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Conseil pratique – Choisir son cours de danse contemporaine

La rentrée est arrivée. Et cette année, vous souhaitez découvrir une autre façon de bouger. Vous vous intéressez à la danse contemporaine… Mais par où commencer ? Technique Horton, Graham, Cunningham ou Limon : vers quel cours se diriger ? Quelles sont les différences entre ces différentes approches ? Comment savoir celle qui pourrait me convenir ? Pour ce premier conseil pratique dédié à la danse contemporaine, penchons-nous sur ces différentes techniques, leurs spécificités, et ce qui pourrait vous plaire dans chacune d’entre elles. 

 

Conseil pratique : choisir son cours de danse contemporaine – Le pédagogue Lucas Viallefond

 

La danse contemporaine en France s’est développée à partir des années 1950. Mais certaines techniques venues des États-Unis ou d’Allemagne ont beaucoup influencé l’enseignement de la danse en France. Les chorégraphes et pédagogues ont développé des techniques de mouvements au fil des années, ce qui fait que la danse contemporaine française est en constante évolution. Difficile parfois de s’y retrouver !

En France, chez les professeur-se-s de danse contemporaine, on retrouve beaucoup de principes fondamentaux de certaines techniques de danse moderne dite “techniques fondatrices”. Parmi ces techniques, on retrouve principalement les approches de Merce Cunningham, Lester Horton, José Limon ou Martha Graham. Chacune de ces techniques présente des caractéristiques distinctes qui permettent aux danseurs et danseuses de se former différemment, en fonctiont de leurs affinités avec telle ou telle technique. Alors comment se repérer avec celles-ci et comment choisir celle qui vous plaira le plus ?

 

La technique Cunningham

Le principe – Créée par Merce Cunningham (1919-2009), cette technique est presque mathématique dans sa relation à l’espace, mais elle n’est pas forcément logique. Les mouvements du torse et des jambes peuvent être aléatoires et indépendants. L’attention est portée sur les rotations, les isolations et les changements de direction fréquents ainsi que le rythme. Merce Cunningham disait d’ailleurs : “Le secret, c’est le rythme“.  Cette technique est largement influencée par la danse classique pour le travail des jambes.

En pratique – Le cours se déroule souvent de la même façon avec une série d’exercices de base toujours debout, puis des traversées allant jusqu’aux grands sauts. Chaque professeur-e aura sa propre façon d’appréhender la manière d’expliquer. Dans un cours de technique Cunningham, il y a peu de corrections : le danseur/la danseuse doit trouver sa propre organisation corporelle pour réussir les exercices proposés. Il faut cependant respecter le tempo, les directions… Cette technique développe ainsi une certaine autonomie de travail.

En exemple : Split Sides (Silas Riener solo) par la Merce Cunningham Dance Company.

 

 

 

La technique Limon

Le principe – Créée par José Limon (1908-1972), cette technique explore la force de gravité et les émotions dans la danse. Les mouvements sont fluides et organiques, souvent inspirés des forces de la nature et des états émotionnels de l’être humain. Basée sur la respiration et la façon dont elle influence nos mouvements, elle porte une attention particulière sur le fait de ne pas montrer l’effort. Cette technique met aussi l’accent sur les changements de poids du corps, les chutes contrôlées et les rebonds pour créer une dynamique expressive.

En pratique – Le cours se déroule d’une façon différente pour chaque professeur-e. Il reste basé sur des principes fondamentaux tels que la chute et la suspension, les mouvements en succession, le rebond, le swing, les différences de dynamiques, la conscience du poids de chaque partie du corps…

En exemple : la Limon Dance Company 

 

 

 

La technique Horton

Le principe – Développée par Lester Horton (1906-1953), cette technique met l’accent sur la force et la flexibilité grâce à des exercices appelés fortifications. Les mouvements sont basés sur des études anatomiques favorisant l’alignement correct du corps et corrigeant les défauts de posture. Lester Horton a également intégré des éléments d’influence afro-caribéenne dans sa technique, ce qui lui donne une esthétique unique.

En principe – Le cours se déroule en faisant les fortifications que le-la professeur-e de danse a choisi de proposer ce jour-là, puis des traversées, des enchaînements et des sauts.

En exemple : Revelations d’Alvin Ailey par l’Alvin Ailey American Dance Theater

 

 

 

La technique Graham

Le principe – Développée par Martha Graham (1894-1991), cette technique est caractérisée par des mouvements puissants, expressifs et dramatiques. La technique est basée sur la notion de “contract-release” (contraction-libération en terme d’énergie) ainsi que sur une initiation de chaque mouvement par le sacrum (l’os du bas du dos qui réunit la colonne vertébrale au bassin).

En pratique – La structure de la technique et l’ordre des exercices est fixe mais chaque professeur-e choisit de faire ou de ne pas faire tel ou tel exercice, en se basant sur ce qu’il-elle souhaite travailler au cours de sa classe. Comme chez Merce Cunningham, le cours se déroule souvent de la même façon. Il démarre par des exercices de respiration assis pour travailler et renforcer le dos, activer la colonne vertébrale dans ses possibilités de spirales et d’inclinaisons. Viennent ensuite des exercices debout puis des traversées souvent empruntées au répertoire. Et pour finir des séries de grands sauts.

En exemple : Lamentation de Martha Graham par la Martha Graham Dance Company

 

 

 

Quelle technique pour qui ? 

Maintenant que nous avons fait le point sur les différentes techniques de base et leurs spécificités, voyons vers laquelle vous pourriez vous tourner. 

Pour ceux et celles pratiquant qui ont une base de danse classique et qui ne veulent pas trop être perdus au début de la découverte de la danse contemporaine, la technique Cunningham est un bon choix. Elle convient également à ceux et celles qui aiment repousser les limites de l’apprentissage rapide et des jeux de coordination dans le corps (vive les comptes impairs!).

Si vous êtes plutôt à aimer privilégier une approche physique et technique, alors la technique Horton pourrait être le bon choix : elle est idéale pour ceux et celles qui veulent développer leur force et leur compréhension anatomique.

Si vous êtes attirés par une approche plus organique, enracinée dans la connexion avec la nature et les émotions humaines, alors la technique Limon pourrait être faite pour vous. Cousine de la danse allemande, la technique Limon est excellente pour les danseurs et danseuses classiques qui veulent “respirer” leur danse et jouer avec le déséquilibre, qui diffère de la recherche de l’axe en danse classique.

L’approche de la danse Graham conviendra aux danseurs et danseuses qui veulent apprendre une technique stylisée et pleine de passion, très théâtrale et qui explore des thèmes complexes et profonds dans son travail de répertoire.

 

En conclusion

Chaque technique de danse contemporaine, que ce soit Cunningham, Limon, Horton, ou Graham, offre une approche unique et stimulante pour les danseurs et danseuses. Le choix de la technique dépendra souvent des préférences personnelles, du-de la professeur-e, des intérêts artistiques et des objectifs de chacune et chacun d’entre vous. Quelle que soit la technique choisie, la danse contemporaine offre un espace d’expression et de créativité où tout le monde peut trouver sa voix unique et partager son art avec le monde.

Alors, quelle technique vous appelle ?

 



 

Commentaires (1)

  • Baulieu Claire

    En complément, il me semble intéressant de rappeler le contexte dans lequel les danseurs chorégraphes du début du XXème siècle ont évolué aux États-Unis.
    L’héritage laissé par Martha Graham, José Limon, Lester Horton et Merce Cunningham constitue un immense patrimoine artistique, pleinement revendiqué par les générations qui se sont succédées depuis le début du XXème siècle, des héritiers directs jusqu’à ceux qui œuvrent aujourd’hui.

    Il est important de s’y intéresser en parallèle à l’apprentissage d’une technique, afin d’en comprendre l’essence et cultiver un regard éclairé sur l’oeuvre chorégraphique de ces artistes.

    Il faut noter que les compagnies de ces chorégraphes perdurent depuis la disparition de leur créateur, à l’exception de la Cie Merce Cunningham, selon son souhait.

    Le désir de bouger, de partir, de découvrir de nouveaux horizons et d’envisager le monde en termes d’espace et de liberté, étonnera toujours les Européens.
    Il inspirera durablement les pionniers de la danse moderne américaine et leurs héritiers directs tout au long du siècle, à travers leur histoire personnelle, l’histoire avec un grand H, les influences marquantes ainsi que les contextes sociaux-économiques qu’ils ont traversé. Leurs paroles et écrits, leurs œuvres chorégraphiques expriment tout cela de façon très explicite, par le biais d’un langage corporel élaboré et complété sur plusieurs années ou décennies.
    .
    Louis Horst (1894-1964), pianiste, pédagogue et compositeur américain, a très bien exprimé les particularités de la danse moderne américaine en évoquant l’espace, la grand’ route, l’esprit pionnier et l’immensité du continent.
    Dès le début du XXème siècle, cette question typiquement américaine se posera pour la danse. La danse moderne américaine naîtra de ce constat. L’oeuvre des chorégraphes s’étendra sur plusieurs décennies. Chaque création sera contemporaine, évocatrice d’une époque, d’un climat social, politique, de l’évolution d’une vision artistique, leur donnant aussi toute leur puissance singulière.

    Martha Graham, José Limon, Lester Horton et Merce Cunningham ont laissé chacun un immense héritage :
    – la création d’une technique comprenant des exercices répertoriés avec une progression sur plusieurs niveaux,
    – une production d’œuvres chorégraphiques exceptionnelles,
    – la programmation de leur compagnie professionnelle à l’international (une 2ème compagnie préprofessionnelle, Graham II et Ailey II se produisent au niveau national aux États-Unis).
    – la création d’écoles de formation professionnelle aux États-Unis et dans le monde,
    – la transmission des techniques et des répertoires chorégraphiques dans les départements Danse des collèges et universités aux États-Unis et dans le monde entier.

    Quelques exemples de paroles d’artistes :
    au sujet de la technique de Martha Graham, Yuriko (grande interprète et pédagogue du répertoire Graham) apporte son éclairage : “la contraction-release n’est pas spécifiquement grahamienne; elle existe dans les danses
    africaines et dans d’autres formes d’expression. Ce qui est original c’est l’emploi qu’elle en a fait.
    Sa découverte essentielle, à mon avis, c’est la spirale qui situe le mouvement dans un espace volumétrique et c’est là son image de marque, ce qui la différencie des chorégraphes de son époque… Le mouvement grahamien ne s’arrête jamais, même la détente est contrôlée » (en référence à la danse classique qui comporte des temps forts séparés par des phases de préparation).

    Lester Horton : « J’essaie sincèrement de créer une technique de danse basée entièrement sur des exercices correctifs, créés avec la connaissance de l’anatomie du corps ; une technique qui corrige les imperfections physiques et prépare le danseur à tout type de danse qu’il souhaite poursuivre, une technique contenant tous les mouvements de base qui gouvernent le corps humain, combinée à la connaissance de l’origine du mouvement et le sens de la forme artistique ».
    Suite à un accident (il est tombé du toit de son théâtre), tout en se rééduquant il a développé une technique de danse anatomiquement corrective, basée sur le corps dans son ensemble, dans une approche de la souplesse, la force et la coordination ainsi que la maîtrise de son propre corps pour libérer l’expression. Horton voulait utiliser les possibilités du corps, incluant les accents dans le corps.
    Notons que Lester Horton, mort prématurément à l’âge de 47 ans, s’est beaucoup inspiré de différents styles de danse y compris le jazz et qu’il avait une connaissance approfondie de la danse traditionnelle amérindienne.
    Ainsi, sa technique comporte des exercices de base effectués debout, au milieu et en déplacement, avec des exercices dits de Fortifications, Études, Swings, Tours, Chutes et Élévation.

    Merce Cunningham (auquel il faut associer John Cage, son collaborateur et initiateur d’une théorie qui fait de la musique « une matière sonore »). Son préalable fondamental est d’une simplicité biblique : la danse doit se suffire à elle-même. Techniquement, il part du postulat de base que le dos, support essentiel des bras et des jambes est assez peu utilisé et que la danse moderne n’exploite pas assez le bas du corps. Mais le principe de base est que la tête et le torse font partie de l’expérience :
    « J’ai donc développé un entraînement qui ressemble à des cours de danse classique ».
    Il applique ce principe à tous les niveaux du spectacle chorégraphique et l’affermira en sept points :
    – n’importe quel mouvement peut devenir de la danse,
    – n’importe quelle procédure constitue une méthode valide de composition,
    – toute partie du corps peut être utilisée,
    – musique, décor, costumes, lumière et danse ont une logique propre et une identité distincte,
    – n’importe quel danseur de la compagnie pourrait être soliste,
    – n’importe quel espace convient à la danse,
    – la danse peut parler de n’importe quoi, mais elle traite fondamentalement et avant tout du corps humain et de ses mouvements, à commencer par la marche.

    Pour conclure :
    Ne perdons pas de vue que la pratique d’un art implique l’apprentissage de la technique, un travail de patience, d’effort, d’obéissance et de respect. Cela incarne d’autre part, les valeurs qui fortifient l’être social que nous sommes.
    Ces techniques de danse tiennent compte des positions codifiées de la danse classique, elles abordent le corps de façon originale, et l’utilise à des fins chorégraphiques.
    Elles ont des points techniques communs :
    – la respiration, car chaque mouvement est uni à la respiration, – l’élasticité des ligaments et je jeu des articulations,
    – l’étirement du corps, des membres.
    et sont complémentaires à plusieurs égards :
    – elles éveillent l’attention aux différences de formes, d’énergie et d’expression,
    – elles s’enrichissent mutuellement, car elles abordent le mouvement par des voies d’accès différentes,
    – elles lancent des ponts, elles lient toutes les formes les unes aux autres faisant comprendre aux élèves danseurs que la différence est facteur d’enrichissement.

    Bonne route vers de belles découvertes !
    Claire Baulieu

    Professeur de danse contemporaine (techniques Martha Graham et Lester Horton), École du Ballet de l4opéra national de Paris de 1983 à 2019
    Professeur de composition chorégraphique pour les élèves de la Spécialité danse (Baccalauréat), École du Ballet de l’Opéra national de Paris depuis 2020

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