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[Photos] Casse-Noisette de Rudolf Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris – Décembre 2023

La récente série de Casse-Noisette de Rudolf Noureev d’après Lev Ivanov par le Ballet de l’Opéra de Paris, qui s’est tenue du 11 décembre au 1er janvier – prévue pour démarrer le 8, les deux premières représentations ont été annulées suite à des grèves – a créé des désaccords et de vifs débats ! Sur scène, cinq duos se sont confrontés à cette si difficile production, entourés d’une multitudes de seconds rôles pour beaucoup composés de jeunes talents. Deux autres couples n’ont pu par contre se montrer en scène, suite à des blessures. Restent quelques photos en répétition. Cette série fut enfin celles des adieux à la scène d’Adrien Bodet, Coryphée dans le Ballet, qui a tiré sa révérence le 30 décembre. Comme le veut désormais la tradition instaurée par José Martinez, chaque artiste sur le départ, quel que soit son grade, a droit à une mention dans la feuille de salle le soir de ses adieux, des saluts seul en scène et un bouquet de fleurs de la direction. Une belle initiative.  

 

Diaporama-photo des différentes distributions de Casse-Noisette de Rudolf Noureev d’après Lev Ivanov (décembre 2023 : 

Et place à des retours sur trois distributions. 

Marine Ganio et Marc Moreau

Je suis déjà revenue en détail sur le couple de la première, Inès McIntosh et Paul Marque. Place pour une seconde représentation à deux artistes à des stades différents de leur parcours : Marc Moreau et Marine Ganio. Je ne reviendrai pas sur les écueils de cette relecture : une autre interprétation n’y change rien ! Ce qui n’empêche pas d’y apprécier les interprètes. Marine Ganio montre ainsi tout son tempérament de soliste au premier acte, très présente dans le jeu. Elle n’est plus une petite fille, sa Clara est déjà presque adulte. Et elle prend son Casse-Noisette non pas comme un jouet, mais comme un objet précieux, son premier cadeau de jeune femme, offert par son oncle qui semble être le seul à la prendre au sérieux. Lors de la scène du cauchemar, c’est encore elle qui donne le tempo (même si c’est bien Drosselmeyer qui tire les ficelles, comme l’indique explicitement la mise en scène). Marine Ganio met même une pointe de second degré bienvenu lors de la bataille. Marc Moreau propose lui aussi beaucoup d’allant dans la scène de la fête, très présent et drôle, attachant. Voilà donc un duo qui fonctionne bien ! Et quand il se transforme en Prince, c’est véritablement un couple d’adultes qui est en scène. Ce qui n’empêche pas l’histoire de toujours autant coincer : voilà donc le fantasme d’un vieux monsieur de retrouver sa jeunesse pour séduire une jeune femme de 20 ans… On aura connu mieux. 

Au deuxième acte, le couple est irréprochable. Marc Moreau a cette prestance princière naturelle, et que Marine Ganio était belle dans son tutu or et blanc ! Néanmoins, il y avait chez eux comme un soupçon de retenue – notamment chez lui qui est resté discret, s’effaçant derrière sa partenaire – qui a empêché une certaine transcendance de la technique. Même si l’indulgence est de mise au vu de la difficulté de cet adage. L’on connaît les qualités de Marc Moreau, qui affiche une maturité très appréciable dans les différents rôles de solistes qu’il aborde depuis presque un an avec le statut d’Étoile. Marine Ganio, quant à elle, faisait son retour dans un premier rôle après de trop nombreuses années dans l’ombre. Ce fut un plaisir de retrouver son tempérament de soliste, sa danse précise et lisible, son investissement dans le jeu. Sa Lise en mars prochain sera à ne pas manquer !

Pour les autres rôles, le corps de ballet a montré plus de tenue, même si la terrible Valse des fleurs semble être décidément insurmontable. Du côté des seconds rôles, difficile de passer à côté de la lumineuse Bianca Scudamore en Luisa/Danse espagnole, qui rajoute ce je-ne-sais-quoi de si appréciable dans ses personnages. Elle mérite plus. 

Représentation du 23 décembre 2023.

Amélie Bertrand

 

Sae Eun Park et Germain Louvet

La vie de journaliste demande aussi parfois une capacité d’adaptation. Alors que j’avais prévu de voir la distribution Dorothée Gilbert et Guillaume Diop, des aléas ferroviaires en ont décidé autrement. De plus, Mathias Heymann étant finalement forfait, tout comme Myriam Ould-Braham, c’est au couple Sae Eun Park et Germain Louvet qu’est revenu la rude tache de m’entraîner dans l’univers de Casse-Noisette. Car pour être honnête, c’est loin d’être le ballet de Rudolf Noureev que j’affectionne le plus. Reste la musique de Tchaïkovski, la féérie de la Valse des Flocons (tableau à la féérie intacte quand les imperfections des premières représentations s’estompent) et quelques morceaux de bravoure au deuxième acte… Honte quand même à mon voisin qui a consulté au moins cinq fois la feuille de distribution (malgré mes remarques) avec la lumière de son smartphone durant le premier acte et filmé une grande partie du deuxième. Jouer la police du parterre est un rôle dont je me serais bien passé.

Mais revenons à la représentation ! Même si c’est le jeu, un grand bravo tout d’abord à Sae Eun Park et Germain Louvet d’avoir relevé le défi de ce partenariat, un peu au pied levé. L’un retrouve un rôle qu’il avait dansé lors de la dernière reprise en décembre 2014 avec Léonore Baulac, et l’autre réalise une prise de rôle dans un ballet qui lui a donné le goût de prendre des cours de danse classique. C’est d’ailleurs peut-être dans ses souvenirs de jeunesse que l’Étoile a puisé pour insuffler à sa Clara tant de juste juvénilité. Le rôle lui sied bien et même quand elle doit s’affirmer davantage dans le deuxième acte, Sae Eun Park conserve des sursauts de touchante pudeur enfantine. Si Germain Louvet ne réussit pas tellement à nous faire croire au vieil oncle dans le premier acte (mais essaie-t-il vraiment ? Et, en fait, est-ce bien grave ?), il se montre en revanche un partenaire sûr qui guide avec précision Sae Eun Park. Leur couple est bien équilibré, aérien. Ils parviennent même à débarrasser le grand pas de deux du bling bling – que la débauche de doré promet – pour nous recentrer sur la technique. C’est sans surprise mais efficace

On retiendra aussi les ensembles du premier acte dansés par les élèves de l’École de danse remplis de vivacité et d’espièglerie bien dosées. Chun-Wing Lam et Ambre Chiarcosso endossent les rôles de Fritz et Luisa avec brio et leur complicité avec Sae Eun Park sonne juste. Tous deux s’illustrent aussi dans la danse espagnole du deuxième acte. La Danse arabe interprétées par les magnétiques Ida Viikinkoski et Yann Chailloux n’est pas pour me déplaire si je me concentre uniquement sur l’aspect chorégraphique. idem pour les trois acrobates, Micah Levine, Samuel Akins et Ryosuke Miwa (trois découvertes) qui campent ce trio avec une virtuosité véloce. Enfin mention spéciale à la Pastorale, incarnée avec délicatesse par Hortense Millet-Maurin, Luna Peigné et Antoine Kirsher. Quant à la Valse des Fleurs, au-delà de peiner à convaincre, elle se révèle longue et ennuyeuse. La magie de Noël n’opère pas toujours. Il faut se faire une raison.

Représentation du 29 décembre 2023.

Claudine Colozzi

 

Héloïse Bourdon et Thomas Docquir 

Héloïse Bourdon et Thomas Docquir n’avaient qu’une seule date dans cette longue série. Et on peut le regretter, au regard de la qualité de cette représentation. José Martinez leur avait confié la tâche de conclure avec panache en fêtant ce jour de l’an avec le public. Quelles que soient les réserves que l’on peut légitimement exprimer sur une production hors d’âge, Héloïse Bourdon et Thomas Docquir en ont tiré le meilleur. La Première danseuse, qui compte de nombreux fans parmi les balletomanes, a livré une prestation remarquable de bout en bout. Le trac, la nervosité, le poids de l’enjeu ne semblent jamais faire partie de son répertoire. Elle dessine au premier acte une Clara espiègle, drôle, déjà sortie de l’enfance. Elle investit la scène avec autorité, le geste sûr et l’expression du visage tout en nuances, même si tous les spectateurs et spectatrices ne peuvent le percevoir dans l’immensité de Bastille. Thomas Docquir campe un Drosselmeyer quelque peu distancié, ce qui convient parfaitement.

Mais c’est au deuxième acte que le couple démontre une maîtrise totale de la chorégraphie : l’entrée en diagonale du début du Grand Pas est parfaite et donne le la de cet acmé du ballet. Héloïse Bourdon affiche une facilité absolue dans la redoutable variation qui suit et pour laquelle Rudolf Noureev a construit une série de pas complexes et parfois emberlificotés. Coordination idéale, épaulements naturels et un manège final ample font exploser la salle qui ne s’y trompe pas : que l’on soit connaisseur ou béotien, on discerne instantanément l’excellence d’Héloïse Bourdon. Ses lignes splendides font merveille dans ce Casse-Noisette. Thomas Docquir n’a pas la même facilité, mais il délivre une danse appliquée et se montre un partenaire irréprochable. Il est clair qu’Héloïse Bourdon est prête pour gravir la dernière marche et c’est tout ce que l’on peut lui souhaiter pour les mois à venir.

Le corps de ballet, qui aura montré trop de faiblesses lors de cette série, a enfin surmonté les difficultés de la chorégraphie. Mention spéciale pour Bianca Scudamore et Clara Mousseigne, piquantes et délicieuses en Flocons. Chapeau aussi à la cheffe britannique Andrea Quinn qui a su tirer le meilleur de l’orchestre de l’Opéra de Paris. Elle en propose une interprétation splendide et la voir diriger est en soi un plaisir, comme une autre chorégraphie quand ses mains manient la partition de Tchaïkovski. Enfin, on répètera au risque de radoter, que contrairement à cette légende tenace que l’Opéra de Paris permet au fil des programmes et des feuilles de salle, Marius Petipa n’a pas chorégraphié un pas de Casse-Noisette, pas un seul ! Malade, il confia à son génial assistant Lev Ivanov – l’auteur du deuxième acte du Lac des Cygnes – le soin de monter le ballet. Il serait temps de rendre à César ce qui lui appartient !

Représentation du 1er janvier 2024.

Jean-Frédéric Saumont

 



Commentaires (4)

  • Benedicte Bourcart

    Rien sur le duo Dorothée Gilbert et Guillaume Diop !!??!!
    Ballet retransmis par l’acte la télévision, il fut annulé et refusé par la grève au sein de L’ Opéra de Paris Palais Garnier à l’immense foule fan de Dorothée Gilbert danseuse et actrice.
    Magnifique surprise que ce duo qui s’entend si bien et découverte au grand jour, et grand soir, du talent de Guillaume Diop.
    À renouveler ! S’il vous plaît
    Quant à vla mise à l’honneur élégante au départ d’un coryphée : Bravo ! Comme le moindre maillon d’un collier de perles et diamants, chaque danseur a un rôle et sa place dans le succès d’un ballet !
    Ouf à la bien venue de votre nouveau directeur de la danse !

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  • Blanche

    Dommage rien sur Roxane Stojanov et Antonio Conforti (la Danse arabe), elle est divine

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  • JACQUELINE

    Rien sur Dorothée Gilbert Guillaume Diop et Roxane Stojanov peut-être parce qu’ils ont bénéficié d’une diffusion sur la télévision France 5 à une heure de grande écoute pas les autres distributions ? d’autre part nous pouvons les revoir sur un écran de
    télévision avec la Box le ballet est en replay. France.tv rubrique “Art et Spectacle” Je signale que la vignette de la vidéo est floue,
    les danseurs sont flous et pas de titre, il faut cliquer dessus pour savoir de quoi il s’agit !! (attention il y a aussi une “histoire de Casse-Noisette” un résumé pour enfant).
    Sur le Web France.tv 5 se trouve aussi la vidéo du spectacle et également une vidéo “les coulisses de Casse-Noisette ” une interview de Dorothée Gilbert, Guillaume Diop, José Martinez.
    https://www.france.tv/spectacles-et-culture/culture-prime/5574114-dans-les-coulisses-de-casse-noisette.html

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