Spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris – AntonyTudor / August Bournonville / Maurice Béjart
Les élèves de l’École de Danse de l’Opéra de Paris ont proposé leur spectacle annuel, une soirée très réussie comme à l’accoutumée, autour de trois œuvres bien différentes. Continuo d’AntonyTudor était une découverte, mettant en avant la musicalité des plus grands. Fête des fleurs à Genzano et Napoli d’August Bournonville rivalisaient de virtuosité joyeuse dans laquelle les filles ont brillé. 7 Danses grecques de Maurice Béjart, ballet exigeant plus néo-classique, permettait enfin aux garçons d’y montrer toute leur personnalité.

École de Danse de l’Opéra de Paris – Continuo d’Antony Tudor
C’est une habitude depuis pas mal de saisons : la réussite du spectacle annuel de l’École de Danse de l’Opéra de Paris. 2025 n’a pas failli à la règle, avec un programme riche et varié, mêlant une découverte et du répertoire que l’on a plaisir à retrouver, portés par des artistes enthousiastes en scène, coachés avec beaucoup de soin. À cela se rajoute une ambiance des plus agréables, chaleureuse, avec un public où se mêlent familles, passionné-e-s de danse et curieux plus jeunes que d’habitude (les prix sont plus doux pour ces spectacles). Un climat qui se fait de plus en plus rare au Palais Garnier, cela participe aussi au plaisir d’assister à ce moment fort des Petits rats.
Continuo d’Antony Tudor fait son entrée au répertoire de l’École et ouvre le bal, pièce courte de huit minutes pour trois couples, sur la musique si connue de Johann Pachelbel. Figure majeure de la danse classique anglo-saxonne du XXe siècle, plusieurs de ses pièces étaient entrées au répertoire du Ballet dans les années 1980, sous l’impulsion de Rudolf Noureev. Mais elles n’ont été que très peu reprises et cela fait presque 30 ans que le chorégraphe était absent de la scène parisienne. Découvrir Continuo donne envie d’en voir plus. Ce choix n’est pas anodin : Antony Tudor l’avait créé pour des élèves en 1971, ceux et celles de la Julliard School de New York. La portée pédagogique se devine rapidement : sans décor et avec des costumes simples, rappelant Sérénade pour les danseuses, il y a là une technique académique épurée et ciselée, qui requiert un véritable souci de la précision, un sens de l’écoute des autres – duo, trio et ensemble s’enchaînent -, un travail exigeant du pas de deux. La pièce dépasse le simple exercice d’école grâce une musicalité constante, et l’importance pour les élèves d’habiter continuellement leur danse, pour éviter justement de tomber dans le pas de démonstration.
Ce à quoi le sextuor en scène réussit avec brio. Dès son entrée en scène, Lucía Abril Marcucci illumine la scène avec sa présence posée et sa technique brillante, dans le ton. C’est elle qui semble donner le tempo, comme guidant les différentes entrées et sorties de scène. Mais les cinq autres danseurs et danseuses – Sacha Alié, Anaïs Morin Choukroun, Ilyane Bel-Lahsen, Ekaterina Bréau et Camillo Petochi – ne sont en rien effacés. Et c’est bien l’ensemble qui propose un moment tout en harmonie, à la technique sûre et toujours en écoute de la musique.

École de Danse de l’Opéra de Paris – Continuo d’Antony Tudor
Le duo Fêtes des fleurs à Genzano et le pas de six et la Tarentelle de Napoli d’August Bournonville, propose un autre voyage. Le maître de la danse classique danoise du XIXe siècle est un peu comme le cousin de l’école française. Son père était danseur français exilé à Stockholm, lui-même a été formé à Copenhague, avant de partir en France étudier avec Pierre Gardel et d’Auguste Vestris, puis de revenir au Danemark et devenir le chorégraphe de référence de l’école danoise. Les ports de bras, les ports de têtes, la musicalité, l’impulsion : tout change, tout en gardant le même vocabulaire académique et la précision du bas de jambe. C’est véritablement une autre école, que le Ballet de l’Opéra de Paris ne danse pas d’ailleurs, et qui est un défi pour l’École de Danse car il s’agit tout de même de se fondre dans d’autres habitudes.
Tout démarre par le pas de deux de la Fêtes des fleurs à Genzano, exercice de style classique de l’adage et variations, qu’il faut justement dépasser pour rendre avant tout la joie de danser, mêlée d’une légère rivalité joueuse entre les deux interprètes. Jeanne Larchevêque et Hadrien Moulin réussissent l’exercice sans faillir. Lui assume la virtuosité de sa variation et prend petit à petit toute la scène, elle met à cœur d’être toujours dans le jeu, de rendre vivant chacun de ses pas. Puis place à Napoli, ensemble porté par les deux grandes divisions avec de nombreux moments de solo. Si les garçons semblent un peu fébriles dans l’exercice, les filles tirent clairement leur épingle du jeu, bien servies avec des variations vives, pleines d’énergie et de virtuosité qui font plaisir à voir. Les élèves qui refont une première division se démarquent particulièrement, montrant une maturité bien installée. Manon Baranger donne le ton et l’impulsion du ballet, altière dans sa variation, tandis qu’Albane de Chanterac s’amuse dans un solo aux multiples jeux d’équilibres qui font leur petit effet. Tout le monde se retrouve pour une joyeuse Tarentelle, hymne à la danse et à la joie de danser ensemble, interprétée avec beaucoup d’enthousiasme, de plaisir visible et de précision par l’ensemble des élèves.

École de Danse de l’Opéra de Paris – Napoli d’August Bournonville
Changement de ton enfin pour la reprise de 7 Danses grecques de Maurice Béjart, mettant en valeur les personnalités des danseurs autour d’un corps de ballet féminin (petite parenthèse : il est un peu dommage que les danseuses n’aient pas plus souvent droit à ce genre de ballet, pour montrer leur personnalité dans un autre registre que la danse académique). Montée en 1983 pour le Béjart Ballet, la pièce entre au répertoire de l’École de Danse en 2000, sous l’impulsion de Claude Bessy, et est depuis régulièrement interprété par les Petits rats (dommage aussi, deuxième parenthèse, que la compagnie ne s’en empare pas).
Maurice Béjart aimait s’inspirer des danses d’ailleurs pour ces ballets. 7 Danses grecques vient de ces îles Égéennes, entre le bleu du ciel en fond de scène, marquée par le blanc et noir des costumes – simples tenues de danse, surtout pour les filles, pas loin de rappeler, dans un tout autre genre, les Black & white de George Balanchine. Le folklore est cependant loin, par petite touche, tout comme l’est la musique de Mikis Theodorakis. Ce que l’on retient plutôt reste la fulgurance de la jeunesse, ce souffle de vie qui pousse toute l’œuvre, sur une technique académique pas si simple – les filles alternent ainsi passages pieds nus et sur pointes. Les garçons, donc, sont au centre. Et les élèves de première division se saisissent de cette chance pour montrer toute leur personnalité. Milo Mills ouvre le bal avec une présence lumineuse. Il est suivi par un superbe duo porté par Marcos silva Sousa et Joao Pedro Dos Santos Silva, deux jeunes danseurs brésiliens qui se fondent dans l’école française. Le deuxième, gagnant du Prix de Lausanne en 2024, n’est là que depuis huit mois et que de progrès en si peu de temps. Marcel Sardà Masriera forme un pas de deux d’une grande écoute avec Manon Baranger, avant qu’Achille Delaleu–Rosenthal ne clôture la pièce avec un charisme assumé, beaucoup de présence et une danse brillante. L’ensemble des élèves, ils sont nombreux en scène pour 7 Danses grecques, porte l’œuvre avec passion, pour ainsi terminer en beauté un spectacle d’une grande qualité.

École de Danse de l’Opéra de Paris – 7 Danses grecques de Maurice Béjart
Spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris – Directrice Élisabeth Platel.
Continuo d’Antony Tudor, avec Lucía Abril Marcucci, Sacha Alié, Anaïs Morin Choukroun, Ilyane Bel-Lahsen, Ekaterina Bréau et Camillo Petochi, musique de Johann Pachelbel ; Fêtes des fleurs à Genzano, pas de deux, d’August Bournonville avec Jeanne Larchevêque et Hadrien Moulin, musique d’Edvard Helsted et Holger Simon Paulli ; Napoli, pas de six et Tarentelle d’August Bournonville, avec Carlo Zarcone, Naël Dimbas, Marcel Sardà Masriera, Prune Kaufmann, Albane de Chanterac, Manon Baranger et Alyssia Ferreira-Casevecchie (pas de six), Colette Rieu et Samy Ilian Zerargui (Tarentelle), musique d’Edvard Helsted et Holger Simon Paulli ; 7 Danses grecques de Maurice Béjart, avec Milo Mills, Marcos silva Sousa, Joao Pedro Dos Santos Silva, Marcel Sardà Masriera, Manon Baranger et chille Delaleu–Rosenthal, musique enregistrée de Mikis Theodorakis. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale Maria Seletskaja. Samedi 26 avril 2025 au Palais Garnier.
Cha
J’avoue avoir eu beaucoup de mal à profiter des 7 danses grecques tant les filles ont été mises de côté.
Les garçons ont été brillants mais parce qu’on leur a donné de la place. Les filles, pas grand chose pour elle
Marie
Quel plaisir d’apprendre que Lucia Abril Marcucci a rejoint l’école de l’Opéra de Paris ! Je l’avais beaucoup appréciée aux concours de Lausanne 2023 et 2024.
Daniel Roucous
c’est qui cette grande, magnifique et gracieuse danseuse qui dépasse d’une tête toutes les autres. Quelle classe et quelles techniques !
Ça montre aussi que les « grandes » ont leur place dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris, un peu trop formaté côté filles.
Magnifique spectacle de l’ED, la relève est assurée… Le public certes composé de nombreux parents mais de nombreux amateurs dont je suis, ne voulait plus partir à la fin en bissant sans arrêt.
Amélie Bertrand
@ Cha : C’est vraiment un ballet « de mecs » et les filles sont là pour faire corps de ballet au fond, c’est certain. Il existe trop peu de pendants inverses !
@ Marie : Oui, et elle se défend bien ! Le Prix de Lausanne devient vraiment un vivier de recrutement pour l’École.
@ Daniel : Il me semble que c’est Viktoriia Pirogova, mais rien de sûr. Je vous rejoins sur la relève qui arrive