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[Vaison Danses 2025] Junior Ballet de l’Opéra de Paris – George Balanchine / Maurice Béjart / Annabelle López Ochoa / José Martinez

Après Versailles, Londres et Athènes, le Junior Ballet de l’Opéra National de Paris a réservé à Vaison Danses sa première date française estivale. La soirée en quatre temps regroupe George Balanchine, Maurice Béjart, Annabelle López Ochoa et José Martinez. Un programme exigeant, magnifiquement porté par les dix-huit artistes du Junior Ballet qui démontrent de belles qualités au sein de cette compagnie éphémère, laissant déjà percer de fortes personnalités artistiques.

 

Mi Favorita de José Martinez – Junior Ballet de l’Opéra de Paris

 

Après le hip hop de Mourad Merzouki, deuxième escale au festival Vaison Danse pour un tout autre programme : celui du Junior Ballet de l’Opéra de Paris, troupe de jeunes talents qui fête tout juste sa première année d’existence. Ce n’est pas tous les jours que l’on annonce la création d‘une compagnie de ballet. Voulue par le Directeur de la Danse de l’Opéra de Paris José Martinez, le Junior Ballet se propose d’être un trait d’union entre l’École de Danse de l’Opéra de Paris et la compagnie. Les dix-huit danseuses et danseurs sélectionnés parmi 1.000 candidatures bénéficient durant deux ans d’une formation d’excellence, des infrastructures de la troupe, d’un programme dédié et d’une très longue tournée en France et à l’étranger, qui a débuté en juin dernier. Le choix des quatre pièces qui composent le programme, soigneusement sélectionnées par José Martinez, raconte à sa manière une partie de l’histoire de la compagnie et celle de son Directeur de la Danse qui y fut Danseurs Étoile.

Comme l’a rappelé la journaliste Laura Cappelle qui présentait la soirée, George Balanchine, fondateur du New York City Ballet et probablement le plus grand chorégraphe du XXe siècle, a eu des liens très étroits avec la compagnie parisienne. Il eût pu en devenir le directeur si les choses avaient tourné de manière différente. Il créa sur la scène du Palais Garnier le fameux Palais de Cristal repris ensuite par le NYCB sous le titre Symphony en C. George Balanchine réinventa le vocabulaire académique hérité de Marius Petipa qu’il avait dansé à Saint-Pétersbourg. Il invente des ballets sans sujet, sans livret, où le geste se suffit à lui-même. Il affine la technique de pointe, imagine des symétries nouvelles en bâtissant des lignes rigoureuses et complexes. Enfin, il introduit la vitesse et choisit des partitions qui sont le plus souvent des chefs-d’œuvre. Tchaïkovski était son compositeur préféré et c’est sur son singulier Troisième Concerto pour piano qu’il chorégraphia en 1956 Allegro Brillante, entré depuis au répertoire de l’Opéra de Paris. Et c’est un concentré de l’art de George Balanchine en 13 minutes, qui s’organise autour d’un couple et d’un petit corps de ballet, d’un romantisme inouï accentué par les costumes de Barbara Karinska. Foin des tutus mais à la place de petites jupes que l’on retrouvera dans nombre de pièces de George Balanchine. Les dix danseuses et danseurs se lancent dans cette aventure difficile avec brio et sans trembler : le travail de pointes est raffiné et précis, les enchaînements et les enlacements sont irréprochables et malgré quelques menus décalages, la musicalité est au rendez-vous malgré le tempo infernal. Le couple de solistes constitué d’Angélique Brosse et Santiago Sales Manzanera n’a pas grand-chose à envier à ses aînés. Il faudra encore travailler sur les expressions du visage quelque peu figées mais la danse est remarquable.

 

Allegro Brillante de George Balanchine – Junior Ballet de l’Opéra de Paris

 

Après cette entrée en matière de très haut niveau, place à une nouvelle venue qui fait enfin son entrée au répertoire. Annabelle López Ochoa, chorégraphe belge qui aime utiliser le vocabulaire académique et le faire résonner avec un geste plus contemporain, offre avec Requiem for a Rose un moment de grande pureté stylistique sur une musique de Schubert. Au centre, une danseuse en collant, sans pointes, cheveux défaits avec à la bouche une rose. Personnage énigmatique alors que la danse penche davantage vers une esthétique contemporaine. Elle est rapidement rejointe par douze danseuses et danseurs en jupe rouge courte et bouffante, tel un tutu moderne qui se drape élégamment. Annabelle López Ochoa a un savoir-faire remarquable. Si son utilisation des pointes est d’un classicisme total, elle invente un langage élaboré du haut du corps, n’hésitant pas à casser les lignes, ajoutant des portés audacieux et acrobatiques. C’est un ballet qui laisse sa chance à tout à chacun en offrant des moments en solos. Dans le rôle de la rose, Shani Obadia irradie la scène et annonce une forte personnalité artistique.

On peut en dire tout autant de Typhaine Gervais, soliste de Cantate 51, pièce de Maurice Béjart sur le thème de l’Annonciation. Le rôle de soliste est le plus grand intérêt de cette pièce, il concentre une grande partie du style de Maurice Béjart. Pieds nus et en justaucorps, la danseuse se plie, se déplie, se tord aussi dans des mouvements au sol qui évoquent parfois le fameux solo La Luna. Typhaine Gervais est fort bien entourée par ses partenaires dans ce ballet moins nécessaire que les deux précédents.

 

Cantate 51de Maurice Béjart – Junior Ballet de l’Opéra de Paris

 

Il fallait pour clore la soirée une pièce qui rassemble toute la compagnie. José Martinez a donc retravaillé pour 18 danseuses et danseurs Mi Favorita, sa toute première chorégraphie élaborée en 2002 pour un groupe de jeunes danseuses et danseurs de l’Opéra de Paris. Il rend ainsi hommage à tous ses maîtres qui l’ont formé et accepte « que toute ressemblance avec des ballets existants ne soit pas fortuite « . De Marius Petipa à George Balanchine, de Rudolf Noureev à William Forsythe, il s’amuse à concevoir une sorte de florilège déclinant toutes les variantes de la technique classique. Les costumes en camaïeu de rouge et de bordeaux conçus par Agnès Letestu, et la musique de Donizetti, fédèrent l’ensemble et les artistes du Junior Ballet s’exécutent avec la dose d’humour que José Martinez a instillé dans Mi Favorita, une manière aussi de désacraliser le ballet classique.

Ce programme va tourner abondamment dans les mois à venir et on ne peut que s’en réjouir. Les artistes du Junior Ballet pourront ainsi alterner dans les rôles de solistes et se frotter à ce qu’il y a de meilleur dans le répertoire académique. Ils démontrent sur scène un engagement et un enthousiasme constant. Avec ce projet inédit, José Martinez a réussi son pari d’adjoindre une compagnie junior au Ballet de l’Opéra de Paris.

 

Requiem for a Rose d’Annabelle López Ochoa – Junior Ballet de l’Opéra de Paris

 

 

Programme du Junior Ballet de l’Opéra de Paris. Allegro Brillante de George Balanchine ; Requiem for a Rose d’Annabelle López Ochoa ; Cantate 51 de Maurice Béjart ; Mi Favorita de José Martinez. Avec Jaime Almaraz Baizan, Davide Alphandery, Eve Belguet, Grace Boyd, Angélique Brosse, Typhaine Gervais, Jansu Lee, Yoon Seo Lee, Mei Matsunaga, Sergio Napodano, Shani Obadia, Isaac Petit, Laura Ravera, Santiago Sales Manzanera, Emryck Sanchez Raffy, India Shackel, Jackson Smith Leishman et Natalie Vikner. Mercredi 16 juillet 2025au Théâtre antique de Vaison-la-Romaine dans le cadre du festival Vaison Danses. À voir en tournée le 18 juillet aux Nuits de la Citadelle à Sisteron, le 25 juillet à l’Opéra de Vichy, et en tournée en France, en Europe et dans le monde durant toute la saison 2025-2026.

Vaison Danses continue jusqu’au 23 juillet

 
 
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