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Claude Bessy, lignes d’une vie

62 ans. C’est le nombre d’années qu’a passé Claude Bessy dans le Ballet de l’Opéra de Paris. D’abord Petit Rat en 1942, puis quadrille à 14 ans, Etoile dix ans plus tard, directrice du ballet en 1970, avant de prendre la tête de l’Ecole de Danse pendant plus de 30 ans.

Durant toute sa carrière, Claude Bessy a été filmée de très nombreuses fois, qu’il s’agisse de ballets ou d’interviews. A chaque fois, elle a demandé à avoir les rushs, qu’elle gardait précieusement dans son grenier. Il y a quatre ans, Fabrice Herrault, l’un de ses anciens élèves devenu professeur, s’est décidé à se pencher sur ces archives. Il a déjà réalisé quelques portraits de danseurs, et voulait en faire un sur cette personnalité si importante du monde de la danse.

Le résultat donne un film court de 50 minutes, intitulé Claude Bessy, lignes d’une vie, et qui retrace la si riche carrière de l’Etoile au toujours bon franc-parler. Fini en 2010, il a été projeté pour la première fois en France le 4 juin dernier, à la Cinémathèque de la Danse.

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Le film commence d’une assez banale façon. La jeunesse de Claude Bessy dans les couloirs de Garnier est évoquée, à l’aide de photos d’archive. Il est toujours plaisant de se promener dans les couloirs anciens de l’Opéra, mais finalement, l’histoire est déjà connue. Ses dix années dans le corps de ballet passent assez rapidement, avant d’arriver à la partie la plus importante du documentaire : sa carrière d’étoile.

Et c’est là que ce documentaire prend tout son intérêt. D’abord parce que Claude Bessy sait si bien raconter les choses, et avec tant de passion. L’aspect linéaire est cassé pour se concentrer sur quelques événements phare, et surtout sur des personnalités qui ont marqué sa carrière. La danseuse, tout en retraçant son parcours, se pose sur trois noms, trois légendes : Serge Lifar, Gene Kelly et Maurice Béjart. Elle en parle sans langue de bois, faisant marcher la machine à souvenirs avec de nombreux détails. Les ballet qu’elle a créé pour eux, leur façon de travailler, comment l’institution Opéra a réagi autour de ça… C’est, en plus d’un portrait, une véritable leçon d’histoire de la danse.

Ensuite, et peut-être surtout, le documentaire devient ici un véritable trésor en terme de vidéos d’archive de ballets. Fabrice Herrault est allé chercher des passages oubliés, très loin dans le grenier de Claude Bessy. On y voit ainsi de longs extraits des ballets Daphnis et Chloé, Phèdre, d’autres nombreuses œuvres de Lifar, des choses plus dansées depuis longtemps, mais qui avait marqué le répertoire de la compagnie à l’époque. Aussi des grands classiques, comme ces quelques secondes du Lac des Cygnes Claude Bessy s’envole en tutu blanc…. Et puis des ballets plus modernes, comme Le Boléro de Béjart, interprété par Claude Bessy d’une façon particulièrement sensuelle, ou le Pas de Dieux chorégraphié par Gene Kelly. Le génie des claquettes avait fait découvrir à Claude Bessy les plateaux de cinéma, la preuve par un autre extrait, un pas de deux so glamour et so Hollywood 50′, entre la danseuse et Gene Kelly.

Plusieurs choses frappent ainsi dans la carrière de Claude Bessy. Son regard sur scène, intense. Son physique absolument hors-norme, elle était plutôt musclée, très grande pour ses partenaires, très loin des danseuses qu’elle a recruté ensuite pour l’Ecole de Danse. Sa volonté d’avancer aussi, de se frotter à d’autres styles. Et puis ce visage presque parfait, cette grande beauté qui émanait de ses traits. “La Bardot de la danse“, elle ne l’avait pas volé, même si elle était sûrement bien meilleure interprète que l’actrice.

La partie sur sa direction à l’Ecole de Danse reste évoquée très rapidement. C’est peut-être le moment le moins surprenant du documentaire, car composé de reportages bien connus comme Les Enfants de la Danse. On n’échappe pas, bien sûr, à une certaine nostalgie, en regardant les cours dans le Foyer de Garnier, ou tous ces jeunes élèves, futures Etoiles, aujourd’hui presque tous et toutes à la retraite.

L’époque Nanterre est évoquée encore plus furtivement. Et pas question évidemment de parler des polémiques qui ont entaché ses dernières années de directrice. Il s’agit ici d’un portrait hommage, c’est tout. Il est d’ailleurs frustrant que Claude Bessy n’y livre pas ses dernières impressions. Comme expliqué plus haut, il n’y a dans ce documentaire que des images d’archive, aucun plan n’a été tourné en plus. Autrement dit, quand Claude Bessy s’exprime, il s’agit d’extraits de reportages datant de presque dix ans. Un regard avec ces quelques années de recul aurait pu être aussi intéressant.

L’hommage était en tout cas également dans la salle. A la fin de la projection, le public, composée pour une bonne moitié de danseurs et danseuses, a applaudi Claude Bessy pendant cinq bonnes minutes. L’Etoile ne cachait d’ailleurs pas son émotion, que ce soit lors de son discours introductif ou des bravos de la fin.

Alors Claude Bessy, lignes d’une vie, un documentaire nostalgique ? Pas forcément. La nostalgie vient du temps qui passe dans ces 50 minutes, et non pas d’une époque révolue. Ce n’est pas seulement la carrière de Claude Bessy qui défile, mais aussi le chemin de vie finalement banal d’une danseuse, et l’histoire du Ballet de l’Opéra de Paris sur plus d’un siècle. Le documentaire commence par des images de Carlotta Zambelli, professeure de Claude Bessy, dans une vidéo du début du XXe siècle (et qui a d’ailleurs arraché quelques rires à la salle tant la technique de danse a changé). Le tout se termine par Letizia Galloni, encore tout Petit Rat, que l’on voit en pose à la fin du Défilé, derrière Claude Bessy revenue pour sa soirée d’adieux en 2004. Et entre les deux, des dizaines de danseurs et danseuses qui ont fait la vie de cette compagnie. La professeure, l’élève, la danseuse, la professeure, l’élève, la danseuse, la professeure… La boucle continue de tourner.

Commentaires (5)

  • Lola

    Rien qu’à la lecture de ce résumé on comprend l’émotion, la vie qui défile, comme vous le dîtes : l’élève la danseuse la prof … la retraite ! Ce doit être très émouvant pour elle en premier lieu.
    J’essaierai de voir ce film en tous cas.

    PS : pas la peine de me compter pour le concours, je ne pourrai pas aller voir Découflé le 8 juin.

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  • @Lola: J’espère qu’une sortie DVD est prévue, pas de nouvelle pour l’instant.

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  • flo

    et pourra t’on trouver ce documentaire en dvd ? y aura t’il dautres projections ?
    J’ai déjà beaucoup apprécié son livre, ce documentaire me fait très envie.

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  • @flo:Aucune nouvelle pour l’instant d’autres projection ni de DVD, ce serait étonnant s’il n’y en avait pas un tout de même.

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  • Marie P

    Bonjour à tous,
    Qqu’un sait-il comment se procurer ce documentaire ou si une projection est bientôt d’actualité? Mille mercis par avance, M

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