Thursday, Jun. 1, 2023

Don Quichotte : Alice Renavand et François Alu [Ballet de l’Opéra de Paris]

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20 décembre 2012

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Samedi 8 décembre 2012. Don Quichotte de Rudolf Noureev, par le Ballet de l'Opéra de Paris, à l'Opéra Bastille. Avec Alice Renavand (Kitri), François Alu (Basilio), Amandine Albisson (la Reine des Dryades), Marine Ganio (Cupidon), Mathieu Botto (le Gitan), Florimond Lorieux (Espada), Laura Hecquet (la Danseuse de rue), Guillaume Charlot (Don Quichotte), Hugo Vigliotti (Sancho Pança), Eric Monin (Gamache) et Pierre Rétif (Lorenzo). 

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Souvenez-vous. Lors de mon article sur les distributions de Don Quichotte (devenu assez obsolète au vu des changements), je signalais que la prise de rôle la plus intéressante serait sûrement celle d'Alice Renavand. Je me permets un peu d'auto-congratulation : j'avais raison. Un partenaire souffrant a finalement remis François Alu sur scène, ce qui ne m'a on ne peut plus convaincu de prendre un billet. Pour lui, sa réussite dans cette prise de rôle n'était pas vraiment une surprise, mais le voir danser, décidément, ça ne se rate plus.

Alice Renavand et François Alu ne sont pas forcément le couple plus harmonieux du monde. Sur scène, ce sont des frères et sœurs qui se chamaillent, des cousins-cousines complices ou des amis d'enfance taquins. Mais pas vraiment un couple d'amoureux transis. Tant pis, cette soirée ne racontera pas la plus belle histoire d'amour du monde, mais ce n'est pas très grave, tant le bonheur de danser de ces deux artistes était un véritable régal.

Dès son entrée, Alice Renavand s'empare du rôle. Enfin une entrée qui se remarque d'ailleurs ! La danseuse semble déjà très à l'aise en Kitri. Sans jouer à la fausse ingénue, la voilà en femme fatale, séductrice et glamour, tirant par l'oreille l'encore adolescent qu'est son partenaire. Sa danse est belle, brillante, assurée... et elle est drôle ! Et oui, Alice Renavand ne touche pas que dans les rôles contemporains dramatiques. Elle a aussi un beau sens du théâtre, l'art de la pantomime, elle s'amuse sur scène et elle sait faire rire. François Alu, désormais attendu, ne déçoit pas lui non plus, même si on n'est un peu dans une autre dimension. Il claque deux sauts écarts dès son entrée, et c'est parti. Il n'a que 19 ans, mais donne déjà l'impression de danser ce rôle depuis longtemps tant c'est maitrisé. Les sauts s'envolent, les pirouettes sont délicieuses. Chaque geste est pensé, voulu, réfléchi, la virtuosité n'est jamais là sans raison. Dès qu'il arrive sur scène, avant même de faire un pas, son enthousiaste est communiquant.

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Alors les deux ensemble, cela donne un premier acte réjouissant. Tant pis pour les portés à une main, difficiles à faire entre eux, mais on a eu le droit à la place à deux portés poissons précédés d'un "Je jette ma partenaire en l'air pour mieux la rattraper" du plus bel effet. Entraîné par cet enthousiasme, le corps de ballet était très en forme, impliqué, porté par des solistes joyeux : des amies de luxe Charline Giezendanner et Mathilde Froustey, qui décidément s'accorde bien avec François Alu, Florimond Lorieux impeccable en Espada, Hugo Vigliotti déchaîné en Sancho Pança à regarder sous les jupes des filles... On rit, on s'amuse et on se régale.

Le deuxième acte fut à cet égard un peu décevant, déjà qu'il est naturellement un peu longuet, eu égard à la longue scène de pantomime autour de Don Quichotte. Malgré Mathieu Botto tout à fait honorable en Gitant, le corps de ballet semblait accuser un peu la fatigue. Les Dryades étaient totalement désalignées, Amandine Albisson restait crispée en Reine, il manquait de la magie à la scène de la Vision. Alice Renavand y était un peu moins à l'aise et techniquement, ça ne pardonne pas. Mais malgré un début de variation moyen, la danseuse a très bien terminé, et l'on reste au final sur une bonne impression de sa Dulcinée. Le lyrisme gagnerait à être accentué, les bras à être travaillés, mais c'est pour pinailler. La star reste toutefois le Cupidon de Marine Ganio, absolument délicieux de précision et de style. Un petit coup de tête, un doigt délicatement posé sous le menton, une technique de fer et beaucoup de musicalité... Cette variation fut courte, mais quel régal.

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Le troisième acte, heureusement, repartit sur de bonnes bases. Alice Renavand et François Alu avaient décidément envie de s'amuser ce soir-là, et la scène de la taverne fut drôle et savoureuse. L'adage fut par contre inquiétant. Les deux danseurs paraissaient crispés, tendus, les équilibres furent tremblotant et pour tous les deux, cela semblait être comme un mauvais moment à passer. Un long moment à passer, cet adage est interminable quand il s'y met. Mais là encore, ce ne fut pas bien grave. Car dès le dernier équilibre terminé, Alice Renavand retrouva toute sa fougue et abattit une dernière variation de haute volée. François Alu sauta encore plus haut, les deux tournèrent en une série de fouettés bien envoyés, et tout le monde termina sur un final enthousiasmant. Le tout encouragé par un public déchaîné (il y avait visiblement des fans), ce qui joue aussi pour passer une bonne soirée.

Si le couple Alice Renavand et François Alu n'a pas forcément été une révélation, cette soirée reste en tout cas très positive pour ce deux artistes. Ce n'est désormais plus un questionnement, mais un fait, lui est exceptionnel. C'est un soliste dans l'âme qui n'a peur de rien. Il a 19 ans, encore vingt ans de carrière devant lui, et très égoïstement, je me réjouis d'avance de ces 20 années à venir.

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Pour elle, évidemment, on ne joue pas dans la même cour. N'empêche que cette prise de rôle d'Alice Renavand fut une réussite. Cantonnée dans un répertoire contemporain souvent sombre, où elle excelle d'ailleurs, elle a su montrer qu'elle avait de la ressource. Techniquement, elle n'est pas une Dorothée Gilbert et ne le sera jamais. Mais elle a montré que non, elle ne perdait pas de son charisme une fois les pointes aux pieds, qu'elle pouvait tout à fait tenir un premier rôle d'un grand ballet classique et qu'elle possédait un vrai sens théâtrale et beaucoup d'humour. J'espère que ce succès lui ouvrira d'autres portes quant aux rôles qu'on lui proposera. C'est une artiste qui, à mon avis, peut encore beaucoup surprendre.

Photo 3 © Elendae

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Amélie Bertrand

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