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Garegin Pogossian raconte son Prix de Lausanne

Garegin Pogossian était le seul danseur français à participer au Prix de Lausanne 2014. Cet étudiant au CNSM de Lyon s’est non seulement hissé jusqu’en finale, mais a aussi décroché l’une des six bourses d’étude. Rencontre quelques jours après la compétition, où il revient sur cette semaine si particulière, ce qu’il en a appris et ce qu’il espère pour la suite.

Garegin Pogossian - Finale du Prix de Lausanne (variation contemporaine)

Garegin Pogossian – Finale du Prix de Lausanne (variation contemporaine)

Après quelques jours de recul, quelle est ton impression sur cette semaine à Lausanne ?

Ça a été une magnifique expérience, il y avait un niveau incroyable. J’ai encore beaucoup de chemin à faire, mais c’est ce qui me rend heureux. On apprend beaucoup sur le coup, mais aussi pour la suite.

 

Peu d’élèves du CNSM de Lyon se présentent au Prix de Lausanne. Comment as-tu eu l’idée de t’y préparer ?

Je connais le Prix de Lausanne depuis quatre-cinq ans. Ma mère, qui est professeure de danse de caractère, m’avait conseillé de le passer, mais je ne pensais pas avoir le niveau. J’ai finalement tenté. Mes professeurs du CNSM de Lyon m’ont tout de suite soutenu, ils m’ont fait répéter, ils ont organisé un emploi du temps pour moi. Un mois et demi avant le Prix, je travaillais mes variations tous les jours avec beaucoup de travail personnel pendant les cours.

 

Comment as-tu choisi tes deux variations ?

J’ai pris la variation de Basilio (Don Quichotte) pour la classique parce qu’on peut s’amuser avec. Elle est festive, on peut prendre plaisir à l’interpréter, on peut se lâcher, ce qui est très important dans la danse.  C’est une variation assez dure mais bien pour un concours. Pour la variation contemporaine,  j’ai choisi Plan to B, une variation difficile et assez rapide, mais je voulais un challenge.

Garegin Pogossian - Finale du Prix de Lausanne (variation classique)

Garegin Pogossian – Finale du Prix de Lausanne (variation classique)

Les candidats et candidates évoquent souvent la bonne ambiance qui règne au Prix de Lausanne. Tu confirmes ?

Tout à fait ! Personne ne se regarde de travers, tout le monde sympathise. C’est ce qui rend ce Prix encore plus génial.

 

La finale était-elle un but pour toi ou cherchais-tu surtout à te faire remarquer ?

La finale était un vrai objectif, comme pour tous les candidat-e-s. C’est vrai que l’on peut avoir des opportunités sans aller jusque-là… Mais quand même, être en finale, c’est être dans les vingt premiers. Tout le monde veut être le meilleur, tout le monde veut aller en finale, mais si on garde tous notre humilité. On est forcément déçu de ne pas en être. J’étais très heureux d’avoir été sélectionné.

 

Quels conseils t’a donné Patrick Armand, durant les cours de danse classique et le coaching des variations ?

Il m’a donné des corrections techniques comme pour tout le monde. Mais ce qui m’a marqué, c’est sa remarque sur le fait de savoir passer les choses de façon relaxée, avec facilité, tout en gardant la qualité et la propreté.

 

Entre les cours notés par le jury et les sélections en scène, quel a été pour toi le moment le plus stressant ?

C’est juste avant d’avoir les résultats pour la finale ! J’ai eu en fait un coup au moral juste après avoir passé ma variation classique pendant la demi-finale. J’ai compris que ce qui allait faire la différence, c’était l’expérience scénique. Et c’est ce qui me manquait le plus, Lausanne était mon premier grand concours de danse classique. Je voyais les autres candidats qui avaient pu travailler sur une scène en pente alors que ça m’était totalement inconnu, ceux qui font six concours par an, ceux qui passaient leur variation depuis qu’ils avaient 14 ans… J’étais impressionné par ça. Je me suis dit que j’avais encore beaucoup de chemin à faire. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui me manquait juste après être passé sur scène. Ça m’a un peu affaibli psychologiquement.

Garegin Pogossian  Prix de Lausanne 2014

Garegin Pogossian Prix de Lausanne 2014

Comment as-tu abordé la finale après ça ?

J’étais calme, je ne stressais pas du tout, j’allais faire de mon mieux. Mais je savais que c’était l’expérience scénique qui allait faire la différence, savoir sentir la scène, danser sur une pente. Je savais qu’il y avait quelque chose qui me manquait. J’étais mentalement troublé.

 

Comment s’est passée cette finale pour toi ?

J’étais très énervé et très en colère contre moi après la variation classique que j’ai vraiment ratée. Je n’étais pas prêt. Pendant ma variation, juste avant de me lancer dans une difficulté technique, j’avais 6.000 pensées qui m’arrivaient en 10 secondes. Si chaque fois on se demande si ça va réussir, ça ne peut pas fonctionner. C’est quelque chose à laquelle il ne faut pas vraiment penser, il faut juste sentir son corps et y aller. Et ça, quand on n’a pas l’expérience de la scène, c’est difficile. J’en ai parlé avec certains membres du jury après, qui m’ont confirmé cette impression.

Garegin Pogossian - Finale du Prix de Lausanne (variation classique)

Garegin Pogossian – Finale du Prix de Lausanne (variation classique)

Comment t’es-tu relancé ensuite pour passer ta variation contemporaine ?

Voir un autre candidat très bien danser la même variation de Don Quichotte, l’entendre se faire beaucoup applaudir par le public, ça met une certaine pression. À la fin de la variation classique, j’étais très énervé contre moi. Mais je me suis dit qu’il fallait y aller, que c’était déjà très beau d’être arrivé en finale. Quoi qu’il arrive, c’était une super aventure. Certes, j’avais toujours mal quelque part d’avoir raté ma variation classique, mais je n’avais pas le choix, il fallait que j’y aille.

 

Tu semblais en tout cas plus à l’aise dans ta variation contemporaine…

Il y a moins de risques de ratés dans la variation contemporaine que la variation classique. Donc il y a moins de pression physique, on est plus à l’aise. Mais même ma variation contemporaine, je l’ai moins bien dansée que d’habitude.

 

Dans ces conditions, tu ne devais pas t’attendre à une bourse. Qu’as-tu ressenti lorsque tu as entendu ton nom ?

Je ne m’attendais à rien du tout, ma finale avait été une catastrophe. Je n’avais pas réussi à faire ce que je faisais en répétition. Et quand j’ai entendu mon nom pour la cinquième bourse… Whaou, c’est magique, surtout quand on ne s’y attend pas ! Ce sont des mois de travail récompensés. On a tout à coup beaucoup plus confiance en soi, on se dit qu’on a un potentiel, qu’on peut être danseur. On est parmi les six meilleurs candidats d’un grand prix prestigieux. C’est incroyable.

Garegin Pogossian - Finale du Prix de Lausanne (remise des prix)

Garegin Pogossian – Finale du Prix de Lausanne (remise des prix)

Comment expliques-tu ta récompense alors que tu n’as pas dansé comme tu le voulais ?

J’ai eu la chance que le jury ait pu m’observer pendant la semaine. Ils ont vu que j’avais de la niaque, ils m’ont vu passer cette variation d’une bien meilleure façon, et que ce qui s’était passé en finale était un raté parmi tant d’autres.

 

En quoi consiste cette bourse ?

Elle me finance dix mois d’étude dans une compagnie ou école de mon choix. Deux écoles m’ont fait des propositions : la Royal Ballet School et l’école de l’ABT. La première est l’une des écoles que je visais, mais j’aimerais aussi beaucoup aller aux États-Unis. Il faut prendre en compte d’autres critères comme le logement, la vie sur place… Je vais passer quelques jours à la Royal Ballet School en février, j’ai quelques semaines avant de me décider. C’est en tout cas vraiment motivant d’entendre des gens vous complimenter, vous dire que vous  pouvez aller loin. La niaque est encore plus forte pour y arriver et atteindre son objectif.

Lauréats et finaliste du Prix de Lausanne 2014

Lauréats et finaliste du Prix de Lausanne 2014

 

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