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[festival utoPistes 2025] Compagnie MPTA / Cirque Queer / Galactik Ensemble

En ce mois de juin, Lyon vibre au son des Nuits de Fourvière, mais aussi des vibrations du festival de cirque utoPistes, porté par la compagnie MPTA de Mathurin Bolze. Au programme de cette 7e édition, qui se tient jusqu’au 21 juin : une trentaine de spectacles montrant toute la diversité du cirque contemporain. Parmi eux, trois jolies réussites : Frasques du Galactik Ensemble, si plein de surprises, le poétique Immaqaa, ici peut-être de la Compagnie MPTA, et Le Premier artifice du Cirque Queer, dont la sincérité et la puissance de la jeunesse fait oublier quelques longueurs.

 

Immaqaa, ici peut-être – Compagnie MPTA

 

Si Lyon est une grande ville de danse depuis plusieurs décennies, le cirque n’y a pas forcément toute la place qu’il mérite. Mais les choses changent, notamment avec la compagnie MPTA (les Mains les Pieds et la Tête Aussi) de Mathurin Bolze. Installé dans la région lyonnaise depuis 20 ans, il y impulse un nouveau rayonnement pour l’art circassien. En ligne de mire se profile la création du Pôle National Cirque, aujourd’hui en préfiguration, et la construction de la Cité Internationale des Arts du Cirque en 2027. En attendant l’aboutissement de ces ambitieux projets, le festival Utopistes, créé en 2011, permet de montrer toute la richesse des compagnies circassiennes et la diversité des écritures. L’édition 2025 n’a pas failli à ses promesses, avec notamment trois spectacles aussi surprenants que poétiques : Immaqaa, ici peut-être de la Compagnie MPTA, Frasques par le Galactik Ensemble et Le Premier artifice du tout jeune Cirque Queer.

Frasques et Immaqaa, ici peut-être ont en commun d’être construits par des collectifs aboutis, qui ont derrière eux des années de recherche, d’expérimentations, de tournées et de spectacles. Voilà ainsi dix ans ainsi Mathieu Bleton, Mosi Espinoza, Jonas Julliand, Karim Messaoudi et Cyril Pernot, rencontrés à l’école de cirque Rosny-sous-Bois, ont fondé le Galactik Ensemble. Frasques est leur cinquième spectacle, un petit bijou d’inventivité, à l’écriture incisive et précise malgré une apparence foutraque. En scène, tout démarre par ce qui devient une habitude : un discours de soutien à la culture en danger. Mais par une pirouette, ce moment normé part en vrille et lance le spectacle sur le ton de l’absurde. Le décor se révèle plein de surprises, aux multiples cachettes et trappes, se transformant au fil du spectacle et devenant presque un interprète à part entière. Les cinq circassiens et circassiennes se laissent surprendre par ces volte-face, au contraire jouent avec, y font corps ou s’amusent des surprises sur le public. Dans ce monde en suspens, on y marche à l’envers, on y dîne ou on y entonne des chants révolutionnaires occitans. C’est toute une petite communauté qui y prend vie, qui nous invite à sa table, qui nous raconte son envie de liberté, de lutter aussi contre un monde parfois hostile, mais que l’on peut faire sien avec un peu d’imagination. Porté par cinq interprètes à la virtuosité profondément humaine, Frasques a ce goût doux-amer – qui m’a un peu fait penser parfois à celui de Pina Bausch – rempli à la fois de joie et de mélancolie. Et même si ce monde paraît parfois hostile, on le quitte avec regret.

 

Frasques – Galactik Ensemble

 

Immaqaa, ici peut-être de la Compagnie MPTA de Mathurin Bolze est aussi une nouvelle création. Et j’ai comme l’impression au début d’assister à un remake de Lost – en plus drôle. Sur scène, le décor me fait penser à une carcasse d’avion, perdue dans la montagne. À l’intérieur, sept personnes se découvrent et se jaugent. À chacun et chacune de partir à la découverte du monde qui l’entoure – ou de soi-même, dans un décor là encore mouvant, aux nombreuses chausses-trappes qu’il faut s’approprier. C’est le jeu – souvent par l’acrobatie aérienne et des agrès étonnants – de la découverte du monde, des autres et de soi-même. « Il s’agira de localiser notre Nord magnétique, c’est-à-dire de partir vers nos propres confins, l’endroit qui nous aimante. Un Nord personnel, fictionnel, absolu, qui oriente notre recherche commune, pourvoyeur de lumière et parfois déboussolant« , explique Mathurin Bolze dans sa note d’intention. Immaqaa, ici peut-être connaît parfois quelques longueurs, des effets qui s’étirent et qui cassent un peu le rythme. Mais le savoir-faire de la troupe, son imaginaire, la poésie et le rire jamais absents des interprètes font le reste.

Aux côtés de ces troupes qui ont leur place depuis longtemps sur la scène circassienne, le Cirque Queer, fondé au moment du Covid par Lia Rose Plissot, porte la jeune génération, dont Le Premier artifice est le premier spectacle. La dizaine d’artistes qui le compose, tous et toutes LGBT, ne se retrouvent ni dans les codes hétéronormés ni dans les normes de genre de notre société. Former le Cirque Queer semblent pour ceux comme rejoindre un cocon, monter ce chapiteau comme créer une maison où ils et elles peuvent s’exprimer en toute liberté, sans crainte des jugements ni des malveillances pour ceux et celles s’éloignant un peu trop des chemins tout tracés. La troupe fait corps et chacun et chacune se livre en scène. Non pas pour dire dans quel case le public pourrait le ranger – personne n’annonce être gay, lesbienne ou trans – mais pour raconter comment il-elle s’est construit-e, souvent dans l’adversité. Et c’est une sorte de cabaret qui s’installe, un freak show où l’on assume être soi, avec ses failles, ses envies, ses doutes, où tout le monde n’est pas encore forcément heureux avec soi-même, n’a pas déjà trouvé la paix avec son corps. Il y a ainsi beaucoup de joies et de rires, mais aussi une certaine souffrance, encore, qui affleure. C’est ainsi un numéro de lancer de couteaux aussi drôle que glaçant, un effeuillage qui devient source de pouvoir – on montre ce qu’on veut quand on veut – un passage au trapèze entre deux basculements intérieurs.

 

Le Premier artifice – Cirque Queer

 

Le Premier artifice a les forces et les faiblesses de la jeunesse. Il y a une sincérité absolue, un don de soi total – les interprètes paraissent presque secoués au moment des saluts, comme étonnées par tout ce qu’ils et elles ont livré. Aussi une écriture qui faillit parfois, des effets qui se répètent, une direction qui se perd par moment en cours de route et peut nous laisser sur le bord du chemin. Mais leur honnêteté désarmante et profondément touchante, leur envie de créer un cocon protecteur, de monter un un espace de tous les possibles, compensent ces inégalités. Et donnent sérieusement envie de voir comment ce groupe va grandir et évoluer.

 

 

Frasques de Mathieu Bleton, Jonas Julliand et Karim Messaoudi par le Galactik Ensemble, de et avec Mathieu Bleton, Angèle Guilbaud, Jonas Julliand, Karim Messaoudi et Anouk Weiszberg. Vendredi 13 juin 2025 à la Maison de la Danse.

Immaqaa, ici peut-être de Mathurin Bolze (conception, mise en scène) et Samuel Vittoz (dramaturgie), par la Compagnie MPTA, avec Mattéo Callewaert, Dario Carrieri, Corentin Diana, Anahi De Las Cuevas, Tamila De Naeyer, Helena Humm, Maxime Seghers et Léon Volet, Philippe Le Goff et Jérôme Fèvre (conception musicale et sonore) et Hortense Airault (Co-composition Violoncelle). Jeudi 5 juin 2025 à la Maison de la Danse. À voir du 24 au 26 juin au Festival des 7 Collines à la Comédie Saint-Étienne.

Le Premier artifice du Cirque Queer, de et avec Marthe, Andrea Vergara, Simon Rius, Mona Guyard, Jenny Victoire Charreton, Thomas Botticelli et Mouniratou Taïrou. Jeudi 12 juin 2025 au Théâtre de la Croix-Rousse, en partenariat avec les Nuits de Fourvière et Les Ateliers Frappaz. À voir jusqu’au 20 juin.

Le festival utoPistes continue jusqu’au 21 juin.

 

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