mon opéra favori. J’ai l’impression que je n’arriverais jamais au bout de cette œuvre, que j’y découvrirais toujours quelque chose.

 

Comment se présente ce ballet Tristan und Isolde ? Quel est votre style chorégraphique ?

J’avais fait une étude chorégraphique en 2011 sur Tristan und Isolde, un petit duo de quelques minutes sur la mort d’Isolde, qui résumait leur histoire. J’ai eu envie d’en faire quelque chose de plus long. Le ballet fait maintenant 42 minutes, entrecoupé de deux courtes vidéos faites par James Bort. Le ballet est un long duo, avec juste un petit solo pour chacun vers la fin.

Musicalement, j’ai pris le prélude du premier acte qui est le thème de la rencontre. Puis l’air de Brangäne lorsqu’elle change le filtre de la mort avec celui de l’amour. Ensuite le duo du deuxième acte de la nuit d’amour, puis le prélude du troisième acte, où il y a déjà le thème de la mort. Enfin la mort d’Isolde, le final. Pour le deuxième acte, j’ai trouvé une transcription uniquement pour orchestre, il n’y a de la voix seulement à la fin.

Chorégraphiquement, l’effort physique ne m’intéresse pas forcément. Il y a une virtuosité dans ma chorégraphie, mais elle reste douce. Je pense que, si je dois donner une définition de ce que je fais aujourd’hui, ce serait de lier la technique classique au lyrisme de Jiří Kylián. J’aime les lignes, les arabesques, mais il faut que ça bouge, que ce soit libéré. Il y a ainsi du relâchement du haut de la tête et des épaules. J’ai dit aux danseur-se-s que je voulais un mouvement qui semble insaisissable. Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio l’ont très bien compris. Faire simple, c’est le plus difficile. Pour ça, il faut de grand-e-s danseur-se-s qui ont complètement intégré la technique classique pour s’en libérer.

Tristan und Isolde - Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio et Giorgio Mancini en répétition

Tristan und Isolde – Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio et Giorgio Mancini en répétition

Pourquoi avoir choisi Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio ?

Pour faire un ballet de 45 minutes, il me fallait des interprètes d’un certain poids artistique et technique, des danseurs et danseuses qui peuvent tenir à deux toute une soirée. C’est comme ça que j’ai pensé à Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio.

Je les ai connus en 2004. Brigitte Lefèvre m’avait demandé de faire partie du jury du Concours de promotion, je dirigeais alors le Ballet de Florence. Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio sont passés Sujet tous les deux. Ils ont su me communiquer leur façon d’être, ils me sont restés dans la tête, j’ai suivi leur carrière. Dorothée Gilbert est une femme avec beaucoup de caractère, d’une très grande élégance. Mathieu Ganio est un danseur d’une grande sensibilité et très honnête, il est Tristan. Ce sont des personnes qui correspondent beaucoup à ce que j’aime.

 

Comment s’intègrent les vidéos au ballet ?

Dès la construction de la pièce, je savais que j’aurais besoin de la vidéo. En rencontrant James Bort, en découvrant son travail et sa sensibilité, j’ai eu envie de travailler avec lui. On s’est très bien entendu, il a compris exactement l’esprit que je voulais. Il est venu suivre les répétitions, il a pu saisir ce que je voulais dire. C’était un grand privilège. Il a aussi fait des photos magnifiques.

Pour ces deux vidéos, il s’agit surtout de mettre comme un loupe sur un geste particulier, que le public ne peut pas forcément voir d’où il est. On ne voit ainsi pas vraiment le couple danser. On voit surtout leurs mains. James Bort a fait un très beau travail sur la peau, les doigts, Il a voulu donner presque un côté sculptural.

Tristan und Isolde - Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio en répétition

Tristan und Isolde – Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio en répétition

Comment s’est passé le travail de création ? Où va ensuite être donné le ballet ?

La première de Tristan und Isolde devait se faire à Venise, durant l’été 2015. Nous nous étions donc donnés toute la saison avec Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio pour faire des séances de création. Et puis Florence a voulu la première mondiale le 28 décembre… J’ai construit la pièce sur les danseur-se-s, en une semaine. Je dois dire merci à l’Opéra de Paris, Brigitte Lefèvre puis Benjamin Millepied, de nous avoir permis de faire ça.

Pendant les temps de création, je sais ce que je fais. Dans ma tête, tout est très construit. Je ne sais pas les pas, mais je sais ce que je veux dire. Musicalement, j’étais très préparé. J’ai construit tout ça très vite. Puis je suis revenu pour changer des choses. Nous avons encore des séances de travail à Florence. On ne finit jamais de travailler, chaque création évolue avec les interprètes et les spectacles.

Nous avons trois dates à Florence, les 28 et 30 décembre (ainsi que le 4 janvier, avec Jérémy-Loup Quer à la place de Mathieu Ganio). La soirée sera complétée par l’acte II de Giselle, que j’ai créé juste avant Tristan und Isolde. Nous donnerons ensuite ce duo à Venise, en juillet. Nous aimerions beaucoup le donner pendant les festivals d’été, en France, en Suisse ou en Italie.

Tristan und Isolde - Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio en répétition

Tristan und Isolde – Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio en répétition

 

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