On connaît Mathilde Froustey Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Bordeaux – elle est d’ailleurs à l’affiche du Corsaire de José Martinez du 2 au 13 juillet. On la découvre directrice artistique d’un nouveau festival, le festival Essenti(Elles), autour des femmes chorégraphes. Et qui a lieu chez elle, au Vieux-Boucau dans les Landes, les 5 et 6 juillet. Elle nous raconte avec enthousiasme ce nouveau projet et la programmation qu’elle a concoctée pour ces deux jours de danse. 

Mathilde Froustey, directrice artistique du festival Essenti(Elles)

Alors que vous êtes Danseuse Étoile au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, pourquoi avoir eu envie de vous lancer dans l’organisation d’un festival, celui d’Essenti(Elles) ?

Ce fut une concordance de plusieurs choses. J’ai recommencé à collaborer avec la compagnie 3e Étage dirigée par Samuel Murez. Au cours d’une discussion, il m’a dit que j’avais une carrière d’interprète assez impressionnante, mais qu’il manquait sur mon CV l’expérience d’une direction artistique, et c’est quelque chose qui m’intéresse. Au même moment, la municipalité de Vieux-Boucau (ndlr : le maire de la ville Pierre Froustey est le père de Mathilde Froustey) avait abandonné son festival Essenti(Elles). Il avait été fondé pendant la crise du Covid, pour supporter la culture alors que beaucoup de festivals devaient annuler. C’était un festival de musique qui a eu lieu pendant quatre ans, avec une belle programmation comme Feu! Chatterton ou Pomme. Mais en décembre, mon père m’a dit qu’il n’allait pas renouveler le festival : l’événement s’essoufflait un peu, il y avait une démotivation et un peu moins d’argent. J’ai eu envie de le reprendre, de le changer et d’en faire un festival dédié aux femmes chorégraphes. D’où le nom transformé :  Essenti(Elles). Faire une programmation artistique, repérer des talents, ce n’est pas facile. On n’a pas les moyens d’un théâtre, il y a les aléas des vacances, un public qu’il faut aller chercher… C’est un vrai challenge et ça me plait.

Quant au thème des femmes chorégraphes, on dit souvent que la danse est un univers féminin. Mais c’est faux : les directions de compagnie sont majoritairement tenues par des hommes, les chorégraphes sont majoritairement des hommes, les techniciens aussi, les chefs d’orchestre, les designers de costumes… Même si la moitié des compagnies sont composées de danseuse, ce n’est pas un univers de femmes. J’avais envie de créer quelque chose qui soutienne les créatrices.

Comment avez-vous monté votre programmation ?

Je fais une liste depuis longtemps des femmes chorégraphes qui m’inspirent, avec qui j’aimerais travailler. J’ai fait trois cercles : un cercle avec les grands noms internationaux, stars et têtes d’affiche, un deuxième avec des chorégraphes ou des compagnies dirigées par des femmes reconnues en France, un troisième avec des compagnies régionales. Pour qu’une programmation d’un festival soit réussi, il faut qu’il y ait ces trois aspects. On a lancé  Essenti(Elles) il y a seulement quelques mois, on a donc dû descendre un peu ces cercles, mais nous aurons des têtes d’affiche françaises. Et presque 50 % des compagnies programmées sont des troupes de la région Nouvelle-Aquitaine. C’était très important pour moi : cette région m’a faite en tant que danseuse et c’est là que je finirai ma carrière.

Comment s’organise le festival ?

Je me suis inspirée du festival de musique à Luxey, que j’aime beaucoup, où la ville se transforme en scène ouverte. En journée, il y aura des scènes dans la ville, sur la place de la mairie, accueillant plutôt des petites compagnies et spectacles de rue. On aura ainsi le Collectif Minuit 12 sur la plage, une compagnie qui parle d’écologie et de féminisme. Puis il y a une deuxième scène en plein air, au bord du lac avec le soleil couchant, pour des spectacles à 20h, qui accueilleront des compagnies de taille moyenne. Enfin les gros spectacles, à 21h30 à la Hall des sports, un véritable théâtre. Ce seront les seuls spectacles payants du festival. En tête d’affiche, on programme la compagnie Mazelfreten, qui mêle le hip hop et l’électro, avec une énergie de fou et adaptée à la danse contemporaine, avec beaucoup de sentiments. Le théâtre se transformera en boîte de nuit à la fin du spectacle pour danser ensemble. On aura aussi Anne Nguyen que l’on connaît bien, le Jeune Ballet d’Aquitaine qui nous prépare un programme spécialement conçu pour le festival avec uniquement des œuvres de femmes. Je représenterai le Ballet de l’Opéra de Bordeaux avec Oleg Rogachev, sur une pièce de notre collègue Marina Kudryashova qui est aussi chorégraphe.

Et qu’est-ce que l’on pourra faire d’autres à part voir des spectacles ?

Il y aura une grande barre sur la plage menée par Marie Roptin, une professeure de danse de la région. Les spectacles se font sur bande-son mais j’avais envie de musique live, il y aura donc un concert de la pianiste Vanessa Gardebien, quelque chose de ludique et pédagogique autour des musiques de ballet. Elle nous a trouvé plein d’anecdotes géniales sur ces musiques qu’elle va nous partager. On aura aussi une sorte de café-conférence au cœur de la ville avec Florence Lassalle, une encyclopédie vivante de la danse, qui nous parlera des femmes dans le monde de la danse.

Affiche du festival Essenti(Elles)

Est-ce que le festival Essenti(Elles) a vocation à revenir les saisons prochaines ?

Dès que j’ai commencé à communiquer sur le festival, j’ai reçu tellement de demandes que l’on a presque une programmation bouclée pour la saison prochaine ! Nous n’avons eu que quelques mois de préparation, nous n’avons donc pas pu avoir pas mal de subventions. Pour la saison prochaine, nous nous préparerons bien plus en amont. J’adore faire une programmation. Je propose ma vision des choses dans ce festival, et ma vision va s’affiner d’année en année, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup.

Le festival Essenti(Elles) les 5 et 6 juillet au Vieux-Boucau.

Une cagnotte est en ligne pour soutenir le festival.

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