“Le flamenco, c’est un art de vie et de vérité, pas des robes à pois et des castagnettes”
La 4e Biennale d’Art Flamenco s’ouvre le dimanche 26 janvier au Théâtre de Chaillot. C’est désormais un rendez-vous majeur qui propose à la fois créations et reprises de spectacles, emmenés par de grandes figures et de nouveaux venus de la danse et de la musique flamenco. Sept spectacles vont se succéder dans les deux salles du théâtre : David Coria et David Lagos, Ana Morales, Eva Yerbabuena, Olga Pericet, Rocío Molina, Tomatito, Andrés Marin et Marie-Agnès Gillot, jusqu’au 13 février. Daniela Lazary, conseillère artistique à la programmation a collaboré étroitement à la création de la Biennale et participé aux quatre éditions. Pour DALP, elle explique les axes de la programmation de cette année et comment le flamenco s’est transformé depuis 20 ans.
Comment le flamenco est venu à vous?
J’ai commencé par danser. Mais le goût de la production est venu naturellement à moi et je me suis installée à Séville pour le flamenco en 1992. Á l’époque, mon professeur était José Galvan, le père d’Israel. C’est lui qui m’a influencée et m’a fait venir. Pourtant, j’ai senti très vite que c’était quelque chose qui ne m’appartenait pas, que la scène représentait trop de responsabilité. Par contre, je me sens beaucoup plus à ma place en accompagnant des artistes tout en connaissant le flamenco de l’intérieur. Je vais tout voir ! Tous les spectacles, tous les festivals.
Comment en êtes-vous venue à collaborer avec le Théâtre de Chaillot pour cette Biennale d’art flamenco ?
Quand Dominique Hervieu dirigeait le Théâtre de Chaillot, elle m’avait contactée parce qu’elle voulait faire un festival. J’avais beaucoup développé le réseau culturel en France pour expliquer que le flamenco, ce ne sont pas des clichés mais qu’il y avait des artistes avec un vrai engagement et un message, que c’est un art qui est au-delà du folklore et de ce que Franco avait voulu en faire à l’époque, pour précisément en ôter tous les aspects créatifs. Quand Didier Deschamps a été nommé, j’ai écrit un projet pour la création d’une biennale d’art flamenco. Je pensais qu’il fallait que ce soit une biennale pour avoir le temps de proposer une création à chaque édition.
Et cette année, la création ce sera ¡Fandango! de David Coria et David Lagos. Que pouvez-vous nous en dire ?
C’est un spectacle très emblématique de ce que doit être le flamenco, avec l’alliance sur scène d’un musicien et d’un danseur. David Lagos a créé un concept de spectacle musical tout en restant fidèle aux racines du flamenco. Il compare son art à du pain frais fait avec des ingrédients anciens. David Coria, qui vient du Ballet National qui a connu les grands noms, est un danseur extraordinaire. Mais il excelle aussi dans la mise en scène en proposant une esthétique qui n’est pas centrée sur l’individu. C’est assez rare car aujourd’hui, il y a beaucoup plus de solos dans les spectacles de flamenco que de travail de groupe. C’est lié aussi aux structures de productions car en Espagne, contrairement à la France, il n’y a pas ou très peu d’aide. Et le Théâtre de Chaillot tient à proposer quelque chose de nouveau, et non pas seulement des pièces qui ont déjà été vues à la Biennale de Séville ou ailleurs.
Comment compose-t-on une édition de la biennale de flamenco ? Pouvez-vous nous parler des artistes présents cette année ?
Je pense qu‘il doit y avoir toutes les écritures. On commence par exemple avec ce chorégraphe David Coria qui est encore peu connu. Il y aura aussi Olga Pericet qui a eu le Prix National de Danse en 2018, qui est quelqu’un qui s’amuse sur scène : elle joue au foot, elle s’habille en rouge. Son spectacle s’appelle L’épine qui voulait être une fleur ou la fleur qui rêvait d’être une danseuse. Elle amène à la fois les couleurs espagnoles et une vision contemporaine dans sa façon de développer le spectacle. Olga Pericet enlève le drame au flamenco. Il y aura Eva Yerbabuena avec Cuentos de Azúcar. Elle a une profondeur d’un flamenco traditionnel authentique même si elle collabore avec une chanteuse et un percussionniste japonais. En fait, ce sont deux traditions qui se rencontrent. Il y aura Tomatito qui est le grand guitariste gitan qui n’est pas venu à Paris depuis cinq ans. Il y aura avec lui la danseuse gitane Karime Amaya qui interprète une danse très raciale bien que ce soit un mot que l’on ne peut plus employer aujourd’hui;, mais je ne vois pas comment le dire autrement. On verra aussi Ana Morales, une danseuse habitée qui a un univers très spécifique car elle vient de la danse classique. Elle s’est aussi dépouillée des robes, des clichés et elle s’est accrochée à quelque chose d’assez théâtral qui raconte une histoire.
Comment avez-vous vu évoluer le flamenco depuis 20 ans ?
Je l’ai tellement vu évoluer que j’ai arrêté de danser ! Quand je suis arrivée à Séville en 1992, on le dansait de manière très traditionnelle et aujourd’hui le flamenco s’est ouvert complètement pour se mettre au même niveau que les autres arts de la scène, que ce soit la danse contemporaine ou le théâtre. Surtout, il s’est inspiré de ces autres arts de la scène. Il y a eu évidemment une personnalité déterminante dans cette évolution, c’est le guitariste Paco de Lucia et ses rencontres avec l’univers du jazz. Au niveau de la danse, vous avez des artistes comme Andrés Marín, Israel Galván et Rocío Molina qui ont ouvert des portes et découvert d’autres univers. Ce n’est pas de la fusion mais c’est du partage. Il faut aussi citer Antonio Gades qui a créé le théâtre flamenco et a apporté toute une nouvelle dimension théâtrale au flamenco et une nouvelle rigueur.
Que peut-on dire à quelqu’un qui n’a jamais vu de flamenco ? Comment le convaincre de venir en voir et en écouter ?
Je lui dirais : venez prendre votre dose d’énergie, de sincérité, de romantisme aussi, de vérité et de vie. Parce que c’est tout ça le flamenco et non pas les clichés des robes à pois et des castagnettes. C’est un art à part entière mais ce cliché est encore vivace mais il faut essayer de lui tordre le cou.
La 4e Biennale d’Art Flamenco a lieu du 26 janvier au 13 février 2020 au Théâtre de Chaillot
RAPALLO Georges
les robes à pois et castagnettes c’est la sévillana .danse joyeuse de SEVILLE lors de la FERIA ? LE FLAMENCO est triste, poignant et mélancolique venant des gitans d’ANDALOUSIE