[Sortie ciné] Neneh Superstar de Ramzi Ben Sliman
Écrit et réalisé par Ramzi Ben Sliman, Neneh Superstar raconte l’histoire d’une fillette noire de 12 ans habitant la Courneuve (93) qui tente de trouver sa place au sein de l’École de ballet de l’Opéra de Paris, peu ouverte à la diversité. Malgré sa fougue, Neneh va devoir affronter l’animosité d’une partie du corps enseignant, tout particulièrement la directrice de l’établissement. Dans le sillage d’un Billy Elliot (les références abondent jusqu’à la composition de l’affiche), sans toutefois parvenir à l’égaler, Neneh Superstar évoque comment, en raison de son origine ou de sa couleur de peau, il est difficile de se frayer une place dans le milieu de la danse classique encore très conservateur. Si le film dénonce clichés et stéréotypes qui peuvent déboucher sur de la discrimination, il s’égare par quelques faiblesses de scénario et un manque de vraisemblance sur le milieu de la danse classique qu’il pointe du doigt.
Des jeunes filles se présentent aux auditions d’une école de danse. Rebaptisée “école de ballet de l’Opéra de Paris”, il ne fait aucun doute qu’il s’agit de l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Toute ressemblance n’est absolument pas fortuite. Parmi les apprenties ballerines, une seule dénote par sa couleur de peau. Voici Neneh, pas encore superstar, qui rêve d’intégrer la prestigieuse institution. Sourire qui lui mange le visage, confiance chevillée aux chaussons, un sacré bagout, elle est sûre d’elle. Sa passion, c’est la danse et elle aussi a sa place dans cette école. Pourtant, dès le départ, son admission est loin de faire l’unanimité. “Je ne crois pas qu’elle soit faite pour cette école, il s’agit de créer une uniformité esthétique pour le corps de ballet“, s’insurge Marianne Belage, la directrice de l’école face à un ou deux professeurs et surtout au directeur de l’Opéra pour lesquels l’intégration de la jeune fille ne fait pas l’ombre d’un doute.
Malgré l’hostilité de l’ex-Étoile, Neneh est retenue. Mais ses débuts en tant que petit rat ne sont pas aussi réjouissants qu’elle les fantasmait. Le film s’attache à montrer le parcours initiatique semé d’embûches de cette jeune ballerine sur laquelle camarades, professeurs (pas tous) et surtout directrice de l’école s’acharnent pour lui faire regretter son choix. Neneh s’accroche, tient tête à l’autorité, puis doute, rue dans les brancards et songe même à arrêter la danse jusqu’au volte-face final un peu expédié…
Ramzi Ben Sliman ne fait pas secret de son amour pour la danse. Il est d’ailleurs l’auteur d’un court-métrage Grand Hôtel Barbès réalisé en 2019 pour la 3e scène de l’Opéra de Paris où il met en scène un danseur de hip-hop. S’il n’a pas pu tourner à l’École de Danse à Nanterre (il s’agit des locaux de l’École Centrale à Saclay), tout est fait pour faire croire que l’on s’y trouve. Il avoue avoir beaucoup épluché des documentaires comme Graines d’étoiles, visionné des vidéos de Claude Bessy pour “fixer des attitudes, des répliques“. Il a également lu la thèse de sociologie (Entrer dans la danse. L’envers du Ballet de l’Opéra de Paris de Joël Laillier, CNRS Éditions) sur le recrutement des jeunes élèves de l’École de Danse. La question de la diversité au sein de cette institution l’interpelle avant le manifeste intitulé “De la question raciale à l’Opéra de Paris” et le rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris qui a suivi, le scénario du film étant semble-il déjà écrit.
Son point de départ est pertinent. Il est un fait certain que la danse classique doit s’ouvrir davantage. Mais impossible de ne pas souligner pas mal de maladresses dans cette comédie dramatique, notamment en premier lieu le niveau de Neneh, clairement en-deça de ce que l’on peut attendre d’une jeune fille intégrant une école de danse comme celle qui est représentée dans le film. Pourquoi avoir soigné les détails jusqu’aux survêtements de chauffe et laisser passer cette invraisemblance ? Celles et ceux qui découvrent le milieu de la danse n’y verront (peut-être) que du feu, les autres tiquent déjà.
Par ailleurs, alors qu’il dénonce les clichés, le film n’évite pas non plus les pièges de la caricature notamment sur les rivalités entre jeunes ballerines… La danse, ton univers impitoyable où l’on remplit d’excréments les chaussons de sa copine de classe ! Ou sur la personnalité de son héroïne. Ainsi, le comportement de Neneh à l’égard des professeurs ou même de la directrice de la danse. Certes, il s’agit d’une jeune fille rebelle qui n’a pas froid aux yeux, mais ses prises de position voire sa grossièreté l’enferment dans des clichés liés à son milieu social, voire la rendent carrément antipathique.
Tutoyer le pianiste et lui faire reprendre trois fois le début de sa variation est un comportement qui peut faire sourire, sous couvert de naïveté et de méconnaissance des codes. Mais il est très éloigné de celui qu’on peut attendre d’une candidate à une école prestigieuse. Difficile aussi de se ranger du côté de la jeune ballerine quand elle remet en question brutalement le choix de la directrice de ne pas l’avoir retenue pour danser le premier rôle. Même s’il est clair que la dite directrice met ostensiblement des bâtons dans les roues de Neneh. Là où le film prend une appréciable distance, c’est dans la présence parentale. À la différence de la mère un peu dubitative sur l’envie de faire de la danse classique, le père, lui, soutient Neneh dans son projet. Mais c’est bien la maman qui va acheter la tenue de sa fille chez Repetto !
Côté casting, le choix de Oumy Bruni Garrel ne convainc pas totalement. Certes la jeune comédienne (qui fait quasiment ses débuts au cinéma) a une énergie, un aplomb qui donne corps à son rôle. Mais en tant que danseuse, elle excelle davantage dans les passages hip-hop. Les solos où elle laisse exprimer sa rage chorégraphiée par Mehdi Kerkouche sont des passages très réussis, mieux que ceux de danse classique. Faut-il s’en offusquer ? Oui, par rapport au scénario. Peut-être que le metteur en scène, confronté à ce qu’il dénonce, a-t-il eu du mal à caster une fillette noire ou métisse dans un cours de danse classique ? Et que dire de Marianne Belage (incarnée par Maïwenn), directrice de l’école attachée au respect de la tradition et porteuse d’un lourd secret. Elle est glaçante et le coup de théâtre quasi final est intéressant quoi qu’un peu vite réglé. Mais l’actrice ne dégage, hélas, rien de l’ancienne Étoile qu’elle est censée incarner.
Ainsi, s’il n’est pas exempt de bonnes intentions, il a sans doute manqué à Neneh superstar un part des ingrédients qui ont contribué à la réussite de la série L‘Opéra par exemple. Ou la part de grâce qui a consacré le formidable Billy Elliot dont il se veut, un peu trop hâtivement, l’héritier.
Neneh superstar de Ramzi Ben Sliman – 1h37 – En salles le 25 janvier 2023.
Lili
Apparemment ils ont eu beaucoup de mal à trouver une jeune danseuse noire qui avait vraiment le niveau et la capacité à être actrice… (et je doute que l’Ecole de l’Opéra ou même le CNSMD ait permis à leurs élèves de tenter leur chance, ne serait-ce que pour des raisons d’emploi du temps…). Peut-être qu’il fallait oser prendre une doublure….
la souris
M’est avis qu’ils auraient pu choisir une meilleure danseuse s’ils n’avaient pas fait passer en premier cette jeune actrice (talentueuse en tant que telle) qui n’est autre que la fille de Louis Garrel et Valeria Bruni-Tedeschi… On voit au générique (et pendant la scène de l’audition lors des gros plans sur ses pieds) qu’elle a une doublure, mais clairement, ça ne suffit pas à faire illusion.
Pascale Maret
Je n’ai pas vu le film, mais l’article m’amène à quelques remarques.
– Il est un peu paradoxal que ce film, censé dénoncer la difficulté qu’a une enfant réussir dans la danse en raison de son origine familiale, ait pour interprète la fille de deux acteurs célèbres.
– Quant à son trop faible niveau en danse, qui la rend peu crédible dans le rôle apparemment, il est peut-être dû, comme vous le faites remarquer, à la difficulté de trouver en effet en France une fillette d’origine africaine de haut niveau parmi le trop faible nombre qui pratiquent la danse classique. Ou alors elle existe peut-être, cette fillette, sauf qu’elle n’a pas la chance d’avoir des parents bien placés dans le cinéma. Finalement le milieu social ne joue-t-il pas davantage que l’origine ethnique quand il s’agit des chances qu’a un enfant d’accéder à la culture dite “classique” ?
– Ce problème de niveau en danse classique était déjà celui de l’interprète de Flora dans la série “L’Opéra” : comment croire que cette jeune danseuse réussisse au concours d’entrée dans le corps de ballet ? Le procédé systématique utilisé dans les deux cas et qui consiste à filmer séparément haut du corps et pieds sur pointes de la doublure est plutôt maladroit.
– Le roman “Les pointes noires” de Sophie Noël avait déjà traité le sujet, de façon sans doute moins caricaturale, c’est vraiment dans l’air du temps.