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[Nuits de Fourvière 2025] Carmen d’Israel Galván

Omniprésent dans les festivals de l’été, de Montpellier à Avignon, avant le Festival d’Automne à Paris, Israel Galván a fait une halte aux Nuits de Fourvière à Lyon pour présenter sa version de Carmen créée lors de la 23e Biennale de flamenco de Séville à l’automne 2024. Une performance dans laquelle son flamenco épuré et déconstruit se frotte aux voix lyriques, à un Orchestre symphonique et même, plus surprenant, à un chœur finlandais de hurleurs. 150 ans après sa création, la personnalité du personnage de Bizet continue d’inspirer. Peut-être parce qu’à l’image de la séduisante cigarière, le danseur ne suit qu’une seule règle, la liberté. Mais l’art d’Israel Galván est parfois un oiseau rebelle difficile à apprivoiser.

 

Carmen d’Israel Galván

 

Israel Galván prenant possession du Théâtre antique des Nuits de Fourvière pour nous rejouer Carmen, avec l’Orchestre national de Lyon, voilà qui semblait prometteur. Alors que les premières notes de l’ouverture se font entendre, le danseur apparaît, côté cour, derrière deux rideaux qu’il ouvre et referme pour dévoiler sa galerie de personnages. T-shirt, short et bas transparents noirs qui couvrent complètement ses jambes fines et nerveuses, il se présente comme on le connaît, l’œil pétillant, un léger sourire dessiné sur ses lèvres rougies. Sa tête est couverte par une mantille qu’il troquera ensuite pour une montera de toreador. Ses changements à vue d’accessoires font figure d’avertissement : il sera tous les personnages de cette tragédie et incarnera tour à tour Carmen, Don José ou Escamillo. 

Carmen n’est pas le premier classique auquel Israel Galván s’attaque. Il s’est déjà confronté à L’Amour sorcier de De Falla et au Sacre du printemps de Stravinsky en 2020. On sait sa façon singulière de s’approprier ces partitions pour mieux les détourner, s’en amuser comme un chat se joue d’une proie. Sa Carmen est condensée en 1h30, recentrée sur les airs les plus emblématiques interprétés par Deepa Johnny, Robert Lewis et Jean- Christophe Lanièce. Se rajoute María Marín, une chanteuse et guitariste flamenca. Sa présence disruptive tord le cou aux archétypes. Le détournement vient d’elle, de sa voix puissante qui revisite les amours de l’héroïne.

Naviguant entre jardin et cour, Israel Galván multiplie les interventions et décrit des figures à la fois poétiques et humoristiques, manipulant l’éventail, la cape de torero, la fleur jetée à Don José ou les cornes du taureau sortant d’un chapeau haut de forme. Se parant de tous ces symboles, il fait défiler l’histoire en accéléré. Sa manière d’habiter son flamenco de plus en plus minimaliste s’incarne dans un frottement de chaussures sur le sol, une main qui s’agite ou un buste qui s’arque. Par moments, il lâche les chiens comme dans cet hommage au danseur et chorégraphe Antonio Gades. Sa virtuosité mâture laisse bouche bée.

 

Carmen d’Israel Galván

 

Il y a quelques mois est sortie une nouvelle édition du livre Israel Galván. Danser le silence (Actes Sud). Se replonger dans cet ouvrage avant d’aborder ce Carmen éclaire sur la façon dont le danseur a fait évoluer son art. « Dans ses spectacles, Israel Galván rend manifeste la polysémie de la danse flamenca, en joue et se joue d’elle. Il ne l’arrête pas à une forme fixe. Il l’entraîne dans un long processus qui fait de chaque spectacle une proposition sans cesse en devenir », écrit Corinne Frayssinet Savy. Pourtant la juxtaposition un peu rigide des trois chanteurs lyriques, en version de concert, leste un peu l’ensemble. Face à eux, Israel Galván distille les bravades chorégraphiques. Comme si à la fois, il les suivait mais n’aspirait finalement qu’à s’en détacher pour faire cavalier seul. Le dialogue avec l’orchestre, impeccable, installé en fond de scène peine aussi à s’instaurer.

Pour couronner le tout, une chorale finlandaise composée de chanteurs hurleurs investit la scène des Nuits de Fourvière sur la fin. Cette intrusion laisse un peu perplexe. L‘arène, la mise à mort, Il y a sans doute une justification à ces cris incongrus. Mais elle ne convainc pas. Il y a du Buster Keaton et du Charlie Chaplin chez cet incroyable danseur. Le constat n’est pas neuf. C’est lorsque qu’il laisse s’épanouir cette poésie burlesque qu’il emporte la mise.

 

Carmen d’Israel Galván

 

Carmen d’Israel Galván avec l’Orchestre national de Lyon, dirigée par Maria Itkonen. Chanteuses et chanteurs : Deepa Johnny (Carmen), Robert Lewis (Don José), Jean- Christophe Lanièce (Escamillo), María Marín (guitare & voix flamenca). Jeudi 26 juin 2025 au Grand théâtre antique de Fourvière. À voir en tournée les 1er et 2 novembre 2025 à la Philharmonie de Paris.

Les Nuits de Fourvière continuent jusqu’au 26 juillet.

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