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Jeune talent – Cinq danseuses russes à suivre

Brillantes ambassadrices du Ballet russe, Svetlana Zakharova, Polina Semionova, Diana Vishneva, Natalia Ossipova ou encore Olga Smirnova, pour n’en citer que quelques unes, monopolisent l’attention des balletomanes, de New-York à Tokyo, en passant par Londres, Berlin, Paris, Milan… et, naturellement, la Russie. Mais au-delà de ces divinités vivantes, de jeunes talents commencent à faire leurs preuves sur scène. Qui seront les grandes Étoiles russes de demain ? DALP braque les projecteurs sur cinq jeunes danseuses appelées à briller sur les grandes scènes internationales.

 

Eleonora Sevenard, la ballerine du sérail

En Russie, la valeur n’attend pas le nombre des années. Et au rayon des âmes bien nées, le cas Eleonora Sevenard est emblématique de ces talents précoces qui montrent, à pas même 20 ans, une maturité artistique déroutante. Diplômée de l’Académie Vaganova et élève fétiche de Nikolaï Tsiskaridzé, Eleonora Sevenard a très tôt été mise en avant pour son ascendance illustre – elle a pour aïeule Mathilde Kchessinskaïa, mythe du ballet russe impérial, contrainte de s’exiler en France après la révolution de 1917. Pourtant, la jeune fille a montré qu’au-delà d’un joli minois et d’un milieu privilégié, elle pouvait compter sur une technique sûre et un tempérament d’acier. Entrée au Bolchoï en septembre 2017, la ballerine de 21 ans est déjà soliste, affrontant des rôles exigeants tels que Kitri, Phrygia ou Gamzatti. Si vous étiez en 2017 au Gala des Écoles du XXIe siècle organisé par l’Opéra de Paris, vous aviez sûrement été terrassé par son interprétation magistrale du Cygne noir. Elle n’avait que 19 ans et pourtant, elle défiait l’audience avec aplomb, exhalant un charme vénéneux qui m’avait scotchée, du premier rang où j’étais. Les tonnerres d’applaudissement ont confirmé que mon ressenti n’était pas isolé : le public parisien découvrait une graine d’Étoile en puissance, déjà capable de s’approprier les personnages qui ont traversé les siècles. Médiatique et glamour, on pourrait dire qu’Eleonora Sevenard a ça dans le sang…

Eleonora Sevenard – Don Quichotte

 

Alena Kovaleva, la danseuse hors normes

C’est d’abord ses ailes de géante qu’on a remarquées, le jour où, à 17 ans, elle foulait la scène du Prix de Lausanne dans le rôle de la princesse Gamzatti. Des bras et des jambes s’étirant à perte de vue ! Et ce visage poupin, incarnation parfaite d’une Belle au bois dormant, qui détonnait sur ce grand corps de liane. Puis on s’est délecté d’une jolie danse, ample, onctueuse. Malgré son talent, Alena Kovaleva, encore un pur produit Vaganova, n’a pas été embauchée au Mariinsky, en raison de sa grande taille (1m78). Le directeur du Bolchoï, féru de danseuses atypiques et qui a peut-être vu en elle une nouvelle Alina Somova, engage ce diamant brut et lui offre de grands rôles alors qu’elle n’a que 19 ans. Sans surprise, elle s’illustre d’abord dans le répertoire propre à l’époque impériale. On lui confie ainsi Diamants puis rien de moins que Le Lac des cygnes. On la retrouve par la suite dans des personnages autoritaires, où sa stature est un atout : Myrtha, La Reines des Dryades La Fée des Lilas, Raymonda… Tout juste vingtenaire, l’élégante pétersbourgeoise est déjà Première danseuse du Bolchoï. Gageons que comme Eleonora Sevenard, elle saura préserver une identité forte, sans seulement se reposer sur ce que la nature lui a légué. Admirez-la dans cette variation de Raymonda.

 

 

Maria Khoreva, la star d’Instagram

Si le Mariinsky a laissé une nuée de cygnes d’envergure s’envoler vers Moscou, il a réussi à attirer dans ses filets la jeune star d’Instagram Maria Khoreva, déjà Première danseuse à seulement… 19 ans, après un an d’ancienneté dans la compagnie. Le phénomène Maria Khoreva, à première vue, c’est plus de 300.000 abonné.e.s sur Instagram avec une communication bien léchée. La jeune fille écrit dans un anglais parfait, alternant des vidéos de prises de rôle prestigieuses (La Bayadère, Le Corsaire, Paquita…), des répétitions, des tutoriels de danse et des confidences sur sa carrière, devenant une idole accessible, une sorte de bonne copine qu’on admire, pour les apprenties ballerines de sa génération. Fluette et gracile, la brunette stupéfie aussi par son assurance en scène et sa danse raffinée qui font d’elle une délicieuse fée des dragées. Mais pas seulement. La direction du Mariinsky lui a confié des rôles requérant une grande expérience technique et artistique, comme Nikyia récemment. Certains la comparent déjà à Diana Vishneva, une autre star maison. À suivre…

Maria Khoreva

 

Oksana Kardash, une étoile moscovite

Il y a les Étoiles acclamées dans le monde entier, citées plus haut, et celles que la Russie garde jalousement pour elle. Moins renommé que le Bolchoï, le Stanislavsky, dirigé par Laurent Hilaire, recèle une vraie perle. Oksana Kardash est ainsi une Étoile imposante qui allie l’élégance et la grâce à la force et l’autorité. Si elle est entrée dans la compagnie en 2005, elle ne commence à briller que dix ans plus tard, alors que le répertoire se modernise sous une nouvelle direction, et lui offre des rôles à sa mesure. C’est en 2015 que je l’ai découverte, tout à fait par hasard, alors que j’assistais, comme le tout-Moscou balletomane, à la représentation de Natalia Ossipova dans Giselle. Et là… stupeur. Face au prodige Ossipova, nous découvrons une Myrtha impériale, capable de dominer la scène en présence d’une Étoile déjà aguerrie, une reine des Willis qui capture l’ambiguïté subtile du rôle, en se montrant majestueuse et implacable tout en personnifiant la beauté outre-monde des créatures romantiques d’antan. Cette danseuse aux lignes sculpturales ? On déchiffre péniblement, dans la pénombre, le feuillet de la distribution : Oksana Kardash. Depuis, elle est devenue la star de la compagnie, adoubée par Laurent Hilaire, par le public et la critique locale. Découvrez cette artiste qui a un petit air de Polina Semionova, répétant Suite en blanc (Lifar) sous l’oeil avisé de Claude Bessy et de Laurent Hilaire.

 

 

Tatiana Ossipova, la perle cachée du Bolchoï

Il y a parfois des talents éclatants qui ne connaissent pas immédiatement le succès météorique qu’ils méritent. La prodigieuse Tatiana Ossipova est l’incarnation de ce phénomène, qu’on devine temporaire. Un jour d’été 2017, j’ai reçu sur mon portable une petite vidéo, de piètre qualité, de la part d’une amie moscovite qui travaille à l’académie du ballet du Bolchoï. Sous la vidéo mal cadrée et hyper-exposée, un message : “danseuse extrêmement talentueuse bientôt diplômée, retiens son nom”. Avertie, je  regarde avec attention. Je reconnais la variation de l’adage blanc du Lac des cygnes. Je m’émerveille. Cette très jeune Odette a des lignes à se damner, un lyrisme exacerbé qui nous conte toute la douleur du cygne blanc, une musicalité qui accentue la beauté lancinante de la musique. À peine majeure et déjà une compréhension si fine d’un tel rôle ? Je note son nom : Tatiana Ossipova. Le prénom d’une grande héroïne de Pouchkine et le nom de famille d’un autre prodige moscovite, au style radicalement différent, on ne pourra pas les confondre. La ballerine surdouée est bien sûr engagée au Bolchoï l’année de la fin de ses études. Mais, étrangement, l’essor fulgurant qu’on attend n’a pas lieu… Parce que la beauté devrait irriguer le quotidien de chacun.e, je clos cet article avec une vidéo qui donne un aperçu de ses capacités vertigineuses. Un pur-sang au lyrisme de tragédienne. Vivement un grand rôle pour cette artiste si envoûtante !

 




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