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[Nuits de Fourvière 2025] Political Mother: The Choreographer’s Cut de Hofesh Shechter

La saison des festivals d’été a démarré ! Comme souvent, l’ouverture de la saison estivale se fait aux Nuits de Fourvière, et pour cette année avec l’incontournable Hofesh Shechter. Le chorégraphe n’a pas proposé une création, mais un petit retour en arrière avec la reprise de Political Mother: The Choreographer’s Cut, pièce créée il y a une quinzaine d’années. Et pour l’occasion agrandie, transformée et transmise à une nouvelle génération d’artistes. Dans une scénographie impressionnante, violence et danses folkloriques se mêlent dans une transe étrange et pas si pessimiste que cela. L’œuvre y trouve une nouvelle vitalité qui percute tout sur son passage.

 

Political Mother: The Choreographer’s Cut de Hofesh Shechter

 

Political Mother: The Choreographer’s Cut a été un tournant dans la carrière de Hofesh Shechter, l’installant en 2010 au statut de chorégraphe incontournable quand In Your Rooms l’avait fait sortir de l’anonymat trois ans plus tôt. La pièce était marquée d’une rage fulminante, d’une violence brute que l’on ne retrouve plus forcément poussée aussi fortement dans ses créations récentes. Comme si, avec le temps, Hofesh Shechter avait trouvé une sorte de léger apaisement, de sérénité. Revoir ainsi Political Mother: The Choreographer’s Cut, quinze ans après sa création, s’annonce ainsi comme une passionnante redécouverte. Comment la pièce a-t-elle résisté au temps ? Comment résonne-t-elle dans l’œuvre du chorégraphe ? Comment s’en empare toute une nouvelle génération ? D’autant que Hofesh Shechter, forcément, ne reprend pas telle quelle sa pièce. Pour l’ouverture des Nuits de Fourvière, qui marque le lancement de la saison des festivals d’été, le chorégraphe a adapté sa pièce à la grandeur du Théâtre antique de Fourvière, passant de onze à quatorze danseurs et danseuses, et de huit à 23 musiciens et musiciennes. Quand le spectacle démarre, ce sont eux et elles les stars du plateau, dans une scénographie vertigineuse, imposante et exaltante dans un tel lieu. Ils et elles sont installées en fond de scène, sur trois niveaux : des percussionnistes et un groupe de hard rock tout en haut, un ensemble à cordes au milieu, des batteurs de caisses claires en bas. Comme pour chaque pièce de Hofesh Shechter, les lumières – ici signées de Lee Curran – tiennent toute leur place, dessinant l’espace et devenant comme une danseuse à part entière. Ici, elles révèlent chaque étage de musiciens et musiciennes, brutalement, avant de les fondre à nouveau dans le noir.

Ces musiciens et musiciennes sont révélés chacun à leur tour par des lumières puissantes, signées Lee Curran, qui ne cesseront ensuite de rythmer le spectacle. C’est là aussi l’un des signes distinctifs des spectacles de Hofesh Shgecter : le fondu au noir, ces « cuts » qui coupent les scènes dans un enchaînement très cinématographique. En plein air, l’effet visuel est forcément moins frappant, mais le chorégraphe s’adapte avec des lumières parfois aveuglantes, jouant avec la musique pour garder un rythme effréné, notamment les impressionnantes caisses claires ou le chanteur de metal, comme un harangueur de foule du haut de son promontoire.

 

Political Mother: The Choreographer’s Cut de Hofesh Shechter

 

La danse est à cette image : frénétique, éperdue, percutante, portée par une urgence vitale qui bouscule tout sur son passage, en solo ou petits groupes avant que le collectif ne se forme. Au-delà de sa formidable énergie, c’est une danse à double visage qui se dessine. On en perçoit d’abord une grammaire contemporaine appuyée. Pourtant, à y regarder de plus près – ces pas qui scandent le rythme, ces lignes, ces cercles, ces bras légèrement cassés, mains vers le haut implorant le Ciel – c’est bien plus une résurgence des danses folkloriques qui animent les artistes en scène. C’est par elles que Hofesh Shechter a découvert la danse, c’est donc elles qui lui servent de matériel chorégraphique. Mais triturées, intensifiées. Les danseuses et danseuses semblent être comme à l’origine d’une résistance, d’une révolution. Ils se servent pour se défendre aux dangers de notre monde des pas venus du fond des âges mêlés à l’intensité folle et un peu aveugle au danger propre à la jeunesse.

Political Mother: The Choreographer’s Cut est haletante. Aussi un peu étourdissante, aussi bien par son intensité chorégraphique et musicale que par la course éperdue perpétuelle dans lequel semblent plongées ces jeunes âmes en scène, comme aux prises des déferlantes de notre époque, n’ayant que la danse pour lutter. Mais la violence n’a pas le dernier mot. Le groupe de rock laisse place à une chanson douce folk. Et aux mots qui s’affichent en fond de scène, empruntés à l’artiste FOS : « When there is pressure, There is folk dance« . Là où il y a de la pression, il y a de la danse folklorique. Comme si ces artistes, au moins le temps d’une soirée, avaient réussi à vaincre notre violence.

Reste la question, à vrai dire anecdotique, de la scénographie. Le chorégraphe a voulu qu’il y ait une fosse pour le public puisse vivre le spectacle en mode concert et danser avec les artistes. Malgré l’énergie puissante du spectacle, cela ne fonctionne pas franchement. Un peu comme pour la création 360 de Mehdi Kerkouche, qui recherchait le même effet auprès du public, ceux et celles debout devant la scène restent assez sages et sont vraiment devant un spectacle de danse, et non pas un concert. Étant assise en gradin, je me suis posé la question du pourquoi. Ma réponse est qu’il manque quelqu’un ou quelque chose pour casser le quatrième mur. En concert, le chanteur ou la chanteuse dialoguant avec le public crée ce lien. Ici, personne ne tient ce rôle, pas même le chanteur du groupe de metal. Le quatrième mur n’étant pas brisé, il est difficile pour le public de ne pas rester dans une position unique de spectateurs et spectatrices. Cela n’empêche pas, ceci dit, d’apprécier pleinement le spectacle, qui n’a finalement pas besoin de cela pour être puissant.

 

Political Mother: The Choreographer’s Cut de Hofesh Shechter

 

Political Mother: The Choreographer’s Cut de Hofesh Shechter (chorégraphie et musique). Avec Marion Barbeau, Jack Butler, Chieh-Hann Chang, Jill Su-Jen Goh, Bruno Guillore, Evelyn Hart, Charles Heinrich, Philip Hulford, Evelien Jansen, Adam Khazhmuradov, Oscar Jinghu Li, Rosalia Panepinto, Attila Rónai et Hannah Shepherd (danseuses et danseurs), James Adams (guitare basse), Andrew Davis (contrebasse), Christopher Allan (premier violon), Rebekah Allan, India Blackshaw, Colin Norrby et Robert Springgs (violon), Laura Anstee, Lucy French, Alison Gillies, Thomas Gregory et Desmond Neysmith (violoncelle), Joseph Ashwin, Joel Harries et vincenzo Lamagna (guitare), Dominic Goundar (chef d’orchestre et caisse claire), Ronan McKee et Jordi Riera (caisse claire), Edward Hoare, Norman Jankowski, James Keane, Moshe Kop et Gustavo Sassone (percussion). Mercredi 4 juin 2025 au Grand Théâtre antique de Fourvière, dans le cadre des Nuits de Fourvière.

Le festival Les Nuits de Fourvière continu jusqu’au 26 juillet : le Cirque Queer du 12 au 20 juin, Benjamin Millepied les 17 et 18 juin, Israel Galván & l’Orchestre national de Lyon le 26 juin…

 
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