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[Arte Flamenco 2023] Mont-de-Marsan plus flamenco que jamais

La 34e édition d’Arte Flamenco s’est achevée dimanche 1er juillet à Mont-de-Marsan par un grand bal sévillan, mené par le groupe Cambales venu de Séville. En dépit d’une météo capricieuse, le public a répondu présent pour danser sévillanes et rumbas, point d’orgue d’une folle semaine durant laquelle le chef-lieu des Landes devient le centre de l’art flamenco. Malgré l’absence d’Israel Galván blessé au genou, ce cru 2023 a offert des spectacles mémorables au Café Cantante, des moments d’émotions et de sincérité partagés entre publics et artistes, qui sont le cœur du flamenco. Retour sur ce vagabondage à Arte Flamenco 2023. 

El Choro - Arte Flamenco 2023

Arte Flamenco – #SiDiosKiere d’Antonio Molina “El Choro”

Il faut prendre son temps à Mont-de-Marsan et se plonger dans la ville pour sentir le pouls d’une cité qui, durant une semaine vit, respire et vibre flamenco. Certes, il y a ce rendez-vous du soir avec les musiciens et les danseurs dans un programme double cher à Sandrine Rabassa, la directrice artistique de Arte Flamenco. Mais ce festival, c’est bien plus que cela. Il y a les fameux stages pris d’assaut par toutes celles et ceux qui veulent s’initier ou se perfectionner auprès des meilleurs maîtres. C’est aussi tout un cycle de conférences pour s’interroger sur l’histoire et l’avenir de cet art si singulier.  Une table ronde s’est attardée sur le sort réservé aujourd’hui au chant flamenco pour constater que les programmateurs et programmatrices tendent à le délaisser au profit de la danse. Or, l’un ne va pas sans l’autre. Les danseuses et danseurs flamencos ont besoin de se nourrir de la musique flamenca et que celle-ci se renouvelle et ne cesse d’offrir de nouvelles propositions. C’est l’une des spécificités d’Arte Flamenco et une part importante de son identité : mêler en permanence la danse et la musique.

Anniversaire de la mort de Picasso oblige, l’affiche du festival 2023 s’inspire du dessin de Picasso Danseuse et Picador. Et Rafael Inglada du Musée National de Picasso à Malaga a analysé la relation de l’artiste avec le flamenco. Sur un ton plus léger et avec beaucoup d’humour et de sens de la dérision, l’écrivain et photographe Olivier Deck nous a régalés de sa verve savante pour nous livrer quelques clefs sur l’histoire de flamenco. Elle est truffée de mystères et d’hypothèses. Mais on en retiendra quelques lignes de force : l’Andalousie évidemment, ce terreau sur lequel il a prospéré et qui en reste l’épicentre absolu, les gitans et notamment ceux de Jerez qui sont les premiers artistes de l’art flamenco. Et le cri comme l’expression de l’âme flamenca, fondée sur trois piliers : le chant, la guitare et la danse. Pour le reste, le flamenco prête le flanc à toutes les légendes et c’est fort bien ainsi.

Nouveauté de cette édition 2023 : la multiplication des propositions gratuites qui sont aussi un des marqueurs d’Arte Flamenco. Pour la première fois, une grande scène ouverte a été installée sur la grande place Charles de Gaulle, derrière les anciennes halles. Là se sont succédé amateurs ou jeunes professionnelles avant d’accueillir le gala des maestros, où se produisent les stagiaires sous la direction de leurs professeur-e-s. Grand moment de partage et ferveur populaire avec le soutien indéfectible du public montois.

El Bolo - Arete Flamenco 2023

Arte Flamenco – Algoritmo de Ismael de la Rosa “El Bola”

Et comme toujours, chaque soirée offre un rendez-vous au Café Cantante, théâtre éphémère érigé sur le marché Saint-Roch. Pour les représentations du 30 juin, Sandrine Rabassa avait réuni Ismael de la Rosa “El Bola” accompagné de deux guitaristes, Yerai Cortés et José Fernandez, fils du célèbre Tomatito, et du percussionniste Ismael Suarez. Moment intense d’un flamenco sincère, profond mais joyeux d’où émane une fraternité contagieuse. Quel plaisir de constater que  les jeunes générations veulent perpétuer l’art du chant et de la musique flamenco ! Le danseur Antonio Molina “El Choro” leur succédait sur scène dans le même esprit. Lui aussi s’est initié auprès de son père car le flamenco, c’est aussi une affaire de famille. Son spectacle #sidiosquiere (si Dieu le veut), créé l’an dernier à Jerez, vous saisit comme un ouragan. Il entre vêtu d’un manteau ample qu’il fait voler en tournant sur lui, dégageant une puissance formidable. Entouré de guitaristes et de chanteurs, EL Choro dit ses joies et ses nostalgies avec une sincérité touchante. Parfois, il se perd ou s’éparpille. Mais à la fin, il nous emporte, nous happe, nous émeut.

L’art flamenco n’est jamais formaté. Il se moque comme d’une guigne des attraits physiques ou des mensurations idéales. Quand El Choro bouge tout en délicatesse avec son corps de rugbyman, Jesús Carmona qui lui succéda le lendemain s’impose avec ses lignes acérées et ce physique qui évoque davantage celui d’un danseur classique. Comme un clin d’œil, c’est d’ailleurs avec un extrait de la musique de Giselle que débute ce spectacle unique, création spéciale pour Arte Flamenco. Sandrine Rabassa avait imaginé  inviter Israel Galván pour un spectacle qui aurait été créé sur place à Mont-de-Marsan, nourri par ses rencontres et de master class qu’il devait donner. La star s’est hélas blessée au genou deux semaines seulement avant le début du festival.

Arte Flamenco – Jesús Carmona

La directrice artistique et le directeur général Lionel Niedzwiecki ont réussi le tour de force de lui substituer Jesús Carmona, danseur magnifique. En pleine création pour un spectacle à venir, il a proposé une soirée unique, festive, infiniment ludique, faisant monter sur scène 17 spectateurs et spectatrices qui avaient reçu à l’entrée un petit ruban rouge, avec l’autographe du danseur. Entouré du jeune guitariste Antonio Sánchez et du chanteur Antonio Nuñez “El Pulga” à la voix chaude et bouleversante, il semble improviser devant nous une danse d’une grande pureté. Sa technique est remarquable. L’ancien Premier danseur du Ballet National d’Espagne sait à peu près tout faire. Il nous glisse ici une arabesque au milieu d’un zapateo infernal. Hâbleur, d’une infinie drôlerie, Jésus Carmona cabotine avec gaieté et générosité, emportant le public dans un  tourbillon fraternel et le sens du partage. La star du chant flamenco Rosario “la Tremendita” a refermé avec son énergie flamenco rock cette édition, là encore dans la générosité et le partage, invitant sur scène l’immense guitariste Rafael Riqueni. 

Alors que parvenait à Mont-de-Marsan la fureur du pays, la capitale landaise affirmait sa conviction dans le pouvoir de l’art et de la culture à panser les plaies. Guérir, c’est toucher avec amour ce qui a été touché avant avec la peur“, confiait Sandrine Rabassa qui imagine ce festival depuis plus de 15 ans. Déjà, dit-elle, cette édition lui donne plein d’idées pour les années à venir. On peut lui faire confiance, elle dont les racines plongent du côté de Séville, pour porter haut et fier l’art irremplaçable du flamenco.

La Tremendita - Arte Flamenco

Arte Flamenco – TREMENDA. Principio y Origen de Rosario”La Tremendita” et Rafael Riqueni

Arte Flamenco 2023.

Algoritmo de Ismael de la Rosa “El Bola” – #SiDiosKiere d’Antonio Molina “El Choro”- Vendredi 30 juin 2023 au Café Cantante.

Jesús Carmona – TREMENDA. Principio y Origen de Rosario”La Tremendita” et Rafael Riqueni – Samedi 1er juillet 2023 au Café Cantante.

 



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