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José Martinez : ” J’avais envie d’avoir des émotions fortes pour mon dernier spectacle”

José Martinez va faire ses adieux à l’Opéra de Paris le 15 juillet prochain. Il dansera, pour une seule et unique fois, le rôle de Baptiste dans Les Enfants du Paradis, ballet qu’il a chorégraphié. Il partira ensuite diriger la Compagnie nationale de danse en Espagne.

L’Opéra de Paris a récemment organisé une rencontre entre le public et José Martinez, menée par Brigitte Lefèvre. Il est revenu surtout sur ce ballet et sa construction, et un peu sur son futur. Compte-rendu.

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Quel a été le gros du travail pour cette reprise ?

José Martinez : Ça a été le travail d’analyse de ce qui avait été fait la dernière fois, et voir comment améliorer, comment faire évoluer la chose.

Vous avez fait quelques changements ?

José Martinez : Quelques uns. A la fin du premier acte, dans la loge de Garance, il y avait un problème de rythme, de vitesse. Dans le film, les personnages arrivent et se succèdent. J’avais essayé de le faire. Mais ce n’était pas tout à fait réussi par rapport au rythme de la chorégraphie que j’avais faite, ça tardait. Il y avait une question d’urgence qu’on ne retrouvait pas.

Vous avez touchés aux nombreux passages de pantomime ?

José Martinez : On les a un peu modifiés. On était resté très fidèle au film. Puis on s’était rendu compte de la distance avec la salle  On a parfois simplifié un peu la pantomime dans le rythme, pour que cela soit plus lisible.

Au final, Claude de Vulpian a dit en voyant la générale que les personnages étaient mieux définis, parce qu’ils étaient plus eux-mêmes. Ce n’était pas un ballet, c’était un spectacle où ça dansait.

A quoi cela est dû à votre avis ?

José Martinez : C’est peut-être aussi avec ma direction d’acteur, en étant très attentif… Les danseur-se-s, qui l’ont dansé il y a trois ans, proposent aussi des choses différentes. C’est un tout, c’est vivant et chaque spectacle est différent.

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Vous allez prendre la direction d’une compagnie en septembre. En quoi le travail sur Les Enfants du Paradis va vous aider sur ce nouveaux projet ?

José Martinez : Ce ballet, ça a été une très grande expérience par rapport à la création. Tout le travail dans le studio, tout ce travail en parallèle, par rapport aux décors, les costumes, comment tout ça se construit… Ça a été une expérience puissante. Maintenant, le fait de réfléchir à comment je vais mettre en place mon travail à Madrid la saison prochaine, et le travail avec les danseur-se-s, c’est vrai que certaines choses sont enregistrées pour la suite.

L’une des spécificité des Enfants du Paradis, c’est que certaines scènes se déroulent hors du plateau. Comment se sont-elles organisées ?

José Martinez : L’idée m’est venue en voyant le film, où beaucoup de scènes se passent dans les parties communes d’un théâtre. Il aurait fallut construire un décor qui ressembleraient à ces endroits. A l’Opéra, on a déjà les loges, le grand escalier… Donc on a décidé de se servir de ces vrais décors. En faisant intervenir les danseur-se-s dans les parties publiques, on avait ainsi quelque chose qui est aussi dans le film.

Il y a par exemple Othello dans le grand escalier.

José Martinez : L’idée, c’était que le public qui vient voir un ballet se retrouve à la place du public et des badauds qui, dans le film, viennent voir le spectacle. En quelque sorte, j’ai 1.500 figurant-e-s chaque soir. Le ballet vient les emmener avec nous. Le public ne nous voit ainsi pas uniquement de face. On enlève la frontière qui existe entre la scène et la salle, comme dans le film.

Comment avoir eu l’idée de placer cette scène à cet endroit ?

José Martinez : En regardant le grand escalier, j’ai vu autrement les balcons. Ça fait comme un théâtre… On avait d’un coup une nouvelle scène, un nouveau théâtre à disposition. On s’était filmé dans les escaliers pendant les répétitions. En regardant ce duo d’en haut, l’équivalent du Paradis, c’était le meilleur endroit pour le regarder. Ce ballet a été fait pour les gens du Paradis. Ça permet de voir les danseur-se-s de près, et de participer au spectacle autrement.

Le ballet va être donné au Japon en 2013.  Comment allez-vous faire pour cette scène ?

José Martinez : On va devoir trouver une alternative. Maintenant, on sait très bien comment ça va se passer. Mais à la création, ça a été fait en très peu de temps. Je pense que ça sera facile de l’adapter à d’autres lieux. Maintenant, c’est vrai que pour ce pas de deux, s’il n’y a pas de grand escalier, il va falloir trouver autre chose, un lieu plat. Mais je ne pense pas qu’il faille le faire sur scène. Il faut que ça reste dans le théâtre, dans un lieu qui permet un rassemblement.

Il y a également la scène finale, où Garance part dans la fosse d’orchestre.

José Martinez : Elle était assez compliquée à réaliser. Elle a demandé aux musicien-ne-s d’être placé-e-s autrement. Le premier violon doit être décalé par rapport au chef. Ils font l’effort de le faire, mais ça n’a pas été facile à mettre en place.

Autre passage particulier, Robert Macaire, véritable parenthèse dans le ballet. Pourquoi avoir coupé le spectacle de cette façon ? 

José Martinez : Dans le film, entre la première partie et la deuxième, six ans se sont passés. Je voulais que les spectateurs, après avoir participé au spectacle avec Othello, se retrouvent à assister à un spectacle. Vu qu’on venait de quitter le grand escalier, on pouvait se retrouver à l’Opéra. Du coup, j’ai fait une chorégraphie classique.

C’est un moment particulièrement virtuose, le seul des Enfants du Paradis.

José Martinez : Fréderick Lemaître montre sa virtuosité. Dans le film, c’est en tant qu’acteur. J’ai créé pour le personnage une chorégraphie complexe et difficile pour le mettre en valeur, et impressionner le public. 

C’est aussi une ruse que j’ai utilisé  par rapport aux danseur-se-s, auxquels j’ai demandé beaucoup d’efforts dans tout le reste. Ils font beaucoup de choses qu’ils n’ont pas l’habitude de faire. Je leur ai demandé d’être très disponibles tout au long des répétitions. Il y a un jongleur, ils sont là à jouer sur des bancs, des choses assez périlleuses. J’avais aussi envie qu’on les voit danser dans ce qu’ils savent faire de très bien, qui est quelque chose de plus classique. Et puis comme c’était mon premier grand ballet, je voulais faire un ballet qu’il n’y ai presque que l’Opéra d Paris qui puisse le danser.  C’est vraiment signé pour l’Opéra de Paris.

Ce moment pourrait être dansé  complètement en dehors des Enfants du Paradis, c’est un divertissement. D’ailleursn ça fait appel aux grands ballets classiques, où il y a un grand divertissement au 3e acte. Le lien est fait par les interprètes, qui nous rappellent le ballet. Le but, c’est que ça reste un moment à part. Je voulais aussi surprendre le public, qu’il se demande où il est. La virtuosité est aussi présente dans les autres pas de deux, mais elle est masquée par le poésie. Je suis parfois obligé de freiner les danseurs, quand il veulent enchaîner les pirouettes par moment. “Non, non, ce n’est pas le moment“. 

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Comment avez-vous choisi ces nouvelles distributions ?

Brigitte Lefèvre : Agnès Letestu avait très envie de faire Garance, et j’avais très envie de la voir dans ce rôle… Parfois, ça arrive ! Clairemarie Osta voulait faire Nathalie. Moi, j’étais très touchée. Elle apporte quelque chose de très particulier, c’est une artiste si sensible.

Et le personnage de Lacenaire ?

José Martinez : On a trois Lacenaire cette fois-ci, Stéphane Phavorin, Vincent Chaillet et Benjamin Pech. Ils sont très différents entre eux parce qu’ils sont à des moments différents de leur carrière. Ils ont une manière très différentes d’aborder ce rôle, mais chacun arrive à l’interpréter juste, à sa manière.

Pour Baptiste, il y aura les débuts de Stéphane Bullion.

José Martinez : Stéphane Bullion a un physique différent, plus imposant, plus puissant. Mais je pense qu’il a une timidité en lui, une fragilité qu’il fait ressortir. On est ému finalement par ce grand garçon triste. Du coup, c’est complètement différent de ce que fait Mathieu Ganio, mais c’est Baptiste quand même. C’est une autre vision de ce personnage. Les rapports des uns avec les autres sont aussi très importants. Le rapport qu’à Baptiste avec Frédérick Lemaître et Garance peut nous permettre d’avoir un Baptiste complètement différent. Il faut vraiment un couple et un trio.

En tant que chorégraphe, que vous apportent ces nouveaux interprètes ?

José Martinez : Avoir des nouveaux interprètes, ça amène des couleurs différentes, dont le ballet se nourrit. Voir un-e interprète qui apporte des choses personnelles, comme Clairemarie Osta, cela fait évoluer le rôle. Même ma vision des personnages évolue. Et je le transmets aux autres distributions. Même si dans le studio nous sommes séparés, c’est un travail collectif. Un ballet, c’est vivant, il y a forcément une évolution. Chaque spectacle est différent. Les nouvelles distributions apportent d’autres couleurs, d’autres choses. C’est très intéressant pour moi.

Pour vos adieux à l’Opéra de Paris, le 15 juillet, vous avez choisi de danser Baptiste, pour la première et dernière fois. Pourquoi ?

José Martinez : J’ai fait ce ballet pour les autres danseurs, je ne pensais pas le danser. Et puis le contexte de cette reprise, où c’est ma dernière saison à l’Opéra… J’avais envie de faire un dernier spectacle, pour finir cette aventure à l’Opéra. Cela fait 23 ans que je danse là. Il se trouve que le ballet qui était programmé à la fin, c’était Les enfants du Paradis.

Brigitte Lefèvre : Et ce n’était pas par hasard !

José Martinez : Je ne voulais pas prendre le rôle et faire partie d’une distribution, parce que j’ai quand même fait ce ballet là pour que les danseurs de l’Opéra puisse le danser. Mais j’ai souhaité le faire une seule fois, le dernier jour. Ce n’est pas pour rien que c’est le dernier jour. C’est aussi symbolique d’avoir terminé en dansant jusqu’au bout, et de finir à la fin de la saison. C’est évident que c’est un rôle très émouvant. Je vais voir maintenant comment je le vis moi. J’avais envie d’avoir des émotions fortes pour mon dernier spectacle. Et je crois que je vais avoir la chance de les avoir.

Commentaires (3)

  • Yududu

    Amélie,
    Merci beaucoup pour ce résume du rencontre avec José! J’étais là, mais, à cause de ma capacité de compréhension de la langue (française), je n’ai pas pu tout comprendre ce qu’il disait… Ce soir, “encore une fois”, j’ai été au Palais Garnier, Baptiste a été interprété par Bruno. Donc, j’ai déjà vu toute interprétation de Batiste sauf José. J’ai hâte de voir Batiste de José…..!

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  • J’aime beaucoup ce qu’il dit sur l’interprétation de Bullion “Du coup, c’est complètement différent de ce que fait Mathieu Ganio, mais c’est Baptiste quand même.” C’est exactement ce que j’ai ressentit.
    J’ai vu les deux distributions en un week end et les deux m’ont beaucoup plu mais pour des raisons différentes (et oui il faut que je fasse mes articles j’ai trop de retard c’est horrible!!)

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  • @ Yududu : De rien ! 🙂 Moi aussi je suis impatiente de le voir dans ce rôle.

    @ Cams : Mais en même temps, avec cette fin de saisons et ces spectacles de tous les côtés, c’est dur de tenir le rythme. Moi aussi j’ai vu les deux. Je trouve que la différence se situe plus du côté de Garance, où Isabelle Ciaravola et Agnès Letestu ont vraiment donné des visions différentes du personnages.

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