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[Festival d’Automne 2023] Miet Warlop – One Song

Créée au printemps 2022 avant de triompher au Festival d’Avignon l’été suivant, One Song de Miet Warlop a ouvert le Festival d’Automne de Paris au Théâtre du Rond-Point. La pièce, qui lorgne vers de multiples disciplines, s’inscrit dans le projet “Histoire(s) du théâtre NT Gand”, qui a sollicité différents metteurs en scène pour livrer leur vision personnelle et intime du théâtre. À la fois performeuse, plasticienne, metteuse en scène, chorégraphe, Miet Warlop éclate tous les codes pour offrir un spectacle déjanté déversé à toute allure dans un fracas de décibels tel un concert rock déconstruit et vécu comme une performance sportive. Etonnant, détonnant.

 

One Song de Miet Warlop

 

Après avoir restauré avec brio l’aura du Montfort et octroyé ses lettres de noblesse au festival Paris l’été, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel ont pris la direction du Théâtre du Rond-Point, à Paris. Et choisir One Song de Miet Warlop pour ouvrir leur première saison dévoile en filigrane la politique artistique qu’ils entendent mettre en œuvre dans ce prestigieux théâtre. S’ils s’inscrivent dans l’esprit de leur prédécesseur Jean-Michel Ribes, cette première saison imprime les choix qui ont présidé à leur travail au Théâtre Montfort. Et Miet Warlop incarne à merveille ce tournant dans la programmation. Comme d’autres femmes – Marlene Monteiro Freitas, La Ribot, Marina Otero, Phia Ménard ou Angelica Liddell – Miet Warlop défie toute tentative de formatage. À l’instar de toutes ces femmes, elle nourrit son esthétique de son histoire personnelle, déclinant sur scène une sorte d’autobiographie et refusant de s’enfermer dans un genre.    

Le plateau sans rideau de One Song est un bric-à-brac que l’on parvient pourtant assez vite à identifier. On est là dans un univers résolument sportif : des tribunes en bois pour le public, un drapeau d’un pays imaginaire qui flotte,  une poutre, des barres fixes, un tapis de course. Et si l’on hésite encore, l’entrée sur scène des artistes en maillots numérotés éclipse tous les doutes, C’est dans ce gymnase foutraque improvisé que tout se passe. Mais l’on perçoit déjà comme des dissonances : une contrebasse couchée sur un tapis de sol, une batterie totalement démembrée dont les éléments sont éloignés d’un mètre les uns des autres.

Ça commence telle une caricature de compétition sportive, avec au micro la présentation des performers dans un charabia incompréhensible. D’où émergent de temps en temps quelques phrases empruntées aux stéréotypes du genre, comme l’énumération des performances individuelles, alors que sur scène on sautille dans le rythme caricatural des sportifs avant l’effort. Puis une machine infernale se met en route, sans jamais s’arrêter une heure durant, à l’exception d’une brève séquence de ralenti désopilante. Rien n’est finalement à sa place. Sur la poutre grimpe une violoniste qui exécute tout en jouant des exercices gymniques impeccables, aussi à l’aise à l’archet qu’en gymnastique. Le contrebassiste joue couché en effectuant des relevés abdominaux. Le batteur  couvre la distance en courant pour atteindre les différents éléments de sa batterie démantibulée. Et enfin, le chanteur ne semble nullement perturbé par le tapis de course sur lequel il évolue si souvent en courant.

 

One Song de Miet Warlop

 

One Song ! La clé du titre se livre assez rapidement. Il n’y a qu’une chanson reprise ad libitum dans une chorégraphie infernale. Sur les bancs des supporters, on s’agite et on danse alors que rôde du début à la fin une majorette homme. Comme le mot masculin n’existe pas en français, l’on dira plutôt pom pom boy. Un personnage énigmatique, vision onirique qui semble n’être vue par personne, esquissant des pas de danse classique.

Le show éprouve ses interprètes jusqu’à l’épuisement. Dégoulinant de sueur, toutes et tous vont au bout de leur fatigue. “Je les invite à faire de nouvelles expériences sur scène. Ce qui m’intéresse, c’est plus la sensibilité des gens qui performent que leur virtuosité. L’idée est de vivre un véritable effort ensemble mais davantage du côté du sensible que de la technicité…” , explique Miet Warlop. Et pourtant, il y a là beaucoup de techniques admirablement maitrisées, sans cesse moquée et détournée. One Song est un spectacle hilarant qui à son corps défendant – ou peut-être pas ! joue avec les codes du sport et les détourne avec un grand respect dans une recherche de l’extrême. C’est réjouissant et fort opportun en cette saison olympique qui ne cessera d’interroger les liens entre sport et culture. Miet Warlop le fait de belle manière, à sa façon infiniment inventive, singulière, attachante.

 

One Song de Miet Warlop

 

One Song de Miet Warlop, avec Simon Beeckaert, Stanisals Bruynseels, Rint Dens, Judith Engelen, Elisabeth Klinck, Marius Lefever, Willem Lenaerts, Luka Mariën, Milan Schudel, Merlvin Slabbinck, Joppe Tanghe, Karin Tanghe, Wietse Tanghe et Flora Van Canneyt. Vendredi 15 septembre 2023 au Théâtre du Rond-Point de Paris, à  voir jusqu’au 1er octobre. En tournée en Europe jusqu’à la fin de l’année

 



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