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Les souvenirs dansés de Jean-Claude Gallotta

Mardi 6 novembre 2012. Racheter la mort des gestes – Chroniques chorégraphiques 1 de Jean-Claude Gallotta, par le Centre Chorégraphique de Grenoble, au Théâtre de la Ville.

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Pour sa nouvelle création, Jean-Claude Gallotta n’est pas allé chercher bien loin l’inspiration. Plutôt que de se pencher sur un mythe de la danse (Le Sacre du Printemps était sa dernière création), la chorégraphe a puisé dans ses propres souvenirs. Souvenirs de danse, souvenirs de musique, souvenirs de film, souvenirs d’amour, souvenir de vie. Il les a mis bout à bout, pas forcément dans l’ordre, pour arriver à cette sorte de journal intime à ciel ouvert que sont ces Chroniques chorégraphiques.

Réaction d’ego surgonflé de croire que l’on peut intéresser le public avec ses souvenirs ? Certains le diront. Pourtant, ce spectacle est absolument sans prétention. Ce qui ne l’empêche pas de raconter beaucoup, et d’émouvoir aussi. Sur scène, il y a sa troupe, celle du CCN Grenoble, et puis des danseurs et danseuses amateurs ou des handicapé-e-s. Chacun se retrouve autour d’un souvenir de Jean-Claude Gallotta. Cela va de Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, de Lawrence d’Arabie à Alain Bashung, d’une jeune femme bourrée croisée dans les rues de Grenoble à son premier métier (danseur dans un obscur cabaret où l’on finit par enlever son string), en finissant par sa mère, décédée. Tous ces petits moments, émouvants, drôles ou bizarres – ou tout ça à la fois -, sont reliés entre eux par un texte de Claude-Henri Buffard, sorte de biographie du chorégraphe racontée par lui-même.

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Bien sûr, il a des souvenirs de danse dans ces Chroniques. Quelques petits extraits de ses grandes pièces, comme Daphnis é Chloé ou L’Homme à tête de chou, apparaissent entre deux improvisations d’amateurs, pour un mélange hétéroclite. Il y a aussi Maurice Béjart, et surtout le Maître Cunningham. “je voulais être le fils de personne et le fils de Merce Cunningham“, pensait ainsi Jean-Claude Gallotta à 30 ans (il en a aujourd’hui 62). Plus qu’un récit de sa vie, ce spectacle est ainsi la vision du chorégraphe sur ce qu’est son métier, et l’art plus généralement. Nos gestes sont cadrés et canalisés depuis notre enfance. Seule deux catégories de personnes arrivent à s’en détacher : les fous, qui sont enfermés, et les chorégraphes. Les vrais gestes sont morts, les chorégraphes rachètent ces décès. En les présentant sur une scène devant des gens immobiles. Et quoi de plus bizarre que de voir de la danse sans pouvoir danser à son tour ?

Là encore, cela peut paraitre prétention (Moi, l’Artiste, le Sauveur des âmes), et encore une fois ce la ne l’est pas. Car Jean-Claude Gallotta se pose en total humilité face à son métier. Ce qui restera en fin de compte, ce n’est pas l’artiste, c’est la Danse, plus forte que tout.

Cette sorte de journal intime pourrait se rapprocher du Panorama de Philippe Decouflé, créé la saison dernière et sorte de best-of du chorégraphe. Mais l’effet n’est pas vraiment le même. Pour le deuxième, on en ressortait avec une véritable impression de mieux connaître le chorégraphe, dans le sens technique du terme : quel est son style, son imaginaire, les outils qu’il aime bien utiliser. L’homme derrière tout ça restait relativement inconnu.

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Avec Racheter la mort des gestes, c’est un peu l’inverse. Jean-Claude Gallotta s’y livre vraiment en tant que personne, ouvre son journal intime et en dit beaucoup sur sa vision des choses de la vie. Mais le chorégraphe n’y est pas vraiment défini. La danse, encore une fois dans l’aspect technique du terme, est morcelée, entre extraits de ses pièces et sorte d’improvisations, et apparait ainsi assez inégale, même s’il y a de beaux moments. On est un peu dans ce défaut de toucher à tout sans vraiment approfondir.

Cette pièce n’est pas en soi d’une grande force dansée, ou d’une folle inventivité chorégraphique. Bien plus que le geste, ce sont les propos et le texte lu qui émeuvent. Mais ils le font si bien que l’on ressort de la salle les yeux remplis d’images et la tête d’émotion. Et aussi de questionnements. Car en réfléchissant sur ce qu’est un chorégraphe, Jean-Claude Gallotta demande aussi ce qu’est un public, et pourquoi se presse-t-il dans une salle pour voir de la danse. Chacun sa réponse.

Racheter la mort des gestes – Chroniques chorégraphiques 1 de Jean-Claude Gallotta, jusqu’au 10 novembre au Théâtre de la Ville.

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