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Orphée et Eurydice : épisode 1

Vendredi 3 février 20121. Répétition générale d’Orphée et Eurydice de Pina Bausch, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Stéphane Bullion (Orphée), Marie-Agnès Gillot (Eurydice) et Muriel Zusperreguy (Amour).

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Pour Orphée et Eurydice, Pina Bausch a choisi la dualité du chant et de la danse. Chaque personnage est dédoublé, une chanteuse et un-e danseur-se, idem pour le choeur. Un véritable magnifique duo.

La danse est après tout une sorte d’instrument de musique dont le corps en est l’objet. Tout comme le chant. (Il est intéressant d’ailleurs, quand on travaille les deux, de s’apercevoir que la position physique de base de ces deux arts est la même). ll n’est plus question ici du danseur sur de la musique, ou de la musique qui porte le danseur. Il est question de mélange, de duos. A voir, à écouter, à ressentir sans séparer les trois sensations.

Orphée et Eurydice est d’autant plus réussie que la musique et la danse sont intrinsèquement magnifiques. Maria Riccarda Wesseling (Orphée) et Yun Jung Choi (Eurydice) n’ont pas forcément beaucoup poussé sur leur voix pour cette répétition générale, mais déjà, quelle musicalité, quelle complicité et quelle présence sur scène. Les excellents chœurs et orchestres du Balthasar-Neumann Ensemble, qui jouaient sur des instruments anciens, ont également rendu toute la valeur de la musique parfois un peu austère de Gluck.

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Et la danse alors ? Ce que j’aime chez Pina Bausch, c’est qu’elle ne s’embarrasse pas de superflu. Il n’y a pas de moment de danse juste pour le plaisir des yeux. Ici, tout a un sens, tout doit servir l’histoire. Celle d’Orphée, prêt à descendre aux Enfers pour aller chercher sa bien-aimée Eurydice.

Un peu comme dans son Sacre du Printemps, la danse est terrienne, quelque part assez sauvage, épurée. Le corps de ballet, qui danse pourtant du Pina Bausch depuis peu de temps, est formidablement à l’aise et investi dans cette chorégraphie. La première partie, le Deuil, est ainsi poignante, avec son armée de jeunes femmes en noir.

La Violence, la deuxième partie, est la descente aux Enfers. Le trio Aurélien Houette, Vincent Cordier et Vincent Chaillet jouent un Cerbère implacable, tandis que les artistes corps de ballet deviennent des âmes en peine barrant le chemin d’Orphée.

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Mais au bout du chemin de croix vient le Paradis, troisième partie, Paix. Après tant de souffrances, voilà la plénitude, dans laquelle baigne Eurydice. Et peut-être n’a-t-elle pas vraiment envie de la quitter, malgré son amour Orphée… Marie-Agnès Gillot est dans ses grands soirs, magistrale. Elle a le rôle dans le bout du corps à force de l’avoir dansé, mais se renouvèle à chaque représentation.

Et Stéphane Bullion alors ? C’est une répétition générale, il est souvent de tradition d’être mesuré-e. Mais je suis une spectatrice. Avec tout le recul qu’il faut prendre, il s’agit d’une répétition, voici ce que j’y ai vu : un danseur à côté.

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Il y a les gestes, l’intention, mais Stéphane Bullion n’est pas dans le ballet. Il est presque trop beau pour danser Pina Bausch. Cet apollon imberbe, qui certes croit en ce qu’il fait, semble sortir de nulle part. Pas assez tranchant, pas assez sauvage. Pas assez naturel peut-être aussi pour cette danse instinctive. Il est passé à côté de Pina Bausch.

Mais ses qualités d’interprète ont su toutefois trouvé leur place dans la quatrième partie, la Mort, le plus poignant passage. Orphée et Eurydice sont réunis, mais dans un cruel dilemme. Lui ne peut la voir, elle ne comprend pas pourquoi. Un duo de souffrance et d’incertitude qui forcément se finit mal. Le regard se tourne, Eurydice retombe dans la mort dans une dernière complainte chantée.

Orphée et Eurydice de Pina Bausch, au Palais Garnier jusqu’au 16 février. 

Commentaires (4)

  • J’ai hâte de voir ce ballet!! Je verrai la même distribution. J’espère que le fait que ça soit une “vraie” représentation changera un peu la prestation de Stéphane Bullion!

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  • Audrey

    Je ne verrai pas ce ballet cette fois-ci (c’est la dernière fois que j’hésite à prendre une place alors que je sais très bien que j’ai envie de voir un ballet), mais j’étais captivée par mon écran quand j’ai regardé le dvd. Chaque danseur et chaque chanteur est dans son rôle, je crois que c’est en partie ce qui rend l’ensemble si poignant. Et aussi ridicule que ça puisse paraître, c’est la première fois que je prends du plaisir à écouter une musique d’opéra (avant j’étais persuadée que c’était pas pour moi) 🙂

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  • elendae

    “presque trop beau pour danser Pina Bausch” : tu as mis le doigt exactement sur quelque-chose qui me dérangeait sans savoir ce que c’était, dans la prestation de Stéphane Bullion ! un comble quand même de se plaindre de ce genre de choses, mais ça n’en demeure pas moins vrai…
    Sa danse était je pense de meilleure facture le soir de la première, il était vraiment là en tous cas. Fabienne qui a assisté aux deux représentations de suite était en tous cas de cet avis.

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  • @ Cams et Elendae : J’ai lu l’avis de Fab aussi, qui était également à la générale. Bullion était apparemment en meilleure forme, même si je ne pense pas que sa prestation ait radicalement changé.

    @Audrey : Mais non ce n’est pas ridicule. L’opéra et le ballet ont très mauvaise réputation, on croit toujours que c’est trop compliqué. Si tu en as le courage, il reste chaque soir quelques petites places en vente au guichet… Mais il faut arriver vers 17h30 pour espérer avoir une place bon marché.

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