Tuesday, Sep. 26, 2023

Don Quichotte du Bolchoï : épisode 1 (et quel épisode !)

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12 mai 2011

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Mardi 10 mai 2011. Don Quichotte par le Ballet du Théâtre du Bolchoï, au Palais Garnier. Natalia Ossipova (Kitri), Ivan Vassiliev (Basilio), Alexeï Loparevich (Don Quichotte), Ekaterina Shipulina (la Reine des Dryades). 

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Quel mot pourrait résumer cette soirée ? Magique, éblouissante, enthousiasmante... Une soirée comme il y en a peu, et dont on ressort abasourdi-e. 

Le couple Natalia Ossipova et Ivan Vassiliev, et plus généralement la compagnie du Bolchoï, n'avaient en fait donné qu'un aperçu de leur talent vendredi dernier dans Flammes de Paris. Avec un ballet plus consistant, ils laissent place à toute leur démesure. 

Pourtant, le principe est resté le même : qu'importe l'histoire quand on a la bravoure. La pantomime, les personnages sont bien là, mais finalement, ce n'est pas le plus important. Ce qui compte, c'est ce bonheur indicible de danser, présent au plus profond de chacun-e, du couple d'étoiles au dernier-ère des figurant-e-s. Cette impression qu'ils-elles dansaient comme si c'était la dernière fois. Cette envie de dévorer la scène, et de transmettre au public leur plaisir. 

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Comment alors, pour ce dernier, rester de marbre face à un tel déchaînement ? Mieux vaut ne pas essayer de résister, et savourer plutôt sans restriction cet enthousiasme débordant, ce vent de folie qui emporte tout sur son passage. Garnier hier soir s'est transformé en Zénith de Paris, et ce public si sage en groupie de rock stars. Au dela des cris et des applaudissements, il y a eu plusieurs signes qui ne trompaient pas. Pour Fab, ce fut ce petit frisson qui parcourait l'assemblée à chaque préparation de Vassiliev. Ces quelques secondes avant que la musique ne démarre, et où l'on se réjouit d'avance de ce qui va nous arriver. Pour Elendae, ce fut l'absence de toux. Rien, pas même un petit crachotement, n'a surgi du public. Deuxième effet Kiss Cool du Bolchoï, savoir guérir les rhinopharyngites les plus récalcitrantes.

Il y avait Ivan Vassiliev. Je suis définitivement vaincue face à ce phénomène. Mais comment fait-il ? Mais comment est-ce possible ? Quelle importance, savourons et applaudissons. Malgré ses sauts pyrotechniques, jamais il ne se transforme en bête de cirque, tant tout ce qu'il fait est gracieux et musical. Face à lui, Natalia Ossipova donne l'impression d'être un cran en-dessous. Certes, ces jambes tricotent et elle sautent haut, mais une certaine raideur du haut du corps m'empêche d'adhérer vraiment à son personnage. Et pourtant, force est d'avouer que l'on a en face de soi une véritable de star, de celles qui savent tout donner et conquérir un public en un tour de main. Et l'on peut disserter sur ses qualités-ou non- d'actrice, elle est bien la plus crédible des Kitri qui soit, même avec ses mimiques, ses tics et sa bouche ouverte pendant ses grands jetés. 

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Pour le reste, il faudrait citer chaque noms des solistes et du corps du ballet, tant tout le monde a été exceptionnel. Il y a eu les très drôles Loparevich (Don Quichotte), Petukhov (Sancho), Simachev (le père de Kitri) et Savin (Gamache). La pantomime est ici plus proche de la commedia dell'arte, avec une gestuelle très accentuée. Inutile d'apporter vos jumelles. Il y a eu Merkuriev, le toréador très grrrrr et sa partenaire femme fatale au possible. Il y a eu Shipulina, gracieuse et précise Reine des Dryades, que je me réjouis de voir dans Kitri dans deux jours. Il y a eu les danseuses de rue, les tziganes, les dryades, la foule. 

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L'enthousiasme et la folie de cette troupe est telle que l'on pardonne tout : les tutus kitchs des dryades, la perruque improbable de Cupidon, les mimiques accentuées ou les portés de Vassiliev à une main-sur demi-pointe-en arabesque-sans les pieds. C'est du pur plaisir, et puis c'est tout. Qu'importe le reste. 

Dans les couloirs, Dieu tire la tronche et murmure que Rudolf n'aurait sûrement pas apprécié. Quelques danseur-se-s du ballet de l'Opéra de Paris applaudissent mollement avant de partir bien vite une fois le rideau baissé. Certain-e-s ont dû se prendre une claque. Car, même si cela fait finalement peu de temps que je viens à Garnier - quelques années - je n'ai jamais vu un public comme ça, aussi déchaîné. Que doivent penser ces danseur-se-s en entendant ces applaudissements qu'ils-elles n'ont jamais reçu, alors que ce qu'ils-elles montrent chaque jour est beaucoup plus propre, élégant, et mieux joué ? 

En lisant les forums et les blogs, ce sont pourtant des qualités indispensables aux yeux des balletomanes françai-se-s. "Elle surjouait, elle n'était pas vraiment dans son personnage", "Il ne pensait qu'à briller. Et l'interprétation ?". "C'est bien interprété, dommage que son travail ne soit pas plus propre". Ce soir, le Bolchoï a finalement fait un étalage de ce que le public français est censé ne pas aimer : de la brillance avant tout, une pantomime exagérée, une attitude plus rentre-dedans qu'élégante et un travail pas toujours propre. Qu'est-ce qui fait que, pourtant, ce même public a adhéré comme jamais ? L'attrait de la nouveauté peut-être, renforcé par la présence d'Ivan Vassiliev, danseur véritablement hors-norme auquel il serait inutile de comparer qui que ce soit. Et puis cette joie de danse, si communicative, si enthousiasmante.

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Quelle belle soirée décidément. Mon seul souci aujourd'hui est qu'il me reste encore deux soirées Bolchoï, et que je commence à être sérieusement à cours de superlatifs. 

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Amélie Bertrand

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