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The Goldlandbergs – Emanuel Gat

Il faudra un jour faire une étude approfondie sur la fascination des chorégraphes contemporains pour la musique de Bach. Peut-être parce qu’elle ne s’encombre pas de fioriture, même si très complexe sur le fond, pour toucher au plus juste. Il ne suffit pas simplement de danser dessus, parce que ce serait trop facile. Il faut l’écouter, l’approfondir, comme si la danse était un nouveau contrepoint à la mélodie.

The-Goldlandbergs

The Goldlandbergs d’Emanuel Gat

L’écoute est peut-être ce qu’il a manqué dans The Goldlandbergs d’Emanuel Gat, énième essai chorégraphique sur les Variations Goldberg. L’idée est ici pourtant originale. Plus que le compositeur, le chorégraphe s’est penché sur son plus célèbre interprète, Glenn Gould. Le pianiste avait réalisé des reportages radiophoniques, La Trilogie de la solitude. Emanuel Gat a utilisé le dernier, The Quiet in the Land, sur une communauté isolée au nord du Canada. Interviews, service religieux, répétition d’une chorale d’enfants, réflexions personnelles… Cette sorte de reportage est un patchwork de vie, construisant comme une nouvelle fugue musicale, mélangé aux extraits des Variations Goldberg, pour une magnifique bande-son.

Le geste s’appuie dessus en échos et contrepoints. On y retrouve la grande complexité du geste d’Emanuel Gat, cette façon de décortiquer un mouvement tout en le positionnant dans un ensemble, un geste à la fois fractionné et fluide. Et de l’humour aussi. Le chorégraphe surprend en détournant le geste de son austérité initiale, si souvent utilisé dans la danse sur du Bach, pour un pied-de-nez original, un décalé qui n’était pas attendu, un regard rempli d’ironie et de légèreté.

The Goldlandbergs d'Emanuel Gat

The Goldlandbergs d’Emanuel Gat

Mais voilà, manquait l’écoute de la musique. Pas tout le temps, pas chez tout le monde. Mais suffisamment pour donner un aspect inégal à la pièce. D’autant plus frustrant que, lorsque l’écoute est là, on touche au sublime. Deux danseuses, par exemple, explorent le mouvement avec une infinie précision, le son du piano en échos. Le plié se décale, les bras se développent, prennent l’espace, portés par ces quelques notes. Un ensemble s’amuse aussi sur la chorale en pleine répétition, apportant un délicieux vent de fraîcheur et d’inspiration, comme si effectivement leurs mouvements naissaient de ce reportage si particulier. Mais en majorité, le geste semble déconnecté du son et de la musique, donnant ce sentiment de vide qui fait soupirer : autant de gestes pour rien, quel dommage.

Dommage aussi que l’énergie collective propre à Emanuel Gat, cette dizaine d’électrons libres que sont les interprètes formant un tout qui s’élève tout en gardant leur propre individualité, soit si peu présente. Personne n’est dans son coin, mais l’alchimie n’est pas vraiment là. C’est cette force qui était enthousiaste sur Brilliant Corners, la dernière pièce d’Emanuel Gat. Sur The Goldlandbergs, elle n’apparaît que trop rarement, assez toutefois pour en être frustré-e.

The Goldlandbergs d'Emanuel Gat

The Goldlandbergs d’Emanuel Gat

 

The Goldlandbergs d’Emanuel Gat par l’Emanuel Gat Dance, au Théâtre de la Ville. Avec Hervé Chaussard, Aurore Di Bianco, Michael Löhr, Pansum Kim, Philippe Mesia, Geneviève Osborne, François Przybylski et Milena Twiehaus. Mardi 25 mars 2014. 

Commentaires (3)

  • MUC

    A mon avis, Bach mérite mieux que des sous-vêtements pas vraiment top en guise de costume.

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  • Catherine

    Bach en slip, pourquoi pas : c’était un père de famille nombreuses, affronté aux difficultés matérielles jusque dans son art, car il n’obtenait pas toujours de ses mécènes les effectifs, les musiciens, les dispositifs de salle… qu’il voulait.
    J’ai pour ma part cru assister à une répétition (Maison de la Danse le 15 avril 2014). Spectacle encore en cours de réglage, ou dont les corps des danseurs avaient perdu la mémoire (ne restait plus que la mécanique), bande-son erratique, éclairages approximatifs (calamiteux, le jaune !) comme si quelqu’un, en coulisse, avait reçu la mission d’appuyer au hasard sur l’interrupteur…
    S’il suffit d’être précédé par sa réputation et de brandir deux grandes « marques » (Bach et Gould) pour s’attirer le nuage d’encens dans lequel ces Goldlanbergs ont été noyés par la critique, cela ne peut qu’accentuer la déception du spectateur-lambda (dont je suis) qui a l’impression de s’être fait légèrement enfumé quand il a pris son billet.

    PS. Bach et les chorégraphes contemporains : peut-être parce que sa musique, souvent formidablement cadencée, fournit ainsi aux danseurs des appuis qui secourent d’oiseaux les chorégraphes, comme Gat, en mal d’articulation ?..

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