Printemps de la Danse Arabe – Un autre regard sur les chorégraphes contemporains
La seconde édition du Printemps de la Danse Arabe à Paris s’est ouvert le 22 mars avec une soirée inaugurale présentant une création (Et si demain de Nidal Abdo par le collectif Nafass) et deux reprises (Jusqu’à L. d’Akeem H.Ibrahim et Soyons Fou de Salim Mzé Hamadi Moisi par la compagnie Tché-za vues à Suresnes Danse). C’était le coup d’envoi d’une manifestation qui cette année est accueillie dans sept lieux partenaires et tente d’avoir une ampleur plus large afin d’attester de la vigueur de la danse contemporaine sur les deux rives de la Méditerranée et au-delà. Une soirée d’ouverture inégale où l’on pouvait regretter l’absence de danseuses et de chorégraphes féminines mais qui a rempli sa mission : mettre sur scène des artistes qui ont en commun d’être confrontés à l’exil et à la guerre.
Quand Marie Descourtieux est arrivée à l’Institut du Monde Arabe il y a trois ans pour y diriger les actions culturelles, elle a constaté que la danse y était le parent pauvre : « Il n’y avait que la danse orientale et je me suis dit que c’était un peu insuffisant et qu’il fallait montrer ce qui se fait aujourd’hui« , explique-t-elle. L’an dernier fut un peu une édition zéro et ce printemps 2019 marque le véritable lancement d’une manifestation qui a pour ambition de durer et de susciter de nouvelles collaborations.
Premiers à fouler la scène de l’auditorium de l’Institut du Monde arabe, le collectif Nafass dirigé par le danseur et chorégraphe ukraino-palestinien Nidal Abdo. Né dans le camp de Yarmouk en Syrie, il fut membre de la troupe de la prestigieuse compagnie libanaise des ballets Caracalla, ce qui lui permit de faire le tour du monde. L’an dernier, il décide de créer sa propre troupe et s’installe à Paris en fédérant autour de lui des amis qui ont en commun l’arabe et la danse et qui partagent des expériences douloureuses dans leur pays d’origine. Naffass signifie en arabe « respiration profonde », celle que l’on prend pour danser mais aussi pour continuer à avancer dans un environnement troublé au quotidien par la guerre. Et si demain explore cette thématique et constitue la proposition artistique la plus aboutie de cette soirée. Les quatre danseurs, torses nus (une constante de ce programme) offrent une variation sur ce thème de la guerre omniprésente et de ses conséquences mentales et physiques. Les corps se tordent, chutent, sont déplacés avant de se retrouver tous ensemble. Et si demain se déploie comme une longue phrase chorégraphique fluide, toute en rondeur et d’une infinie douceur malgré les références sombres qui la nourrissent. Elle nécessiterait d’être un peu resserrée et la scène de l’auditorium de l’IMA ne la servait pas au mieux. Mais c’est un début très prometteur pour cette micro-compagnie que l’on espère revoir.
Akeem H.Ibrahim aka Washko qui leur succède est un danseur superbe : des lignes impeccables, une technique hip-hop irréprochable, un art du geste avec ses accélérations et ses ralentis d’une beauté sidérante. Le voir sur scène est toujours réconfortant. Mais cette virtuosité du danseur comorien ne suffit pas à faire de Jusqu’à L. une pièce majeure. L’idée de mettre en scène un dialogue entre Akeem H.Ibrahim et la lumière paraît intéressante sur le papier. Sa traduction sur scène est décevante. L’introduction durant laquelle il déplace des bougies sur la scène plongée dans le noir s’éternise. Les moments de danse pure sont un régal mais ils sont trop souvent entrecoupés de séquences inutiles. Bref ! il manque un ou une chorégraphe.
C’est aussi avec des danseurs comoriens que s’achève la soirée. Soyons Fous par la Compagnie Tché-za emprunte largement au langage hip-hop et aux danses urbaines mais le chorégraphe Salim Mzé Hamadi Moisi nous emmène dans un tourbillon où les danseurs n’hésitent pas à s’affronter physiquement conformément aux codes du krump, cette tendance hip-hop qui mime la colère et la révolte. Tout cela est exécuté avec un humour constant, ce qui sied bien à une soirée d’ouverture.
Soirée inaugurale du Printemps de la Danse Arabe à l’Institut du Monde arabe. Et si demain de Nidal Abdo avec Nidal Abdo, Samer Al Kurdi, Alaaeddin Baker et Maher Abdul Moaty ; Jusqu’à L.– de et avec Akeem H.Ibrahim ; Soyons fous de Salim Mzé Hamadi Moisi avec Abdou Mohamed, Mohamed Oirdine, Fakri Fahardine et Ahmed Abdel-Kassim. Vendredi 22 mars 2019. Le Printemps de la Danse Arabe continue jusqu’au 28 juin.