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Mikhail Baryshnikov, retour sur scène

Jeudi 8 septembre 2011. In Paris de Dmitry Krymov, au Théâtre de Chaillot, dans le cadre des Etés de la danse. Avec Mikhail Baryshnikov, Anna Sinyakina et le Dmitry Krymov Laboratory. 


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Comme les muscles après deux mois sans cours de danse, la plume est un peu rouillée. Hum… par où commencer ? Surtout que je sens que je vais dénoter au milieu des concerts de louanges que je lis un peu partout. 

Commençons par le commencement, à savoir Mikhail Baryshnikov. Sans aucun doute, 99 % du public est venu pour lui, le mythe de la danse encore sur scène. Je savais très bien en allant voir In Paris que je ne le verrais pas danser, mais sa stature d’acteur a dû décontenancer pas mal de spectateur-rice-s.

Mikhail Baryshnikov est un très bon acteur, il n’y a pas l’ombre de’un doute. Il habite son personnage de bout en bout, et joue avec les mots. Si le début est dit en français, il parle la plupart du temps en russe. Et quel régal de se laisser bercer par cette langue, si poétique, mais que l’on entend si rarement sur une scène française. Il est sur ce point comme son personnage. Le danseur joue un ancien général russe, immigré à Paris depuis des années. Il ne doit pas beaucoup parler dans sa langue maternelle. Lorsqu’il rentre dans ce restaurant russe, et qu’il se met à parler à la serveuse, c’est comme si lui-même était émerveillé de s’entendre parler à nouveau dans ce langage, presque oublié. 

Rajoutons à cela sa formidable présence sur scène, ou tout s’illumine dès qu’il bouge un orteil. J’en suis même arrivée à lui pardonner l’usage du micro. Je suis une puriste, le théâtre, ça se joue sans artifice. Et si on n’a pas la technique pour, on ne monte pas sur scène. Mais mon âme de bon public ne s’est pas éclipsé pendant les vacances, c’est Micha tout de même, on lui pardonne beaucoup de choses. 

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In Paris raconte l’histoire d’amour qui va naître en ce général et cette serveuse russe. 30 ans d’écart entre eux, mais réuni-e-s par le statu d’immigré-e. La pièce est basée sur la nouvelle d’Ivan Bunin. Il ne reste pas grand chose du texte, 30 minutes à tout casser. Mais le spectacle dure tout de même 1h30. Alors comment combler ? C’est là où est le problème

Chaque scène est entrecoupée de saynètes plus ou moins abstraites : un peu de vidéo, un peu de chant, un peu de choses indéfinissables. Surtout sans aucun lien entre elles, sans fils conducteur. Impression étrange de voir tout l’attirail d’une pièce arty, avec ce qu’il faut pour avoir l’étiquette de théâtre contemporain, mais sans aucun fond. La proposition de Dmitry Krymov ne m’a absolument pas touchée, parfois profondément ennuyée, alors qu’il a à sa portée une troupe d’une grande valeur.

Quelques moments marchent bien tout de même. Mais si elles arrivent à toucher, ce n’est pas par leur place dans la pièce, mais par leur valeur intrinsèque. Ainsi, le choeur reprend à un moment le Stabat Mater de Pergolèse, a capella. C’est donc l’homme qui chante la partie d’accompagnement. La musique est belle, avec une pointe d’humour qui rend l’interprétation intéressante et fait tilter l’oreille. Un beau moment de musique, sans conteste, mais que vient-il faire dans la pièce ? Mystère non réoslu 48 heures plus tard. 

Idem pour le final, l’un des plus beau moments d’In Paris. Alors qu’un récitant annonce la mort du général, voilà Mikhail Baryshnikov qui se saisit d’un manteau doublé de rouge, et se met à faire le toréador. A moitié marché, à moitié dansé, voilà tout à coup le mythe de la danse qui resurgit devant les yeux du public. Et s’il n’y a pas les sauts de sa jeunesse, il y a cette formidable présence et cette science du geste, qui ont dû affoler tellement de spectateur-rice-s dans son Don José, il y a des années. Un passage encore une fois marquant, mais quel rapport avec la pièce ? C’est là d’où vient l’ennui. Ces saynètes, qui parfois fonctionnent bien, ont l’air d’être dispatchées au hasard, sans réflexion sur ce qui doit les unir

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Krymov avait-il peur que le texte ne se suffise pas à lui-même ? Pour ma part, il était assez fort pour porter la pièce, je suis d’ailleurs ressortie de Chaillot avec l’envie de le lire. Raccourcir le tout n’aurait pas nuit à l’ensemble, à croire qu’il y a toujours cette barre fatidique d’1h15, qu’il faut absolument dépasser pour obtenir le statut de “spectacle” à part entière. 

Je me suis finalement retrouvée assez frustrée, j’aurais aimé découvrir l’acteur Baryshnikov dans une pièce plus consistante. Le public était resté très froid, trop décontenancé ? Les autres blogueuses croisées ce soir-là en sont ressorties enthousiastes. 

Spectacle présenté dans le cadre des Etés de la danse. In Paris, de Dmitry Krymov, avec Mikhail Baryshnikov. Jusqu’au 17 septembre au Théâtre de Chaillot.

Commentaires (3)

  • Estelle

    Merci pour cette critique constructive !! Je suis tellement heureuse d’apprendre que je n’ai pas été la seule à être frustrée… Je ne comprenais pas du tout l’enthousiasme des autres et je me sentais stupide de ne pas avoir aprécié cette pièce.

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  • @Estelle: Tous les goûts sont dans la nature ! Si je n’ai eu que de bons échos en sortant de la pièce, la presse semble toutefois être plus mitigée. 

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  • Je suis en grande partie d’accord avec toi. Ce spectacle laisse sur sa faim… J’ai été profondément touchée par certains passages mais ai moins aimé d’autres.

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