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Marie-Agnès Gillot : “On est là pour donner le meilleur de la danse”

Pour la deuxième fois, Marie-Agnès Gillot est jurée du télé-crochet La Meilleure Danse, diffusée sur M6 dès le 12 avril. Entouré de Franco Dragone et Redha, elle départage des battles de candidats et candidates de tous styles de danse.

Lors de la première saison, en septembre dernier, nous nous étions rencontrées dans la cafétéria du Palais Garnier. Pour revenir sur cette seconde saison, l’interview s’est faite sur un coin de la scène du Divan du Monde, après la conférence de presse de la chaîne.

Marie-Agnès Gillot évoque les nouveaux candidat-e-s, l’émission, le niveau, mais aussi sa création Sous Apparence, qui sera sur la scène de Garnier en octobre prochain.

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Comment s’est passé cette deuxième saison de La Meilleure Danse ?

Superbe ! Il y avait encore plus de talents, plus de découvertes, plus de styles de danse que je ne connaissais pas, comme le coupé-décalé…

C’est quoi ?

Vous allez voir ! C’est moitié-africain, moitié jazz des années 1950, c’est une nouvelle danse. Le niveau est vraiment meilleur par rapport à la première saison.

C’est dû à quoi ?

L’engouement des gens pour la danse. Les danseurs et danseuses ont envie de se montrer, parce qu’il n’y a que comme ça qu’on réussit. Ce n’est pas en restant dans sa chambre qu’on va y arriver.

L’année dernière, les groupes de hip hop dominaient. C’est la même chose cette année ?

Ça a été mieux proportionné sur chaque émission. Je pense en tout cas que le public va pouvoir tout de suite calibrer le niveau des personnes qu’il a en face de lui.

Vous avez eu des coups de cœur parmi les participant-e-s ?

J’en ai toujours, mais impossible d’en dire plus !

Parlez-nous de Philippe, le candidat classique de cette deuxième saison… 

C’est un pur diamant. C’est quelqu’un de très jeune, il a 21 ans. Il a une technique très affutée et élevée. On n’a pas beaucoup de danseurs comme ça, si jeunes et avec une telle technique. J’espère que le public va s’en rendre compte.

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Vous avez peur que la danse classique passe moins bien à la télévision ?

Nous sommes là pour éduquer, transmettre une danse qui est bien plus dure que n’importe laquelle, qui est comme un bijou dans un écrin. On a besoin de conditions idéales pour faire de la danse classique. On ne va pas danser une variation classique sur du parquet, sur du bois, sur de la moquette. Le classique, ça se respecte. Quand Philippe, passait sur le plateau, nous faisions toujours très attention à lui, presque plus qu’aux autres. Mais il le faut. Et ça, ça me faisait plaisir.

Vos rapports avec les autres membres du jury ont-ils évolué au cours de cette deuxième saison ? 

On était plus complice entre nous. Et c’était drôle parce que l’on n’avait pas le droit de se parler cette année. Il fallait que l’on juge tout seul, on ne pouvait en discuter qu’après. Alors qu’avant, on papotait, puis on votait. Là, c’était chacun pour soi. C’est après que l’on pouvait parler entre nous, et surtout aux candidat-e-s, leurs donner des conseils, parce que nous sommes est là pour ça.

Vous aviez vu la première saison de La Meilleure Danse ?

Je n’ai pu voir que deux émission, et j’ai adoré ! Je dansais Phèdre à ce moment-là, je ne pouvais pas regarder. De toute façon, j’avais le compte-rendu à l’Opéra tous les matins par mes collègues danseurs et danseuses.

Qui était leur chouchou ?

Yann-Alrick et Flore ! (ndlr : le couple de swing qui a gagné cette première saison).

Durant cette première saison, certains groupes avaient l’air de beaucoup vous impressionner, mais le public derrière son écran ne ressentait pas forcément grand-chose. A quoi cela est-t-il dû ?

Parfois, on perd la physicalité, l’énergie physique. Et l’énergie, c’est la chose la plus importante en danse. De temps en temps, l’écran tue cette énergie, donc vous, le public, vous n’avez plus que les positions. Cela dépend de comment l’émission est montée. Malheureusement, il y a parfois un petit décalage…

Il y a eu un  gros travail de l’équipe technique sur ce point ?

Je pense que l’émission est arrivée à avoir des gens qui sont très spécialisés sur la façon de filmer la danse. Ils arrêtent de couper les passages, ils font des plans plus larges, ils laissent passer le mouvement, la prise d’espace… C’est ce qui fait l’émotion, qu’une personne, quand elle fait trois mètres en scène, tout d’un coup vous émeut parce qu’il y a un dépassement de soi, des choses qui font que l’on est subjugué. Alors que si on coupe et qu’on ne voit que l’arrivée, l’effet est fichu.

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Lors de la première émission, les passages des candidat-e-s étaient énormément coupés. Cela allait beaucoup mieux lors du deuxième épisode…

On est là pour donner le meilleur de la danse, et les gens de la production sont très intelligents, très à l’écoute. Ce que j’aime, ce sont les critiques bienveillantes. Quand on nous dit : ”Faites attention à ça, on n’arrive pas à bien voir”, ça c’est super.

Qu’est-ce que la physicalité, une expression que vous employez souvent ?

C’est un mot qu’utilisent toujours les grands chorégraphes, mais ça a plusieurs sens suivant le niveau. C’est l’émotion que votre corps procure, et c’est la musicalité qui passe à travers vos muscles (elle fait un port de bras pour illustrer son propos). La physicalité, c’est la musique du muscle par rapport au temps.

Quelques mots sur votre création Sous Apparence. Comment s’est fait le choix de la musique, des œuvres assez pointues de Bruckner, Feldman et  Ligeti, et le choix du Chœur Accentus ?

C’est une proposition de Laurence Équilbey, qui dirige le Chœur Accentus, et avec qui je travaille depuis le début. Je voulais une musique qui ne soit pas écoutée tous les jours, qui soit hors-norme, spéciale. Et en même temps, qui soit mystique, étrange… Au début, nous voulions une œuvre qui fasse toute une pièce. Finalement, on a découpé la chorégraphie avec ces trois compositeurs.

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Le chant était important pour cette création ?

Moi, je voulais d’emblée une pièce pour voix. Je suis plus sensible à la voix qu’à la musique. La vibration de la voix qui passe à travers un corps de danseur, c’est juste une émotion… C’est énorme. C’est un plaisir… Je ne sais pas. C’est comme une onde de choc bienveillante qui vous entoure, avec une espèce de plaisir presque tactile, alors que c’est une voix.

Commentaires (8)

  • “Parfois, on perd la physicalité, l’énergie physique. Et l’énergie, c’est la chose la plus importante en danse”

    Que c’est vrai ! Enfin, en danse, je n’en sais rien, mais en musique, oh oui ! J’ai toujours le sentiment qu’une captation video d’un concert symphonique nivelle le choc emotionnel : un concert-bof en vrai devient très bien, à l’inverse, un concert-choc (celui où on s’arrête de respirer même s’il y a des petits couacs ici et là) devient lui aussi “très bien” – seulement !

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  • Audrey

    Et de la même manière, quand je regarde un ballet en dvd, j’ai l’impression de ne pas toujours être touchée, voire de rester complètement en dehors. C’est ce qui s’est passé pour Signe, du coup il va falloir que j’aille tester sur place l’année prochaine 🙂
    Merci pour cette interview !

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  • ssx

    Du coupé-décalé ?J’espère que certaines nous feront du bon Fuka-Fuka. 😉

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  • a.

    Bonjour, je lis votre blog régulièrement et l’apprécie. En revanche, si j’ose dire un mot peu agréable (et c’est dommage car cela ne reflète pas l’estime que j’en ai) je trouve que M-A. Gillot ne devrait pas se corrompre dans ces bêtises. Cela me peine beaucoup qu’on confonde le travail de la danse, qui est d’ordre purement esthétique, artistique, voire sacré, et le show-business, le tape à l’œil, le temple du narcissisme et du m’as-tu vu. Je trouve cela ridicule et surtout blasphématoire – en quoi la danse aurait-elle besoin de ça? C’est très décevant.

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  • ssx

    @A.
    Bonjour A,
    Faisant partie de ceux ne regardant pas cette émission, j’aimerais tout de même répondre à votre commentaire.

    Les danseurs de l’ONP sont des artistes et des sportifs de haut niveau ayant une maîtrise certaine de leur art, mais je ne pense pas que cela devrait impliquer la sacralisation de ce dernier, encore moins la prise en otage de leur image publique.
    MAG est majeure et je pense vaccinée, ses choix de carrière elle les prend comme une grande, et je vois donc mal comment on pourrait aller lui réclamer des comptes.

    Par contre…que vous vous offusquiez à l’idée que des petites gens transpirant la “corruption” et avachis sur leur canapé puissent voir MAG de leurs yeux d’indigents me semble étrange, êtes-vous de ceux qui bientôt manifesteront devant Garnier pour bloquer l’accès aux femmes qui s’y pressent habillées aussi vulgairement qu’un samedi soir en boîte de nuit? – Je ne pense pas, pourtant “Le show-business, le tape à l’oeil, le temple du narcissisme et du m’as-tu vu”, comme vous dites, c’est ce que moi je vois défiler dans les couloirs de l’opéra à chaque fois que je vais voir un ballet.

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  • a.

    @ssx :
    oh! je ne tenais pas du tout à dire que les danseurs sont sacrés! loin de moi cette idée, mais plutôt que l’art sert le sacré (la bayadère, c’est cela, non?).
    Oh! je suis d’une trop vieille génération. MA Gillot fait bien ce qu’elle veut de son être, oui, personne ne l’en empêche – sûrement pas la société de conso, et sûrement pas moi, illustre inconnue anonyme, qui aurait voulu garder le goût du beau (à la Flaubert, vous voyez?). Qu’importe! il faut vivre avec son temps, paraît-il… je dis cela sans agressivité… quant aux spectateurs de l’opéra, eh bien, j’avoue que je n’y ai jamais bien pris garde. Mais maintenant que vous le dîtes, je tâcherai d’y faire attention!

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  • miam23

    Bonjour,
    Pour le moment je n’ai vu que la première émission du 12 avril et comme vous l’évoquiez justement dans vos questions à Marie-Angès Gillot, j’ai trouvé le montage et la réalisation énormément frustrants ! Car pendant les seulement 2 minutes de chorégraphie, on voyait presque plus la famille, les concurrents et les membres du jury, que les danseurs ! Du coup, on est beaucoup moins touché par les danses. Le danseur classique avait l’air bon mais tellement de fois coupé à des moments clés ! J’espère que la prochaine émission sera mieux réalisée…

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  • @ Klari et Audrey : Pour ma part, j’ai beaucoup de mal avec les captations de spectacle, je trouve ça trop frustrant : je ne peux pas décider sur quoi je porte mon attention, je peux juste suivre l’intention caméra.

    @ Ssx : Je suis à la masse, j’ai dû aller regarder sur Google pour comprendre votre message 😉 Et c’est vrai que le regard sur le public de l’Opéra est plutôt bien vu.

    @ A. : Je comprends très bien votre point de vue. Après, tout n’est pas à jeter dans cette émission de télé, qui met plutôt bien en avant le travail nécessaire pour toutes ces performances. Faut-il que la danse reste dans son écrin ou se vulgarise à la télévision pour attirer un autre public, peut-être plus populaire ? Vaste débat.

    @ Miam23 : je n’ai pu voir que des extraits du premier prime, et c’est vrai que les coupures sont nombreuses. Après, il faut savoir que les numéros font 2-3 minutes, et que l’émission ne peut pas toutes les diffuser en intégralité, il y a pour l’instant trop de candidats, d’où les coupures. ça devrait aller mieux avec les 1/4 de finale (j’espère en tout cas).

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