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[Arte Flamenco] – Joaquin Grilo, Olga Pericet, Inés Bacan et Antonio Rey 

Le 31e festival Arte Flamenco a mis comme chaque été Mont-de-Marsan à l’heure andalouse. Au programme : cinq jours pour faire le plein de toutes les tendances du flamenco dans un savant mélange de stars et de découvertes, de chant et de danse,  de spectacles et de stages avec les maestros du festival. Malgré la canicule infernale, le public était au rendez-vous pour cette longue fête qui se conclue chaque soir par un double spectacle. Joaquin Grilo, Olga Pericet, Inés Bacan et Antonio Reyont enflammé le Café Cantante, bodega éphémère sous les halles du  marché Saint Roch, pour un programme grand luxe !

Arte Flamenco, 31e édition

Flâner dans Mont-de-Marsan à l’heure d’Arte Flamenco, c’est prendre le risque de se perdre dans des sévillanes amatrices au coin d’une rue, croiser le triporteur, cette scène mobile qui se déplie chaque soir sur les bords de la Midouze ou Place Saint Roch. C’est capter au loin une version flamenca de La Bohème de Charles Aznavour. C’est encore faire un détour sous les tonnelles de la Villa Mirasol Manuel Martin Martin, critique féroce, redoutable et redouté, véritable encyclopédie vivante du flamenco, nous parle de Carmen Amaya, enfant prodige et première star internationale du baile flamenco. Morte trop jeune en 1963 à l’âge de 45 ans, elle révolutionna le flamenco, inventant un nouveau langage chorégraphique qui a inspiré Olga Pericet pour son spectacle de clôture du festival.

Une balade à Arte Flamenco, c’est aussi se surprendre à croire aux miracles. Il y a 30 ans, le photographe Michel Dieuzaide présentait au festival de la photographie d’Arles une exposition en immersion dans le flamenco andalou. Ces clichés sont à nouveau rassemblés au musée Despiau-Wlérick et c’est une de ses photos qui a été choisie pour l’affiche de cette année. La petite fille que l’on y voit de dos et dont le geste a été figé il y a 30 ans, et qui s’est reconnue en se voyant partout dans Mont-de-Marsan, est devenue la danseuse et chorégraphe Mercedes Ruiz. On est au-delà de la coïncidence !

Joaquin Grilo

Le soir donc, c’est au Café Cantante que l’on a retrouvé Joaquin Grilo dans son nouveau spectacle La Calle de Mis Sueños. On l’avait quitté il y a trois ans alors qu’il se livrait à une fausse battle flamenca, partageant la scène avec Antonio Canales. Cette fois, Joaquin Grilo se met en scène lui-même et nous parle de lui, de ses rêves et des idoles. Dans son panthéon, deux des plus grands danseurs de l’histoire que sont Fred Astaire et Michael Jackson. C’est souvent drôle et parfaitement réglé, trop peut-être. Le spectacle dans sa première partie apparaît très formaté pour faire surgir l’émotion.

Mais deux moments purement magiques finissent par emporter l’adhésion. D’abord un mano a mano avec le chanteur José Valencia qui était sur la scène du Café Cantante la veille pour un récital. Ces deux-là sont capables du meilleur et improvisent un dialogue chant/danse qui  nous emmène très loin. Et puis cette solea interprétée lentissimo, un moment unique et d’une incroyable difficulté technique selon les spécialistes du genre.

Antonio Rey

La grande émotion de la soirée, on la doit à Antonio Rey. Le guitariste partageait la scène avec un autre guitariste, Diego del Morao, pour un récital où alternent solos et duos, trio parfois avec Fernando de la Morena, tous soutenus par les percussions d’Ané Carrasco. Antonio Rey a un touché unique. Sans esbroufe, sans effet, il joue avec une sobriété qui donne toutes ses chances à sa musique. Il est profondément virtuose et avec ses dix doigts et ses six cordes, on a le sentiment d’entendre tout un ensemble d’instruments. On resterait à l’écouter jusqu’au bout de la nuit.

Inés Bacan est revenue à Mont-de-Marsan où elle a beaucoup de souvenirs : « La France est mon deuxième pays« , a-t-elle ainsi déclaré au public du Café Cantante. À 68 ans, la chanteuse perd parfois sa ligne mélodique mais qu’importe : son chant puissant ancré profondément dans la terre andalouse nous bouleverse. C’est un flamenco qui ne triche pas et qui s’appuie sur la guitare d’Eugenio Iglesias et les palmas de Vicente Pena et Luis Aguilera. Ces deux là sont d’une infinie bienveillance, à l’écoute sans cesse d’Inés Bacan et de ses improvisations qui hurlent la douleur. Elle est l’élégance suprême de l’art flamenco qui frôle la mort en permanence.

Ines Bacan

Olga Pericet avait la lourde responsabilité de refermer cette 31e édition d’Arte Flamenco. La jeune danseuse et chorégraphe incarne ce que Sandrine Rabassa, la directrice artistique du festival, veut faire d’Arte Flamenco : non pas un catalogue de représentations mais aussi un moteur pour la création. C’est ainsi qu’Olga Pericet a été accueillie l’an dernier en résidence pour soutenir son projet de bâtir un spectacle autour de la personnalité de Carmen Amaya. Le résultat s’appelle Un Cuerpo Infinito. Ce n’est pas un hommage mais une manière de capter l’essence et l’énergie de son aînée. Olga Pericet séduit d’emblée dans un premier solo infernal : en pantalon, bravache, son zapateo dégage une force physique impressionnante. Dans ce spectacle trop long, la danseuse évoque quelques moments charnières de la vie de Carmen Amaya, comme son succès américain qui est illustré par une séquence jazz qui aurait dû être plus courte. Ou encore ce moment vers la fin de sa vie où Carmen Amaya s’effondra sur scène prise d’une syncope. Trop souvent, le spectacle pâtit d’une scénographie trop sophistiquée et de séquences parasites qui nuisent à la danse. Mais quand celle-ci reprend ses droits, Olga Pericet nous offre des émotions pures et un baile vertigineux de force et  de précision, enrichissant son flamenco de danse contemporaine.

On quitte à regret Mont-de-Marsan. Il y a dans ce festival une atmosphère unique, une générosité qui vous cueille à tous les coins de rue de la ville landaise et qui se prolonge tard dans la nuit. Tout était là pour un rendez-vous flamenco réussi, même la chaleur qui elle aussi était andalouse. Le duende quoi !    

Olga Pericet

 

31e édition du festival Arte Flamenco.

Récital de guitares d’Antonio Rey et Diego del Morao Estrellas de Jerez  ; La Calle de Mis Sueños de Joaquin Grilo. Vendredi 5 juillet 2019 au Café Cantante.

Récital de chant d’Inés Bacan ; Un Cuerpo Infinito d’Olga Pericet. Samedi 6 juillet 2019 au Café Cantante. 




 

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