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[June Events 2025] Mossy Eye Moor de Louise Vanneste

La 19e édition du festival June Events, toujours inventif et inattendu, vient croiser un anniversaire. En effet, il y a 25 ans, Carolyn Carlson fondait l’Atelier de Paris à la Cartoucherie. Pour sa programmation, Anne Sauvage, la directrice, a invité des interprètes et des chorégraphes ayant marqué ce lieu comme Daniel Larrieu, Geisha Fontaine et Pierre Cottreau, Joanne Leighton, ou encore Pierre Pontvianne… Durant trois semaines, les pièces présentées vont mettre en lumière la diversité de la création chorégraphique contemporaine. Une danse qui rassemble et engage celles et ceux qui la pensent et la font. Avant la soirée de clôture qui promet d’être un moment festif et bouillonnant de propositions inédites, de nombreux artistes vont se succéder célébrant l’étrangeté et la beauté du vivant. Cap sur un festival qui ouvre la saison estivale avec exigence et soif de découvertes. Parmi elles, la dernière création de la chorégraphe belge Louise Vanneste, déjà présente à June Events avec Earths en 2022. Mossy Eye Moor se lit et se vit comme un acte chorégraphique poétique par l’immersion qu’il offre dans un univers mystérieux et sensible.

 

Mossy Eye Moor de Louise Vanneste

 

Découverte au dernier Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles en mai 2025, Mossy Eye Moor de Louise Vanneste dégage une beauté singulière qui séduit dès les premiers instants. Déjà présentes sur le plateau, deux danseuses évoluent imperceptiblement dans un milieu dont on ne saurait dire s’il évoque l’eau ou l’air. Dans ce projet, la chorégraphe s’est intéressée aux phénomènes géologiques qui vont donner naissance à des mouvements de hasard.

Dans Earths (2021), elle explorait déjà la relation au végétal et, dans le solo 3 jours, 3 nuits  (2024), elle tissait des liens avec les phénomènes géologiques. Louise Vanneste continue de puiser ses sources d’inspiration dans le rapport à la nature. Mossy Eye Moor s’écrit ainsi dans une atmosphère crépusculaire bercée par des nappes sonores électro, parfois déroutantes. En fond de scène, un texte projeté évoque la Pangée, cet ancien supercontinent qui regroupait il y a des centaines de millions d’années presque toutes les terres émergées. Évoluant dans cet immense rectangle bleuté, entre ciel et mer, les interprètes incarnent ce récit mythologique qui décrit la formation du monde.

 

Mossy Eye Moor de Louise Vanneste

 

Issue d’un cursus de danse classique avant d’intégrer la célèbre école P.A.R.T.S à Bruxelles, Louise Vanneste confirme sa singulière identité chorégraphique, composant une partition où chaque interprète raconte sa propre histoire. Légères ondulations du bassin, bras tendus vers le ciel, poses au sol, les mouvements sont souvent minimalistes, mais dégagent une grande expressivité, perceptible jusqu’au bout des doigts. Chacun.e semble danser dans sa bulle. Comme des électrons libres qui naviguent à vue dans un monde à la fois apaisant et inquiétant. Est-ce l’avènement d’une ère nouvelle ?

Plonger dans cet univers organique, c’est se retrouver face à un quintet qui interroge le lien aux phénomènes naturels qui façonneraient le geste. En sculptant le mouvement avec cette parcimonie poétique, ces êtres hybrides nous invitent à ralentir et à ressentir. L’une sourit, énigmatique, tandis qu’une autre ferme les yeux pour mieux entrer en connexion avec elle-même. On se laisse bercer par cette étrangeté, même si la perplexité peut poindre parfois. La proposition est exigeante, déstabilisante mais fascinante par son esthétique et la présence au plateau de ces cinq interprètes qui dérivent, apparemment sans but.

Ce soir-là, un bord de plateau vient éclairer les parts de mystère laissées par la pièce. Il permet une lecture plus intellectuelle de Mossy Eye Moor alors qu’on aurait pu se contenter d’une approche sensible. Parvenir à mettre en mots la danse n’est pas chose aisée. Louise Vanneste a engagé un travail littéraire qui est venu prolonger, déformer, remettre en jeu le travail chorégraphique. Elle se révèle passionnante et donne à voir toute une démarche proche d’une écologie corporelle qui engagerait la responsabilité artistique à travers une réflexion sur nos gestes et ses conséquences pour autrui et la nature. Comment nous reconnecter aux éléments depuis notre place d’humain dans un monde où « la terre s’est tue » ? C’est l’une des questions qui traversent cette pièce décidément surprenante qui a toute sa place à June Events. Un festival qui accompagne toutes les évolutions de l’art chorégraphique.

 

Mossy Eye Moor de Louise Vanneste

 

Mossy Eye Moor de Louise Vanneste. Avec Eli Mathieu Bustos, Alice Giuliani, Maïté Maeum Jeannolin, Amandine Laval, Castélie Yalambo. Jeudi 22 mai 2025 à La Raffinerie – Charleroi Danse dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. À voir le 5 juin 2025 à l’Atelier de Paris – CDCN dans le cadre du festival June Events qui a lieu du 2 au 20 juin 2025.

 
 
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