[Paris l’été 2022] – Näss de Fouad Boussouf
Fouad Boussouf avait fait l’ouverture de Paris l’été l’an dernier au musée Louvre, qui s’est désormais ajouté aux lieux emblématiques du festival. Pour cette édition, le chorégraphe reprend Näss, spectacle à succès créé il y a cinq ans et qui continue à soulever le public tant il contient une énergie débordante et communicative. Cette pièce pour sept danseurs, venus du hip-hop, du cirque ou de la danse contemporaine, est un concentré de puissance qui se décline à la fois comme transe, prière et combat, bâtie sur une chorégraphie époustouflante de précision et de vitesse. Portée par la musique du groupe de rock Nass el Ghiwane, Näss (les gens) est un spectacle viril et généreux, exaltant et sismique qui a mis le feu au Lycée Jacques Decour.
C’est tout en douceur et presque en silence que débute Näss de Fouad Boussouf. Les sept danseurs entrent côté cour et s’alignent dos au public face à l’écran de fond de scène, dans la cour du Lycée Jacques Decour à Paris. Comme un éloge de la lenteur, rien ne se passe ou presque rien. Successivement, chacun des danseurs se penche et revêt une veste. Mais ce rituel très prosaïque déborde très vite. Les danseurs s’alignent, avancent, reculent, courent. Démarre alors un ouragan phénoménal. Fouad Boussouf lance ses interprètes dans un mouvement ininterrompu composé de rondes, d’alignements, de croisements au millimètre investissant tout le périmètre de la scène dans une géométrie impeccable. Émergent des solos où chacun exhibe son savoir-faire, son talent secret. Des duos aussi, tant Fouad Boussouf ne redoute en rien de jouer avec les imaginaires et les désirs cachés. Ou encore une séquence stupéfiante où les danseurs relèvent lentement leur tee-shirt, tous au même rythme et de la même manière. Et les voilà soudainement voilés alors qu’ils vont former une chaîne humaine, l’un à l’autre liés composant une fraternité colorée.
C’est l’un des rares moments apaisés de Näss, qui happe le public en permanence sans lui laisser le temps de souffler. Il y a comme l’idée d’une urgence, celle de la vie qui se brûle. Tour à tour transe collective, prière, lutte ou défi, le spectacle éblouit aussi par sa virtuosité superlative. Il y laissent des litres de sueur à la mesure d’un engagement de tous les instants. Seuls moments d’accalmie quand le groupe se retrouve de nouveau aligné dos au public, comme pour se ressourcer avant une nouvelle séquence. C’est alors que le corps à son tour se fait instrument de musique pour un concert de percussions avec les pieds sur un tempo commun dans un geste chorégraphique superbe qui lie dans le corps même des danseurs danse et musique.
Näss ne se laisse pourtant pas apprivoiser facilement. Le spectacle se décline en chausse-trappes, gavé de testostérone, résolument masculin mais frôlant l’homo-érotisme, sublimant l’individu mais attaché à la force du collectif, convoquant le sacré pour mieux le subvertir. Cette dialectique profane embrase le plateau et le public dans un élan commun irrésistible. Näss a vu le jour en 2018 et son succès n’a jamais fléchi. Le spectacle a fait le tour du monde et il continue sa route qui, à l’automne, le conduira outre-Atlantique pour une tournée aux États-Unis et au Canada avant de revenir en France.
Näss fut un cadeau pour fêter la fin d’une canicule éprouvante. Fouad Boussouf est un habitué du festival Paris l’été, qui cette année a fait une place de choix à la danse. Angelin Preljocaj ouvrait les festivités avec son Boléro au musée du Louvre, OMMA de Josef Nadj qui nous avait enchanté l’automne dernier enchaîne au Lycée Jacques Decour. Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel savent concocter à merveille un programme où se côtoient des reprises luxueuses et des pépites cachées qu’il faut aller traquer dans les recoins de la capitale. Sous leur direction, Paris l’été est une fête !
Näss de Fouad Boussouf, avec Elias Ardoin, Sami Blond, Mathieu Bord, Maxime Cozic, Yanice Djae, Loïc Elice et Justin Gouin. Mercredi 20 juillet 2022 au Lycée Jacques Decour. À voir jusqu’au 23 juillet.
Le Festival Paris l’été se poursuit jusqu’au 31 juillet.