iLaUNA – Collectif Bilaka
Dans le cadre du festival Faits d’hiver, le collectif basque Bilaka investit le Théâtre de la Ville avec iLaUNA. Fruit de la collaboration avec le duo musical Adar, cette pièce, qui met en scène un rituel de célébration des défunts, jongle habilement entre traditions et modernité pour un voyage chorégraphique et musical suspendu.

iLaUNA – Collectif Bilaka
À l’origine un groupe d’amateurs et d’amatrices venues de Bayonne, réunis par une passion pour la culture basque, le collectif Bilaka a réussi à se professionnaliser et à imposer sa présence dans le paysage chorégraphique français. Toujours avec une volonté de faire connaître leur patrimoine culturel régional au plus grand nombre, ses créations mélangent les danses et musiques traditionnelles à des esthétiques plus actuelles. En plus de leurs activités scéniques, ces artistes organisent des bals populaires dans une optique de redonner à la danse son rôle social. Régulièrement invité au Festival le Temps d’Aimer la danse de Biarritz, c’est à cette occasion que DALP avait eu l’opportunité de découvrir le travail de ce collectif en 2021. Avec la pièce Saioak, Bilaka montrait la belle virtuosité de la technique basque, tout en l’ancrant dans une dimension moderne, mais l’utilisation de la vidéo venait parasiter inutilement l’ensemble. Malgré cette déconvenue, cette création laissait voir de belles promesses. Leur venue au Théâtre de la Ville, dans le cadre du festival Faits d’hiver, offrait ainsi l’occasion idéale pour apprécier leur évolution.
Cette fois-ci, la troupe présente une création de 2023 intitulée iLaUNA, ce qui signifie « Lune éphémère », qui est une collaboration entre Bilaka et le duo de musicien.ne.s-chanteur.euse.s Adar. Celle-ci propose de revivre la tradition du gau baltza, une célébration des morts dans la culture basque. Un rituel qui intervient à la pleine lune d’automne, alors que les jours raccourcissent, et vient marquer la fin des moissons. Une fête populaire qui souligne les aspects éphémères de la vie. L’aspect fédérateur, au cœur des valeurs de Bilaka, se fait sentir dès l’entrée en salle Rotonde du Théâtre de la Ville. Juché au-dessus de l’auditorium principal, cet espace offre une grande proximité avec le public. Impression renforcée par l’ajout de rangées de sièges sur les côtés au niveau du plateau, telle une salle des fêtes prête à accueillir une soirée dansante.

iLaUNA – Collectif Bilaka
Alors que les lumières se tamisent, les voix et instruments se font entendre de chaque coin de la pièce, tel un appel de ralliement. Les deux musicien.ne.s entrent en premier suivi.e.s par le quatuor dansant. Commence alors la première danse. Se faisant face comme dans un quadrille, les danseurs et danseuses se lancent dans une phrase chorégraphique mêlant tours et sauts. Au fur et à mesure cette phrase évolue, les places s’échangent au sein de la formation et les gestes se font plus amples. Un effet accentué par les manteaux qu’iels portent, constitués de balles reliées par des fils, donnant une impression de spirale lors des tours. Le son de ses balles qui s’entrechoquent vient contribuer à l’accompagnement musical, faisant de ce quatuor des percussions vivantes.
La chorégraphie dynamique instaure une ambiance festive qui donne envie de se lever de son siège et d’aller les rejoindre sur le plateau. Cette danse traditionnelle, peu présente sur les scènes chorégraphiques, fascine, voire hypnotise, par sa richesse derrière une apparente simplicité. Le mariage entre les pas de traditions basques et la gestuelle moderne fonctionne à merveille et fait vraiment la force de cette création. Le dialogue entre musique et danse et la fusion tradition et modernité – le cœur de pièce – prennent alors tout leur sens. Les tableaux qui délaissent l’aspect folklorique paraissent ainsi plus convenus et moins percutants.

iLaUNA – Collectif Bilaka
Cette création trouve sa force également dans un très beau travail de lumière, illustrant parfaitement la nuit qui s’écoule au fur et à mesure de la représentation. Parmi les images les plus marquantes, je retiens particulièrement le passage où les danseurs évoluent autour de la seule soliste féminine, figée sous un halo de lumière alors que de la terre tombe des cintres sur elle. Le Sacre du printemps, ballet qui met également en scène des rites ancestraux, n’est pas loin. Après une dernière danse dynamique et grisante, iLaUNA s’achève sur un moment d’introspection. Dans une lumière orangée symbolisant l’aurore, les interprètes – danseur.euse.s comme musicien.ne.s – forment une ronde pour effectuer ce qui ressemble à une prière. Leurs voix se joignent a cappella pour un chant polyphonique. Une belle communion finale qui vient souligner le caractère sacré des divers mouvements qui viennent d’être exécutés.
Avec cette pièce, le collectif basque synthétise à merveille son état d’esprit : faire découvrir la culture de sa région dans des créations grand public où la musique et la danse dialoguent constamment. Objectif réussi avec iLaUNA qui offre une parenthèse hors du temps tout en montrant une danse que l’on n’a pas toujours l’habitude de voir. Une jolie surprise qui donne envie de suivre leurs aventures chorégraphiques.

iLaUNA – Collectif Bilaka (image d’illustration)
iLaUNA du collectif Bilaka. Avec Arthur Barat, Zibel Damestoy, Ioritz Galarraga, Oihan Indart et les musiciens et musiciennes du duo Adar Arnaud Bibonne, Maider Martineau. Mardi 11 février 2025 au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt. À voir le 13 avril 2025 au Complexe Saint-Louis (Saint-Palais, 94).