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Iouri Grigorovitch – Cinq ballets pour retracer la carrière d’une légende du ballet russe

Iouri Grigorovitch, légende du ballet russe, est décédé le 19 mai dernier à l’âge de 98 ans. Celui qui fut directeur du Ballet du Bolchoï pendant 30 ans fut un chorégraphe prolifique, à la carrière aux multiples facettes : créateur de ballets de propagande comme d’œuvres originales et universelles, ou remontant les grands ballets du répertoire de Marius Petipa. Retour, en cinq ballets emblématiques, sur la carrière chorégraphique de Iouri Grigorovitch, avec les explications de l’historienne de la danse Sylvie Jacq-Mioche.

 

La fleur de pierre

C’est l’œuvre de jeunesse de Iouri Grigorovitch, montée en 1957 au Kirov (nom du Mariinsky sous l’époque soviétique) et qui lui ouvre les portes du Théâtre du Bolchoï de Moscou. Le chorégraphe y montre ses aspirations. « C’est un ballet extrêmement intéressant« , explique Sylvie Jacq-Mioche. « L’un des personnages féminins est en académique, c’est la première fois que l’on voit ça dans le ballet soviétique. Et si Grigorovitch reprend toutes les composantes d’un ballet de Marius Petipa, c’est pourtant un ballet vraiment original, intéressant à interpréter« .

 

 

 

Le Lac des cygnes

Si le public français connaît Iouri Grigorovitch, c’est peut-être d’abord par ses reconstructions des grands ballets du répertoire de Marius Petipa, dansés par le Bolchoï. Mais ce travail de reconstruction n’était pas forcément le cœur de ses aspirations de chorégraphe. « Remonter les grands classiques n’a pas été sa grande réussite, ça a été quelque chose de secondaire dans sa carrière« , raconte Sylvie Jacq-Mioch. « Les reconstructions, cela faisait partie de son métier, mais ce qui l’intéressait était son travail de créateur ». Le chorégraphe essaya sur certaines reconstructions d’y mettre sa propre touche. « Il arrivait au Bolchoï et il se faisait une fête de remonter Le Lac des cygnes. Il voulait donner plus de psychologie aux personnages. Mais Brejnev a vu une représentation, au moment de la générale, et il a trouvé cela un peu trop révolutionnaire. Iouri Grigorovitch a donc dû refaire son travail en très peu de temps. S’il a abandonné une vision plus psychologique, il a rajouté au troisième acte la marche d’Odile, une entrée assez mystérieuse et très particulière. Il a aussi mis les solistes des danses de caractère sur pointes, ce qui était novateur à l’époque. 

 

 

 

Légende d’amour

Avec 30 ans passés à la tête du Ballet du Bolchoï, Iouri Grigorovitch reste un symbole du ballet soviétique. Il a lui-même monté des ballets propagandistes du régime communique – le ballet a toujours été une part importante du soft-power russe, ça l’est toujours maintenant. Légende d’amour en est l’un des meilleurs exemples. « Ce ballet est tellement soviétique que c’en est insupportable. Le héros se sacrifie, parce qu’il n’est pas question de privilégier une histoire d’amour sur son dévouement à la patrie et au peuple. Chorégraphiquement, ce n’est pas très intéressant et c’est tellement idéologique que l’on ne peut pas voir cela d’un œil serein. Mais il faut imaginer les contraintes dans lesquelles il se trouvait« .

 

 

 

Spartacus

Iouri Grigorovitch trouve pourtant l’espace créatif pour sortir du pur ballet de propagande. Spartacus, monté en 1968, en est un des plus beaux exemples. « Iouri Grigorovitch était un homme du système, qui s’y était fait une place. Mais il a toujours eu une liberté d’artiste. Et ses grandes œuvres font ressortir son génie artistique qui, sous la contrainte, trouve le mince filet qui permet de faire quelque chose échappant à la pure propagande. Spartacus a une lecture soviétique, mais aussi une vision universelle de la révolte contre le pouvoir. Et puis c’est un ballet magnifique, avec une puissance lyrique et tragique extraordinaire. Le pouvoir de ses œuvres sur un public populaire était spectaculaire, et cela faisait partir du soft-power russe quand ses ballets étaient présentés en Europe de l’Ouest« .

 

 

 

Ivan le Terrible

Ivan le Terrible, créé en 1975, reste l’autre ballet emblématique du talent de Iouri Grigorovitch. “Ivan le terrible est un ballet extraordinaire sur la démesure du pouvoir, sur la cruauté et la fragilité que donne la toute-puissance. Il y a une réflexion sur la folie des dictateurs qui est toujours très actuelle”, résume Sylvie Jacq-Mioche. Les ballets de Iouri Grigorovitch prennent aussi une autre dimension grâce à la génération fabuleuse d’interprètes qu’il a eu au Bolchoï. Il y eut bien sûr le duo star Ekaterina Maximova et Vladimir Vassiliev, mais aussi Natalia Bessmertnova (qui deviendra sa femme), Mikhail Lavrovsky ou Youri Vladimirov, “qui était un Spartacus d’une puissance animale très particulière, et surtout un Ivan le terrible absolument terrifiant, un artiste exceptionnel”.

 

 

 
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