Wednesday, Oct. 4, 2023

[Cinéma] Black Swan de Darren Aronofsky

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9 février 2011

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J'avoue, malgré les avis très positifs de balletomanes lus ici, ou , j'étais assez septique à l'idée d'aller voir Black Swan, de Darren Aronofsky.Trop de clichés, trop de sangs, trop de mutilations, trop de tout.

Je suis ressortie de l'avant-première mardi soir totalement bluffée, et assez bousculée. Si le film ne ma pas tenue en haleine vraiment tout du long (il y avait quelques longueurs au début), il est néanmoins difficile de ne pas en ressortir soufflé-e, notamment face aux 30 dernières minutes, véritablement du grand art cinématographique.

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Black Swan est d'abord un thriller psychologique. C'est l'histoire d'une jeune femme, Nina, sage, qui glisse petit à petit dans la schizophrénie. Danseuse d'une grande compagnie de ballet, elle se voit enfin confier un grand rôle, celui du double personnage Odette/Odile du Lac des Cygnes. La première ne lui pose aucun problème, la deuxième beaucoup plus. Mais elle a en elle cette quête de la perfection, qui la pousse à interpréter au mieux son personnage. Quitte à, tout comme elle, se dédoubler.

Où est la réalité ? Où sont les délires de Nina ? Où est la frontière entre les deux ? Le-la spectateur-rice se pose constamment la question. Le mal-être et le suspens, eux, sont bien là. Darren Aronofsky nous embarque dans son histoire de bout en bout, nous fait vivre un grand huit émotionnel, et nous lâche au bout d'1h40, un peu sonné.

C'est parfois très violent, j'ai du mal à voir une goutte de sang au cinéma, je me suis donc cachée les yeux un certain nombre de fois (et ma voisine a fait un malaise) (le public du 92 est faible). Mais ce n'est jamais gratuit. Cette violence physique (et psychologique) est bien là pour servir le film, servir cette ambiance noire, et jamais pour l'unique plaisir de déranger le public.

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D'un point de vue septième art, Black Swan est donc indéniablement une réussite. A vrai dire, j'avais assez peu de doutes sur le sujet, au vu du réalisateur et des nombreuses critiques positives. Ce qui m'inquiétait, c'était plutôt la façon dont était traité la danse. Et là encore, j'ai été bluffée.

Nina est, a priori, une accumulation de clichés : elle est anorexique, perfectionniste au point d'oublier de vivre, vit chez sa mère surprotectrice qui projettes sur sa fille ses rêves de gloire, et dort au milieux de peluches. Sauf que ce n'est pas la danse qui fait de Nina ce qu'elle est. Mais c'est son histoire, son passé, ses parents et sa psychologie propre qui la rend comme cela. Nina aurait être actrice, comptable, n'importe quoi plutôt que danseuse, elle aurait cette même folie en elle. Les autres ballerines sont d'ailleurs parfaitement normales.

La vie de la compagnie est également bien décrite, sans sombrer dans la caricature totale. Le directeur artistique de la troupe, Thomas Leroy (magistralement interprété par Vincent Cassel), est dur, très dur. Mais, si l'on occulte son aspect prédateur sexuel, il doit y avoir pire que lui. Niveau crédibilité, mon œil d'habituée voit bien que Natalie Portman n'est pas une danseuse, qu'elle n'en a pas les bras. Mais elle est tellement dans son rôle que j'adhère totalement à l'histoire qu'elle me raconte, et que son manque de crédibilité physique passe finalement au second plan. Le mélange avec sa doublure est très bien fait, et le cinéaste se joue complètement de cette difficulté, sans que cela ne choque le public.

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Le cinéaste avait songé à transposer cette histoire dans une compagnie de théâtre. Cela aurait aussi pu fonctionner. Mais en le mettant dans le monde du ballet, il rajoute quelque que seule la danse a : l'engagement physique total, la dureté sur son corps, et en même temps la maîtrise quasi parfaite qu'un-e danseur-se peut en avoir. Black Swan est physique, parce que la danse est physique.

En fait, plus qu'un film sur la danse, j'ai eu l'impression que Black Swan était un film sur Le Lac des Cygnes. Une sorte d'hommage à ce ballet, voir même une relecture. Odette/Odile est omniprésente dans le scénario, et l'évolution de ce personnage se fait en même temps que l'évolution de Nina. Le ballet y est analysé, décrypté, et apparait comme une œuvre formidable de modernité (ce qu'elle est d'ailleurs). La musique de Tchaïkovski est présente quasiment à chaque scène, et porte véritablement l'émotion tout au long du film. Encore plus lors de la dernière partie, la représentation, où Nina fait enfin totalement corps avec Odette/Odile, jusqu'au bout.

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Il y a peu de chance que Black Swan crée des vocations de danseuse. Mais des envie d'aller découvrir en vrai Le Lac des Cygnes, sûrement beaucoup plus.

© Photos : Twentieth Century Fox France

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Amélie Bertrand

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