Ballet du Capitole – Programme Forsythe/Dawson/Godani
Le Ballet du Capitole n’aura pas fait de longue pause hivernale. Après une série de Don Quichotte à Toulouse, la compagnie est venue pour un soir seulement à Montrouge dans le beau Théâtre Le Beffroi. Un programme en trois parties sous le parrainage virtuel de William Forsythe. Encadrant l’une de ses œuvres phares, The Vertiginous Thrill of Exactitude, Kader Belarbi avait puisé dans le répertoire du Capitole deux chorégraphies dont les auteurs ont en commun d’avoir collaboré avec lui : le britannique David Dawson avec A Million Kisses to My Skin et l’italien Jacopo Godani avec A.U.R.A. Trois œuvres contemporaines qui, à l’instar du maitre américain, continuent avec bonheur d’utiliser et de transformer le vocabulaire classique qui convient à merveilles aux artistes du Ballet du Capitole.
Commençons donc comme il se doit par William Forsythe, dont on mesure à voir ce programme à quel point il a marqué de son empreinte les chorégraphes européens qui persistent à enrichir le répertoire néo-classique. The Vertiginous Thrill of Exactitude, créé en 1996, occupe une place de choix dans l’œuvre du chorégraphe. Cette pièce, qui est au répertoire de nombreuses compagnies classiques, est une forme d’hommage à Marius Petipa et George Balanchine. En 11 minutes, sur le dernier mouvement de la neuvième Symphonie de Franz Schubert, William Forsythe distille tout son savoir-faire en citant le vocabulaire classique, n’écartant aucune difficulté technique dans une succession de solos, pas de deux, pas de trois ou pas de cinq. Et cela va à toute allure. The Vertiginous Thrill of Exactitude joue comme un baromètre de la qualité des solistes d’une compagnie. La distribution choisie par Kader Belarbi est excellente, non seulement dans l’exécution des pas mais aussi dans le style. Davit Galstyan et Philippe Solano pour les danseurs, Natalia de Froberville, Tiphaine Prévost et Kayo Nakazato pour les danseuses, sont irréprochables et font passer avec gaieté ce “frisson vertigineux de l’exactitude”.
En prélude, la soirée avait débuté avec A Million Kisses to My Skin de David Dawson, créé pour le Het Nationale Ballet en 2000 et entré au répertoire du Ballet du Capitole en 2014. La chorégraphie s’organise avec six danseuses et trois danseurs. Il y a une musicalité intense du chorégraphe dans l’utilisation du Concerto pour clavier N°1 de Jean Sébastien Bach, en particulier dans le mouvement central, où David Dawson imagine trois pas de deux différents sur la même séquence musicale. Natalia de Froberville et Ramiro Gomez Samon ouvrent le bal, suivis de Davit Galstyan et Julie Charlet (les quatre Étoiles de la compagnie !), enfin Kateryna Shalkina et Minoru Kaneko. Les trois couples sont épatants, élégants, nuancés et déployant un style qui lorgne davantage vers George Balanchine. Au final, A Million Kisses to My Skin est un ballet plaisant bien qu’un peu trop sage.
Jacopo Godani offre une pièce plus ambitieuse. A.U.R.A, acronyme pour Anarchist Unit Related to Art (tout un programme en soi…) est la seule à ne pas être dansée sur pointes. Et contrairement aux deux oeuvres précédentes, elle n’est pas construite pour des solistes mais pour un ensemble de douze danseuses et danseurs. Pas de partition classique mais un son électro-acoustique signé Ulrich Müller et Siegfried Rössert, des costumes unisexes et des lumières tout en contraste réalisées par Jacopo Godani lui-même. Tout cela dessine un univers cohérent qui convient au style du chorégraphe itialien, évoquant immanquablement celui de William Forsythe : hyper extensions à foison dans une géométrie sophistiquée où alternent symétrie et asymétrie. Le Ballet du Capitole excelle dans cette pièce généreuse pour la troupe. Bref ! Un “Triple Bill” de haut vol comme disent les anglo-saxons.
Programme Forsythe/Dawson/Godani par le Ballet du Capitole au Théâtre Le Beffroi de Montrouge. A Million Kisses to My Skin de Jacopo Godani avec Sofia Camitini, Julie Charlet, Natalia de Froberville, Solène Monnereau, Kateryna Shalkina, Alexandra Surodeeva, Davit Galstyan, Ramiro Gomez Samon et Minoru Kaneko ; The Vertiginous Thrill of Exactitude de William Forsythe avec Natalia de Froberville, Kayo Nakazato, Tiphaine Prévost, Davit Galstyan et Philippe Solano. A.U.R.A. de Jacopo Godani avec Dafne Barbosa, Manon Cazalis, Louise Coquillard, Olivia Lindon, Solène Monnereau, Yuki Ogasawara, Martin Arroyos, Timofiy Bykovets, Simon Catonnet, Minoru Kaneko, Jérémy Leydier et Nicolas Rombaut. Mercredi 16 janvier 2018.