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Rencontre avec Olivier Meyer, directeur de Suresnes Cités Danse, pour les 30 ans du festival

Suresnes Cités Danse fête ses 30 ans, avec son édition 2022 du 7 janvier au 13 février, au Théâtre de Suresnes. L’occasion pour DALP de rencontrer Olivier Meyer, son directeur, pour évoquer l’évolution de ce rendez-vous incontournable des danses hip hop. Quand Suresnes Cités Danse a démarré en 1993, le hip hop était loin d’avoir la visibilité d’aujourd’hui. 30 ans plus tard, cette danse s’est institutionnalisée avec deux CCN dédiés, des chorégraphes reconnus dans le monde entier – souvent découverts à Suresnes Cités Danse – et toujours plus de jeunes talents émergents. Pour DALP, Olivier Meyer revient sur les temps forts de 30 ans de Suresnes Cités Danse, son évolution et sa volonté intacte de soutenir de nouveaux artistes.

Suresnes Cités Danse

 

La danse hip hop aujourd’hui est bien installée dans le paysage de la danse en France, avec de nombreux artistes, festivals et programmations. Ce n’était pas le cas en 1993, au moment de lancer Suresnes Cités Danse, où le hip hop était encore confidentiel, en tout cas pas présent dans les théâtres. D’où est venue cette envie de lui créer un festival dédié ?

En 1992, dans une banlieue de Montpellier, je découvre Doug Elkins et des jeunes incroyables de sincérité, avec l’envie de danser pour vivre, de partager ce qu’ils faisaient et le plaisir qu’ils en avaient. Ça a été un choc émotionnel. Je venais d’arriver à la direction du Théâtre de Suresnes, j’étais producteur avant, j’avais envie de brasser des univers différents. J’avais une curiosité, de l’enthousiasme, l’envie d’être en mouvement. Et le goût du risque et de l’audace, que j’espère avoir gardé ! En 1993, aucune institution ne se consacrait autant au hip hop. Pour la première fois, un festival y réservait trois semaines, en commandant des choses nouvelles. Qu’est-ce que je risquais ? Mon père risquait des choses pendant la guerre. Moi, je risquais juste le ridicule, de mauvaises critiques et des salles un peu vides, rien d’autre. Notre métier de directeur est aussi de faire naître et d’accompagner de nouvelles formes. C’est ce dont j’avais envie.

 

Quel était l’état d’esprit de Suresnes Cités Danse il y a 30 ans, à son lancement ?

Dès le départ, j’ai été dans une démarche de production et de création de nouvelles formes, en proposant des choses à des artistes, chorégraphes, danseurs et danseuses. Il y avait très peu de chorégraphes hip hop à l’époque en France. Il fallait donc proposer aux artistes de faire naître de nouveaux spectacles. Nous avons associé des chorégraphes de la danse contemporaine à des danseurs et danseuses hip hop. Cet échange a permis de faire connaître Suresnes Cités Danse, et de faire naître toute une génération de chorégraphes hip hop qui étaient danseurs en 1993, comme Kader Attou ou Mourad Merzouki par exemple.

 

Comment, en 30 ans, Suresnes Cités Danse a pu aider le hip hop à se développer ?

Si le hip hop a pu acquérir un statut de danse à part entière, et c’est unique au monde, c’est en grande partie grâce à Suresnes Cités Danse. Ce sont les artistes qui le disent, mais je le revendique aussi ! En 1993, il n’y avait pas grand-chose. Nous avons accompagné les artistes, avons permis de faire vivre sur scène ce qui pouvait se passer dans l’espace public. Il ne suffit pas de dire à un artiste qu’il est formidable et qu’il devrait se lancer dans la chorégraphie. Il faut l‘accompagner, lui proposer des collaborations, des noms. Nous sommes vraiment partenaires des artistes. Cela a donné des choses nouvelles en scènes, l’effet a été extraordinaire.

 

Pouvez-vous parler de quelques collaborations et découvertes qui ont marqué ces 30 années ?

Il y a eu des choses inoubliables ! Je pense à Blanca Li et son spectacle Macadam Macadam, une commande de Suresnes Cités Danse qui a ensuite tourné pendant dix ans. Ousmane Sy y était danseur, il avait 18 ans, il découvrait le théâtre et ses possibilités, tout comme l’idée de devenir chorégraphe. Je cite aussi José Montalvo et son spectacle Paradis qui a fait le tour du monde, suite à deux commandes de notre part, Pierre Rigal avec Asphalte… Il y a aussi ceux qui sont nés au festival. J’avais proposé dans les années 2000 à Kader Attou de faire un spectacle se nourrissant de son enfance. Cela donne le succès Petites histoires.com, trois mois plus tard il prenait la direction du CCN de La Rochelle. Plus tard Jann Gallois, arrivée en 2007 en tant que danseuse, ensuite programmée constamment chez nous et devenue depuis aujourd’hui artiste associée au Théâtre de Chaillot, ou Amala Dianor dont Suresnes Cités Danse a été le point de départ de sa carrière. Ce sont pour moi des souvenirs incroyables, on a été un fantastique tremplin et découvreur de talents.

Olivier Meyer, directeur de Suresnes Cités Danse

Votre programmation des 30 ans de Suresnes Cités Danse invite quelques-uns de ces noms. C’était une envie de les rassembler pour cet anniversaire ?

Il y avait la volonté de travailler dans la fidélité, avec des artistes qui ont marqué le festival et qui ont été marqués par le festival, qui en gardent un lien très fort : Blanca Li, Amala Dianor, Jann Gallois, Pierre Rigal, etc. Mais nous avons aussi Nora Granovsky, Salim Mzé Hamadi Moissi, Ingrid Estarque ou Rafael Smadja qui viennent pour la première fois ou sont de jeunes talents. Il y a toujours ce mélange de nouvelles créations, dans une volonté de fidélité avec des artistes que l’on aime, et de faire émerger des propositions avec des artistes qui viennent pour la première fois,

 

En quoi les chorégraphes hip hop d’aujourd’hui sont-iels différent-e-s de ceux et celles d’il y a 30 ans ?

La génération actuelle a été nourrie par les autres spectacles, pas forcément étiquetés hip hop d’ailleurs. Cela a élargi considérablement le spectre, ils ont clairement plus de références artistiques. Ils cherchent aussi un moyen de vivre, donc de faire des spectacles attractifs. Ils ont aussi mesuré ce que la technique peut apporter, ce que la communication peut apporter, ils ont cette incroyable capacité à diffuser des images et d’effets spectaculaires grâce à la technique. Les moyens financiers sont aussi là, la fréquentation, la diffusion, le public, les propositions. Le nombre de danseurs et danseuses qui deviennent chorégrapĥes augmentent, et pas seulement dans le hip hop, tout le monde monte sa petite entreprise. Tant mieux ! C’est un foisonnement, même si ça complique un peu la sélection.

 

Une fois que les 30 bougies seront soufflées, vers quoi pour aller le festival ?

C’est difficile de dire vers quoi l’on va. Nous sommes dans le mouvement, la disponibilité aux artistes, dans le repérage de talents. Alors nous allons avec des artistes singuliers. Cette volonté de créer de nouvelles formes, de repérer des talents et de les accompagner de monter de nouvelles productions doit demeurer. Il y aura encore plus d’ouverture pour faire naître de nouvelles formes. Le hip hop, comme toute forme artistique, se nourrit de rencontres et d’univers, il capte le monde et l’époque dans lesquels il vit et s’enracine dans quelque chose de plus éternel : la poésie, la beauté, l’énergie, l’envie de vivre.

 

Cette trentième édition de Suresnes Cités Danse a lieu dans un contexte sanitaire incertain, la précédente édition n’a pas eu lieu. Quel est votre état d’esprit ?

Nous avons un devoir sacré d’optimiste dans un contexte qui incite à une grande vigilance. J’espère que l’on pourra tenir l’intégralité du festival. Il y a une fragilité dans toutes les époques, particulièrement dans la nôtre. Mais les artistes sont là, ils travaillent, ils ont envie de partager leur danse et c’est joyeux. Ils ont une maison qui les accueille et les accompagne, et qui a la même énergie qu’à ses débuts.

 

Suresnes Cités Danse 2022, du 7 janvier au 13 février au Théâtre de Suresnes Jean Vilar. 

 

 



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