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NDT 2 – Marcos Morau et Botis Seva

Le NDT2, la compagnie de jeunes talents du Nederlands Dans Theater, épate décidément à chacun de ses spectacles. Place pour la tournée de cette saison à un diptyque, composée de pièces récentes. On se plaît à découvrir le jeune chorégraphe hip hop Botis Seva, dont la pièce Watch Ur Mouth ne manque pas de qualité. Mais il est difficile de faire le poids face au choc du magistral Folkå de Marcos Morau. Un rite à la fois séculaire et furieusement contemporain, d’une énergie folle comme d’une virtuosité complexe, qui emporte tout sur son passage.

 

Folkå de Marcos Morau – NDT2

 

Dès l’ouverture de Folkå de Marcos Morau, l’esthétique frappe. Toujours cette scène si graphique où l’espace se construit entre la lumière blanche à vif des projecteurs et le noir profond du fond de scène. Les lumières de Tom Visser ont construit beaucoup de pièces du Nederlands Dans Theater, associées aujourd’hui au travail de Crystal Pite ou Hofesh Shechter. Cela pourrait être un tic ou une agaçante répétition. Ça en devient une signature, celle du NDT, sous toutes ses formes. Tout comme le goût de la troupe pour la théâtralité ou son niveau d’excellence technique jamais pris à défaut, génération après génération. Le NDT2, la troupe de jeunes talents du Nederlands Dans Theater s’inscrit pleinement dans cette lignée. Le groupe est en tournée en France en ce printemps et l’on aurait tort de la réduire à une compagnie junior : si ses interprètes ont moins de 25 ans, ils et elles font preuve d’une maturité artistique de professionnels aguerris. À l’image de la façon magistrale dont le groupe s’empare de Folkå de Marcos Morau, montée en 2021.

J’avais quitté fâchée Marcos Morau après sa Belle au bois dormant pour le Ballet de l’Opéra de Lyon. Je le retrouve séduite. Avec Folkå, le chorégraphe montre tout son talent avec cette pièce virtuose, où tant d’images émergent et de sentiments se percutent. Il s’inspire en sous-texte des grands rites populaires. Cela s’entend dans les costumes aux accents lointains tyroliens, à la conception sonore de Juan Cristobal Saavedra où se font entendre, entre autres, les envoûtantes voix polyphoniques de Bulgarie. Mais il n’y a ni appropriation, ni cliché : il s’agit juste de détails en filigrane pour porter une célébration transcendante, une sorte de nuit rituelle où les artistes font corps. Ce peut être une cérémonie venue de la nuit des temps, une rave party libératrice : c’est en tout cas un moment intime, où bouillonne la puissance du collectif.

 

Folkå de Marcos Morau – NDT2

 

Sur les lumières si graphiques Tom Visser, les artistes démarrent une chorégraphie au cordeau, d’une rapidité comme d’une précision implacable. Le groupe se disloque, se renforce. Une sorte de dialogue semble s’installer, où des touches de tendresse se glissent dans une dévorante transe collective. Il faut se laisser emporter par toutes les images qui naissent, par toutes les sensations qui traversent ses jeunes interprètes, ou juste par la force exaltante et profondément instinctive qui emporte artistes comme public. Et puis la vague reflue et toute se termine dans une douceur presque inattendue, aux sons des voix des danseurs et danseuses reprenant ensemble une chanson semblant venir du fond des âges. Folkå de Marcos Morau laisse le souffle court comme éblouie. C’est du grand art.

Il est difficile ainsi de passer ensuite et Watch Ur Mouth de Botis Seva, qui aurait peut-être gagné à passer en début de soirée plutôt qu’à la fin. Moins connu sur la scène internationale, le chorégraphe vient d’Angleterre et puise ses racines de chorégraphes dans la danse hip hop. La pièce est un hommage, là encore, à la force du collectif, à l’importance de bras amis pour naviguer dans un monde en permanence sous tension. Est-ce la pièce qui repose sur un équilibre plus hésitant ou la puissance de l’œuvre précédente, mais je me retrouve en difficulté à me concentrer, à garder le fil. Les saynètes sont intelligemment construites, Botis Seva se sert sans démériter dans la formidable technique et puissance dramatique de ses jeunes interprètes, tout comme de la construction scénique des lumières de Tom Visser, qui jouent là encore un rôle fondamental. Mais si elle offre une belle partition aux danseurs et danseuses, la pièce semble toutefois manquer de poids, même si l’on sent le talent indéniable du chorégraphe, comme de l’enthousiaste qu’il a eu à croiser ses jeunes talents du NDT2.

 

Watch Ur Mouth de Botis Seva – NDT2

 

Le Nederlands Dans Theater – NDT 2. Folkå de Marcos Morau, Musique Juan Cristobal Saavedra, avec Nathan Allen, Maša Anic, Viola Busi, Conner Chew, Giovanna Doria, Sophia Frilot, Joey Gertin, Ruth Lee, Miquel Martinez Pedro, Casper Mott, Nathanaël Plantier, Gabriele Rolle, César Sautès-Vescovali et Rebecca Speroni ; Watch Ur Mouth de Botis Seva, musique Torben Sylvest, avec Nathan Allen, Maša Anic, Viola Busi, Eliana Hayward, Casper Mott, Nathanaël Plantier, César Sautès-Vescovali et Rebecca Speroni. Mardi 13 mai 2025 à la Maison de la Danse, à voir jusqu’au 16 mai.

 
 
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